jeudi 6 janvier 2011

Un pas à la fois


Épiphanie. On ne sait plus vraiment ce que le mot veut dire, hein? Eh bien laissez-moi vous éclairer : une épiphanie, c'est simplement une apparition, en l'occurrence celle de Jésus aux rois mages. Il n'était pas disparu, le petit Jésus, mais pour les rois mages qui sont arrivés en retard, ce fut comme une apparition, j'imagine. Ou bien il y a une autre explication que je ne connais pas. Alors voilà pour la leçon de religion. Les nostalgiques se souviendront du gâteau des Rois, dans lequel on dissimulait une fève et un pois, le premier pour la reine, le second pour le roi. Et la couronne suivait. Pas une grosse fête, mais une fête quand même : tout était bon pour un congé, hein?

Eh bien justement, parlant de congé, nous en sommes aujourd'hui. Et non, pas en raison de l’Épiphanie, mais plutôt en guise de protestation solidaire avec tous les établissements publics de la ville contre l'inertie de la police face aux bandits armés qui sont en train de faire ce qu'ils veulent en ville. Je vous ai parlé dans mon dernier texte de ce commerçant qu'on a froidement assassiné samedi dernier. Eh bien l'événement a choqué. A suscité une colère tout à fait justifiée chez le peuple en général et les marchands en particulier. "Hier c'était lui, demain ce sera qui?" Question judicieuse, s'il en est une...

Mais ce n'est pas de cela dont je veux vous parler, ni même du résultat de ces fameuses élections qu'on attend toujours d'un jour à l'autre avec toujours la même inquiétude. Je vous en reparlerai quand ça éclatera. Aujourd'hui, je veux partager avec vous un article qui, dans le noir univers de tout ce qui va mal au pays, jette un rayon de lumière : celle de l'espoir. L'article s'intitule en effet "Why There Is Hope For Haiti"

En substance, l'article nous dit d'abord que les pertes humaines dues au tremblement de terre ont été terribles, tout le monde le sait. On peut croire à priori que les pertes économiques seront à l'image des pertes humaines, vrai? Faux. S'appuyant sur des données historiques, l'auteur nous apprend que les pays ayant souffert les pires catastrophes naturelles se retrouvent, 10 ans plus tard, au même point de développement économique que s'il n'y avait pas eu de catastrophe. Pourquoi? Parce que, dit-il, la valeur du développement à long terme est davantage liée au développement institutionnel qu'aux infrastructures. Donc, et bien que ce ne soit pas dit explicitement, Haïti dans 10 ans sera la même que si le tremblement de terre n'avait jamais eu lieu. N'est-ce pas beau, ça?

Deuxième point : entre 1950 et 2002, le revenu annuel moyen du pays est passé de $1,051 à $752 (!), conséquence de la corruption massive, entre autres facteurs. Voyant cela, si Haïti, dit l'auteur, réussit à seulement demeurer à son niveau de pauvreté actuel, on pourra considérer qu'il s'agit d'une amélioration. Optimiste, moi j'aime ça comme ça!

Enfin, malgré la modeste injection d'argent de la part de l'État dans les services publics -- on parle de dépenses de l'ordre de $530 millions pour une population de 9 millions (avant le séisme), soit moins de $60 par personne --, la mortalité infantile a décliné radicalement passant de 22% à 8% chez les enfants de moins d'un an; de plus, l'espérance de vie est passée de 42 à 61 ans entre 1960 et 2008. Quand même significatif, n'est-ce pas?

En conclusion, l'auteur nous rappelle qu'avant le tremblement de terre, il y avait progrès dans le pays -- j'en témoigne personnellement --, même si c'était un progrès modeste. "Au regard de l'économie chancelante du pays et de sa constante instabilité politique, [ce progrès] n'est rien d'autre qu'un miracle et la preuve qu'après tout, il y a de l'espoir pour ce pays si malchanceux." (traduction libre)  Bref, un excellent article que je ne saurais trop vous recommander. Et c'est bien dommage pour ceux ou celles qui ne lisent pas l'anglais. En fait, je vous parle tellement d'espoir dans ces textes et je me sens tellement seul dans ce discours que ça m'a fait du bien de lire ce qu'un monsieur bien renseigné avait à dire sur la question. Ce n'est certes pas demain que Haïti se sortira du trou profond dans lequel il se débat. Mais Haïti n'abandonnera jamais. Tout comme Sisyphe et son rocher, le pays continue d'avancer à petits pas, de se reconstruire ti-pay, ti-pay (lire ti-paille), c'est-à-dire un petit brin d'herbe à la fois, mais sans jamais désespérer. Et Haïti, ben c'est le peuple, hein, ne l'oublions pas!

Allez! Une bonne Prestige à la santé du pays, tiens!

1 commentaire:

  1. Maintenant, ici dans la famille, à la fête des Rois, on souligne le départ du Roi des bons bonshommes... Gaston nous a quitté il y a deux ans à 20 h 10.

    J'aime cette analyse, cette réflexion qui me permet de comprendre, à petits pas, ce qu'est Haïti. Merci Richard!

    Gaétane

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