mardi 19 juin 2012

Un pays pas facile


Pas de quoi pavoiser, mais pas de quoi en faire un drame non plus : Haïti se classe 7e sur quelque 59 pays «en faillite», ce qui ne surprendra personne, personne en tout cas qui connaît un tant soit peu ce pays. Mais une fois de plus, les chiffres parlent : comment en effet pourrait-on prétendre que tout marche sur des roulettes dans un pays où le taux de natalité est tout de même significativement élevé (27 pour 1000 habitants, comparativement à 14 aux USA)? Ajoutez à cela un PIB de $67 par habitant pour une population de 9,9 millions d'habitants dont l'espérance de vie est de 62 ans et vous admettrez que ce n'est pas facile, pas facile du tout… En comparaison, le PIB des USA est de $47,153 pour une population de 309,3 millions d'habitants dont l'espérance de vie est de 78 ans. Je n’ai pas les chiffres du Québec sous la main, mais j’assume qu’ils sont plus près de ceux des États-Unis que de ceux d’Haïti…

Non, je ne veux rien sous-entendre. Surtout pas que le Québec n’a pas à se plaindre en raison de ses bonnes conditions de vie. Il est vrai, comme le faisait remarquer un noble personnage aux idées claires et tranchées, qu’on n’a pas besoin de vivre en Syrie ou en Haïti pour trouver matière à se plaindre, car le motif peut en être différent. Tout de même et en ce qui me concerne, j’ai toujours un peu de misère à accepter que l’on se plaigne le ventre plein, quand tant de gens l’ont vide, au point où ils n’ont plus l’énergie pour se plaindre. Mais encore une fois, là n’est pas la question. Lorsque les conditions de vie se dégradent, l’on peut et l’on doit s’en plaindre, pas dans le but de chialer sur son sort, mais pour voir s’il n’est pas possible de changer ce qui mérite de l’être. D'ailleurs, si vous vous souvenez, j’ai déjà mentionné cette nuance dans la critique que certains appellent 80/20, c’est-à-dire 80% d’efforts pour un résultat de 20%. Ce n’est pas rentable. Mieux vaut choisir ses batailles. En fait et pour tout vous dire, c’est le genre de discussion que j’ai régulièrement avec ma chère compagne qui s’échine souvent à vouloir régler des problèmes qui mangent son énergie et qui, même résolus, ne font pas grande différence en bout de ligne. Or, dans un milieu de travail où, comme le nôtre, il y a beaucoup à faire, il devient important de choisir ses projets et de mesurer l’énergie qu’ils nécessiteront pour leur accomplissement au regard des résultats qu’ils entraîneront. Je ne veux pas dire que le statu quo soit préférable en tout temps, mais il faut prendre le temps d’évaluer un peu l’impact des efforts investis avant de se lancer dans de grands changements.

Mais j’en reviens au pays : il y a quelques années, les choses s’amélioraient en terre haïtienne et nous étions en mesure d’en apprécier les effets positifs : communications, routes, salubrité… tout marchait (un peu) mieux. Et les chiffres le confirment : en 2009, Haïti était au 12e rang de ces «états en faillite»; il est demeuré au 11e rang en 2010, année du tremblement de terre, car ce n’est que l’année suivante que l’impact du séisme a pu s’observer; on passe alors au 5e rang, pour finir cette année en 7e position, ce qui n’est rien pour se pavaner, je le redis… Parmi les critères retenus, on note la pression démographique, la perte de légitimité de l'État, l'insécurité, la précarité des services publics, le déclin économique, les conflits au sein des élites, le niveau de l'assistance externe… et là, vous savez déjà intuitivement que c’est pour tout cela que Haïti se démarque des pays industrialisés ayant un niveau de vie confortable : ici, rien, mais vraiment RIEN n’est facile…

Mais qu’à cela ne tienne : les gens savent ici faire contre mauvaise fortune bon cœur. Ils savent accepter ce qu’ils ne peuvent changer, sans pour autant avoir peur de se retrousser les manches (figure de style, bien entendu, car qui porte des manches longues dans ce pays, je vous le demande) et de mettre la main à la pâte.

Bien malheureusement, ce n’est pas toujours suffisant. En fait, ce l’est rarement…

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