dimanche 24 mars 2013

Mangues à gogo


À quelques reprises, j’ai abordé le thème de la saison des mangues. Je me permets d’y revenir. L’événement — car c’en est un, n’en doutez pas — mérite certainement qu’on s’y arrête, voire qu’on s’y attarde parce qu’il est tellement important dans la vie haïtienne que c’en est presque déroutant.

Car après tout, de quoi est-il question? De mangues qui mûrissent et qui, comme tout fruit arrivé à maturité, décrochent de leur maigre attache ligneuse et, suivant les lois de la gravité, tombent lourdement. Or, ce n’est pas parce qu’elles tombent qu’elles sont forcément gâtées : quelquefois oui, mais la plupart du temps, elles restent tout à fait mangeables, surtout si on les consomme sur-le-champ. Si vous vous souvenez — car je vous l’ai déjà dit —, les Haïtiens sont fous des mangues, et pas seulement parce que le fruit est succulent mais aussi, peut-être même surtout parce que, en saison, la mangue, c’est la manne providentielle qui, pour plusieurs, marque la différence entre un estomac vide et un estomac plein. Cela me rappelle ce que signifiait jadis l’arrivée des premières fraises estivales au Québec. Attention, les jeunots! Je vous parle d’une époque que vous ne connaissez pas, une époque où les fruits n’étaient disponibles qu’en saison, mais ils avaient le goût du fruit mûri naturellement, par une combinaison de soleil et de pluie, et non une affaire de survoltage mécanique du mûrissement, avec Dieu sait quels produits… Aujourd’hui, les fruits, comme le reste d’ailleurs, sont avant tout des produits de consommation et s’estiment davantage par leur valeur mercantile que par leur goût. Vous m’excuserez d’être nostalgique, mais ce n’était pas comme ça avant. À la maison paternelle, les fraises du Québec arrivaient en juin et n’avaient rien à voir avec ce que l’on trouve aujourd’hui à longueur d’année dans les supermarchés. Et c’était la même chose avec les pêches et les poires de l’Ontario ou les bleuets du Lac-St-Jean… Eh bien les mangues ici, c’est ça : un fruit naturel, naturellement juteux et sucré, bref absolument délectable.

Seul problème : leur surabondance. Il y en a tellement et elles arrivent à maturité toutes en même temps, si bien que, comme la manne, il faut les prendre quand elles passent et s’en gaver jusqu’à n’en plus pouvoir car après, c’est fini. Voyez la photo ci-dessus : et ce n'est que la récolte d'un seul arbre!

Je sais ce que vous allez me dire : que s’il y en tant que ça, le pays pourrait en exporter, vrai? Vrai. Et c’est ce que le pays fait. Je vous invite d'ailleurs à lire l'article ici si vous voulez en savoir plus. Mais d’après ce que j’ai lu, l'exportation reste trop faible pour que c’en devienne vraiment une industrie rentable (environ 20 %).  Si bien que la majeure partie des récoltes est consommée localement, mais pour tout vous dire, mis à part quelques financiers spéculateurs, je pense que personne ici ne s’en plaint. Les mangues sont là, elles s’offrent littéralement à la consommation, alors pourquoi ne pas en profiter? Surtout que le fruit, en plus de son goût unique et accrocheur, est excellent pour la santé : vitamines, fibres, carotène, fructose… tout y est.

Le plus drôle, c’est qu’il existe, d’après le ministère de l’Agriculture haïtien, pas moins de 158 variétés de mangues en Haïti, dont la plus populaire reste la mangue francique, car, dit-on, elle est la seule à pouvoir subir sans dommages le traitement anti-mouches de la mangue que les USA imposent : un bain dans de l’eau chauffée à 50° C. Pourtant, d’après Wikipedia, la mouche de la mangue ne se trouve que dans la région du Pacifique occidental, bien loin d’Haïti… De quoi se poser quelques questions…

Quoi qu’il en soit, je puis vous garantir que pour les Haïtiens, il n’y a aucun doute que la mangue reste le fruit le plus populaire au pays, et j’avoue que suis tout à fait d’accord avec eux!

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