dimanche 11 juillet 2010

L'aide qui piétine


Je ne sais pas ce qui se passe ces temps-ci, mais Haïti est revenu à la page. Du côté américain d'abord (ici, ici et ici, entre autres), puis dans la presse canadienne, ici, ici et ici (ce dernier est plutôt drôle). Y'a même notre ami Patrick qui nous a livré ce reportage très fouillé (!) sous forme d'une vidéo. Quel journaliste, ce Patrick, tout de même! Quelle profondeur dans le propos! Une chance que je ne suis pas journaliste...

Oui, je me moque, vous avez bien compris. Car enfin, n'est-on pas à répéter ce que tout le monde sait déjà? Y'en a-t-il vraiment qui croient que depuis le tremblement de terre, tout est rentré dans l'ordre et que Port-au-Prince a été reconstruite dans l'ordre et la mesure? Je peux mal l'imaginer. En tout cas, certainement pas parmi vous, lectrices et lecteurs attentifs qui savez pertinemment qu'en Haïti, c'est toujours le chaos et le chaos seul qui domine.

On peut se demander comment le chaos (le contraire du cosmos en grec), peut s'installer comme ça à demeure. Je pourrais vous dire qu'il s'agit sans doute d'un bel exemple d'entropie, vous savez cette fascinante théorie du désordre. Quoi? Vous ne savez pas? Eh bien lisez, mes chers, lisez! Intéressante, cette notion d'entropie, parce qu'elle semble s'appliquer à la situation actuelle; en d'autres termes, tant que le désordre peut se poursuivre, il se poursuit. Et c'est précisément ce qui se passe en Haïti présentement. Certains -- et journalistes à part ça -- s'étonnent que l'argent promis ne soit toujours pas remis. Mais remis à qui? Disons que vous avez un million de beaux dollars dont vous n'avez pas besoin et, voyant ce qui se passe dans le pays, vous décidez d'en faire cadeau au peuple haïtien. Quelle belle intention! Quel beau geste! Mais à qui allez-vous faire votre chèque? Comment allez-vous faire pour être sûr que cet argent sera utilisé à bon escient et non pour enrichir celui qui l'est déjà? N'oubliez pas que l'argent appelle l'argent et que c'est habituellement ceux qui en ont qui en reçoivent le plus. Ne dit-on pas que c'est de faire le premier million qui est le plus dur? Donc, vous voilà avec une idée généreuse, mais qui semble irréalisable. Paradoxal, dites-vous? Bienvenue dans le monde haïtien! Tout ça pour vous dire que malgré l'indignation de Bill Clinton et de bien d'autres, il est bien compréhensible que l'argent n'arrive pas vite : il faut d'abord savoir où il ira!

Je vous ai dit, quant à moi, par où il fallait commencer : retirer les décombres! Comment peut-on penser à reconstruire quand on est encore pris avec des tonnes de gravats et de pierres? Port-au-Prince qui est déjà une ville coincée est maintenant devenue complètement engorgée, irrespirable et invivable. Et pourtant, pourtant, des millions de gens y vivent. Comment? Je vous laisse l'imaginer (ça vaudra certainement mieux que de visionner le reportage de Patrick Lagacé...). Mais on ne peut pas penser que cette situation va s'éterniser. La pression est là, n'en doutez pas, et même l'endurance incroyable de ce peuple ne pourra la résorber : faudra que ça lâche à quelque part. «Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se brise». Proverbe. Sagesse populaire. Profonde et historique. Prouvée mille fois. Difficile de ne pas y croire, hein?

Je vous laisse méditer là-dessus. Sur un autre sujet, je désire apporter une précision concernant mon dernier texte (les 3 M). Ma tendre moitié -- mais impitoyable critique -- m'a fait remarquer que je donnais l'impression d'un je-m'en-foutisme absolu, en autant que mon écuelle soit pleine. Ce n'est certes pas ce que je voulais dire. Je pense que j'ai mentionné assez souvent qu'on devait se sentir concerné par le sort des autres pour que le lecteur, la lectrice perspicace sache que cela correspond à une valeur solide chez nous. J'y reviendrai sans doute. Mais l'important est que, sans être missionnaires, nous n'en sommes pas moins touchés par le sort de ce peuple qu'on appelle haïtien. Et non, nous ne sommes pas crackpots non plus.

Et dire que pendant ce temps, les flamboyants (photo) flamboient, en se foutant pas mal du reste...

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