vendredi 21 janvier 2011

La saga se poursuit


Il devait prendre l'avion hier. Il avait en sa possession un billet de retour qui lui offrait cette possibilité. Mais ne il l'a pas fait. Faut-il s'en étonner? Tout le monde, même les plus crédules, n'ont jamais pensé un instant qu'il s'en retournerait comme il est venu, sans tambour ni trompette et surtout, surtout, sans les sous dont il est venu remplir ses poches. Ai-je besoin de préciser ce «il»? Je ne crois pas. La semaine a passé, les déclarations les plus farfelues ont rempli les médias et les journalistes ne se sont pas privés d'analyses parfois profondes, mais la plupart du temps simplement creuses. La montagne qui accouche... Qu'en sort-il? Du vent. Un gros pet nauséabond. Mais le peuple haïtien, imperméable aux odeurs nauséabondes, n'en fait pas de cas : il attend et il espère, malgré la vacuité de cette espérance. Car tout le monde le sait bien : cet homme n'est pas un homme de bien et n'est pas là pour faire le bien. Le retour de l'enfant prodigue, ce n'est pas lui. Certes, il a été prodigue : il a distribué l'argent comme il a distribué les gifles, sans la moindre retenue, mais je le vois mal dans le portrait du fils repentant qu'il essaie d'incarner. Pour je ne sais quelle raison, son remords m'apparaît impossible à avaler. Et vous? Vous y croyez, vous, au repentir du dictateur déchu?

Toujours est-il que les médias ne parlent que de ça et ce faisant, ont fait disparaître la préoccupation angoissante du résultat des élections de novembre dernier. Quant au choléra, quel choléra? On a déjà oublié... Et pourtant...Tout ça pour dire que comme manœuvre de détournement de l'attention publique, le débarquement de Duvalier est tout une réussite! Succès total! Tout le monde attend de savoir ce qui va se passer avec l'homme et en oublie les magouilles de Préval pour trafiquer le résultat des élections. Fallait le faire, quand même!

Pendant ce temps, la vie continue. Et je vous avoue que pour nous comme pour tout le monde, c'est franchement mieux comme ça. Je vous ai parlé de sursis (le 20 décembre) et croyais bien qu'il serait de courte durée. Or, voilà qu'un mois déjà a passé et le sursis se poursuit. Sans doute pas pour très longtemps encore. Les messages de M. Martelly sont sans équivoque sur la question : s'il est éliminé, il exhorte ses partisans de contester la chose publiquement (les messages nous parviennent en mode texte sur le téléphone). Il y a donc fort à parier que si la candidature de Martelly est écartée, ça va chauffer. Et je pense que tout le monde politique le sait. D'où l'intérêt de la diversion.

J'ai beaucoup lu sur le sujet Duvalier au cours de la semaine; les articles, tant en français qu'en anglais, s'efforcent de comprendre et de nous aider à comprendre. Mais jusqu'à présent, je n'ai rien vu qui soit digne de mention. Certains s'attachent à l'histoire de la tyrannie duvaliériste, d'autres s'offusquent des centaines de millions de dollars détournés, d'autres encore y voient une guerre de clocher entre la France et les États-unis dans laquelle la Tunisie joue aussi un rôle... Mais à la question simple : qu'est venu faire Duvalier en Haïti, personne ne répond. Parce que personne n'a la réponse. Et c'est vrai qu'on ne sait pas. Mais pour moi, l'odeur ne trompe pas...

Si bien que coincé entre les conjonctures les plus farfelues d'un côté et la paralysie politique de l'autre, le pays n'est pas sorti du bois... Et pourtant...

Pourtant, comme j'allais reconduire des gens au wharf ce matin, j'ai pu voir que les travaux de construction du port des Cayes avancent plutôt bien. Vous ne le saviez pas, hein? C'est que ça n'a rien de sensationnel, rien de tape-à-l’œil, rien de médiatique. Une grue, des tas de gravier, quelques dalles de béton posées sur des piliers, y'a pas de quoi fouetter un chat! MAIS il s'agit bel et bien d'une amélioration majeure dans notre coin de pays. Un port décent aux Cayes permettra aux navires d'y venir accoster et procurera de l'emploi à des tas de gens, sans compter le soulagement pour les structures de Port-au-Prince. Comme quoi il suffit de peu pour des projets qu'on juge souvent anémiques s'enclenchent et donnent des résultats. De là à croire qu'un répit politique permettrait de faire avancer les choses considérablement, il n'y a qu'un pas. Et petit. Mais voilà : le répit politique passe par une certaine abnégation qui n'est justement pas le fait des politiciens. Et remarquez que je ne fais pas de ségrégation; comme toujours, pour moi et quitte à titiller l'ironie de certains, la politique, c'est bonnet blanc, blanc bonnet...

Et pendant ce temps, la farce se poursuit. À quand la bastonnade?

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