vendredi 24 février 2012

Séjour à l'Île à Vache


C'est une île splendide. Peu développée, peu peuplée et tropicale à souhait. D'aucuns parleraient de paradis, d'autres, plus pragmatiques, y verraient une opportunité en or d'y développer un tourisme porteur d'or, justement. Est-ce là le sort qui attend l’île? Souhaitons que non. Car pour l’instant, c’est un endroit où il fait bon s’arrêter, histoire de reprendre son souffle. En tout confort, il va sans dire! Il ne s’agit pas ici de souffrir, mais bien de profiter de la vie, de se laisser prendre en charge par un système bien rodé, où tout est mis en place pour que le visiteur se sente bien et puisse couler quelques jours insouciants loin, entre autres, de la frénésie carnavalesque des Cayes…

Couler des jours insouciants alors que Les Cayes était en liesse peut sembler paradoxal à prime abord. Et pourtant, comme dans tous les paradoxes, même si c'est illogique, ce n'en est pas moins réaliste. Ni raisonnable. Certes, le carnaval présente un spectacle haut en couleurs capable d'épater les plus blasés – et je ne parle pas de nous, vous le savez bien. Mais le derrière de la scène est beaucoup moins reluisant, avec ses embouteillages indescriptibles, ses accidents aussi stupides qu'inévitables et ses problèmes logistiques stressants et souvent sans solution. Pour nous qui sommes aux premières loges de cette arrière-scène, nous avions choisi de prendre un petit recul face à l'événement que, de toute manière, les médias, télévision en tête, ont abondamment couvert et qui, selon le bilan provisoire présentement accessible, s’est fort bien déroulé, même sans nous...

J'en reviens donc à l'Île à Vache.

Elle n'est pas très loin des Cayes : à peine une demi-heure en bateau, une charmante balade quand la mer est calme, son état habituel. Et pourtant, en y débarquant, on se sent déjà dans un autre pays. Est-ce la mer, d'une clarté indéniablement tropicale? Est-ce le décor bucolique? Sont-ce les gens, insouciants et tranquilles, qui nous accueillent en souriant? Qu'importe, car la magie opère. On débarque à Port Morgan et l'on se met à marcher le nez en l'air, sans but précis, juste pour le plaisir d'être ici et pas ailleurs. Et commence ce qui sera une succession de moments fluides, régis par la seule annonce des repas qui, buffets obligent, doivent être pris à l'heure. Légère contrainte, s'il en est une, et que nous aurions tort de critiquer, les balises étant nécessaires à toute vie de farniente, et c'est un vieux paresseux qui vous le dit. Les repas, parlons-en. Buffets, soit, mais bien présentés et bien cuisinés (dans l'ordre inverse, en fait). Manger à n'en plus pouvoir, faire un somme pour aider la digestion, suivi d'une trempette dans la piscine ou la mer, selon notre inclination du moment et la journée tire déjà à sa fin. Bref, rien pour se plaindre.

Et pourtant, on ne peut que penser que ce petit coin de paradis reste menacé dans son existence même par la cupidité humaine et la mégalomanie propre aux entrepreneurs de tout acabit. Certains pensent et voient gros. Je vous ai parlé du tourisme en Haïti comme d'une industrie prometteuse, capable de contribuer solidement à faire tourner la machine économique. Mais pas sans discernement. Pas sans compréhension des enjeux environnementaux et humains. Pas sans respect de ce qui est déjà et qui n'a pas besoin d'être «amélioré» pour séduire les visiteurs. En fait, c'est précisément là que se joue l'avenir de l'Île à Vache : entre la quête pour un profit sonnant et le désir de maintenir l'île dans son état original, il doit y avoir un moyen terme, une façon de balancer les enjeux pour que tout le monde – et son père – y trouve son compte.

Quoi qu'il en soit, malgré son avenir incertain, l'Île à Vache reste présentement un endroit où il fait bon venir pour souffler un peu, oublier tous ces petits problèmes qui sont notre lot habituel et, pourquoi pas, échapper au tohu-bohu du carnaval, même s'il a connu un succès au-delà des plans les plus optimistes!


1 commentaire:

  1. Je suis allée voir les photos de l'hôtel Port Morgan... ça me semble en effet paradisiaque cette île! Ici, c'est présentement blanc-net tout autour car nous sommes en petite tempête... J'apprécie ce paysage!

    RépondreEffacer