mercredi 22 février 2012

Puisque c'est mon tour...


Le croirez-vous si je vous dis que j'avais complètement oublié pourquoi ce jour est si important? Hier, conscient que je vous avais mis en veilleuse – le «back-burner» comme disent nos amis américains (et même ceux qui ne le sont pas) et subjugué par le charme bucolique de l'île, je vous ai préparé un petit texte que je comptais bien achever ce matin, après le café, mais à peine éveillé et oyant les souhaits de ma tendre compagne, je dus me rendre à l'évidence : c'était effectivement le jour de mon anniversaire, un jour que je ne peux décemment passer sous silence en ces lieux d'écriture! Donc, pour mes impressions insulaires, faudra patienter un peu. Oh! Pas long, je vous le dis, puisque le texte est virtuellement prêt. Mais le jour commande, n'est-ce pas...

Le jour commande parce qu'il est unique. On naît un jour. Bien sûr, ce jour s'inscrit dans un mois qui fait partie d'une année, mais c'est le jour qui compte. L'heure est encore plus précise – 18h30 pour ma part – mais trop courte pour qu'on puisse la saisir et s'en délecter. Si bien que le jour est tout à fait approprié pour souligner un anniversaire, celui d'une naissance dont les traces se perdent maintenant dans la nuit des temps. En fait et historiquement, c'est le feu de Rimouski qui, l'année précédant ma naissance, a marqué l'Histoire : pas ma naissance, laquelle est sans doute passée assez inaperçue, sauf pour mes parents et leurs proches qui, comme toujours, ont dû s'exclamer devant une inexistante beauté chérubine. Car vraiment, dites-moi sérieusement : un nouveau-né, vous trouvez ça beau, vous autres?  C'est tout plissé, cramoisi et ça fait que dormir ou chialer... Je n'étais sans doute guère mieux... Mais comme j'étais le premier de ceux qui allaient devenir mes frères, j'assume que j'ai eu droit à tous les honneurs de l'acte accompli. Car si «mourir, cela n'est rien» (dixit Brel), naître est tout un accomplissement! Que j'ai réalisé avec brio, m’époumonant pour que le reste du monde sache. En plus et comme je viens de le dire, j'étais le premier, celui qui hérite de la tâche difficile de se frayer un chemin, d'ouvrir la voie pour les éventuels suivants. Sans oser paraphraser Sol, l'un de nos plus grands jongleurs de la langue, je pourrais dire que je suis né nu, phare de mes frères à venir...

Mais une fois né, il ne reste plus qu'à vivre, ce à quoi je me suis adonné avec un plaisir constant et, j'oserais dire, croissant au fil des ans. Aujourd'hui, sonnant les cloches soixante fois pour marquer les années, je suis tenté de les faire sonner ensemble, en une joyeuse cacophonie à l'image de ce que fut ma vie à ce jour. Quant aux chandelles sur le gâteau, oubliez ça. D'abord, du gâteau, je n'en mange plus depuis belle lurette, ayant perdu mon goût pour les sucreries en même temps que s'est développé celui du vin; ensuite, ces bougies qui symbolisent les années passées et qu'on éteint d'un seul souffle, je trouve ça assez morbide, moi! Car quoi : il faut éteindre les années passées? Pour ma part et en bon Québécois de souche, je vous le dis tout net : je me souviens. Et de pas mal de choses que je n'ai pas du tout l'intention de voir s'effacer de ma poche à souvenirs...! Bref, vous avez tout compris : pas de gâteau d'anniversaire pour moi, pas de 60 bougies à souffler en postillonnant partout (y compris et surtout sur le fameux gâteau), mais de bons moments en bonne compagnie dans un décor typiquement associé au paradis, voilà tout. Et si ce n'est pas là le plus beau cadeau qui se puisse offrir et recevoir, je vous demande ce que c'est...

La soixantaine, donc. Certains m'ont averti que c'est cette décennie-là qui fait mal. La trentaine, c'est l'accès au système; la quarantaine, c'est la maturité; la cinquantaine, le tournant; la soixantaine, le début de la vieillesse... Eh bien au risque d'en surprendre, je dirai que j'aime vieillir. C'est un processus qui nous transforme en nous rendant plus ronds, plus polis – je ne parle pas de politesse, là! – moins piquants, moins rudes. Comme la montagne qui vieillit, je perds mes aspérités et me couvre de mousse, voire de forêts. J'étais Rocheuses, je deviens Appalaches. Et je puis vous le dire, à vous tous les jeunots qui me lisez parfois : c'est très confortable.

Tout ça pour vous dire que la journée s'annonce bien. Un congé d'abord (Mercredi des Cendres puisqu'il faut tout vous dire), la fin du carnaval et le retour à la vie (à peu près) normale; quelques heures heureuses de plus dans ce magnifique décor qu'est celui de l'Île à Vache (j'y reviens, j'y reviens, ne soyez pas impatients), un temps radieux tempéré par la brise maritime et la compagnie de ma très chère. Qui oserait demander plus?

Alors oui, aujourd'hui je vieillis. Hier aussi, mais ce n'était pas la même chose hein? Et demain? Ben demain, c'est VRAIMENT loin, alors on verra dans le temps comme dans le temps...!

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