mercredi 20 juin 2012

Le sauvetage du poussin



Faut que je vous raconte cette histoire. Parce qu’elle est légère, qu’elle finit bien et qu’elle a fait de moi un héros aux yeux de ma chère compagne, ce qui n'arrive pas tous les jours, quand même...

La scène se passe hier mardi, entre 5 et 6 heures du soir. Selon notre habitude, nous sommes devant la télé à cette heure et habituellement, le niveau sonore de l’appareil enterre tous les autres sons. Mais en allant à la cuisine nous chercher un verre de vin, ma compagne m’apprend qu’un poussin piaille sans relâche, comme s’il avait perdu sa mère. «Il a l'air en détresse», m’apprend-elle, chagrinée du fait. Je m’approche et ne peux que constater qu’elle a tout à fait raison : le poussin piaille son isolement et sa mère n’est pas visible dans le coin, d’où sa détresse bien réelle et totale. Les poules ne pensent pas, du moins je ne le crois pas, mais l’instinct suffit à faire comprendre au poussin que sa survie, déjà pas évidente sous la protection de sa mère, est passablement menacée, voire critique : les chats, les chiens, les mangoustes voire les oiseaux de proie n’en feront qu’une bouchée aussitôt qu’ils l’auront repéré, ce qui ne saurait tarder au boucan qu’il fait. Car il en braille un coup le petit, à gésier déployé, pourrait-on dire. Que faire?

Je sors. M’approche de la bête… et découvre sa mère, la poule, juste de l’autre côté de la clôture, infranchissable obstacle pour le poussin. Tout s’explique, ou presque. La mère et le reste de sa marmaille ont passé la barrière, laissant celui-là derrière (les poules ne savent pas compter). Or, sans la mère pour le guider, il ne peut rejoindre les siens qu’il sent pourtant juste à côté. Et la mère de son côté, ne peut abandonner le reste de sa troupe pour sauver l'esseulé. Vous voyez le tableau. Je le vois aussi. N’écoutant que ma compassion naturelle, je feinte à droite, à gauche et finis par attraper le poussin, sous le regard courroucé de la mère qui ne se prive pas de m’en caqueter tout un chapitre. Sûrement croit-elle que, comme tout bon prédateur qui se respecte, je vais engloutir son poussin sans même déglutir. Or, je le lance doucement à travers les barreaux de la clôture pratiquement sur le dos de sa mère. Fin des piaillements, fin des caquètements, la famille est à nouveau réunie, tout le monde est content et le preux chevalier peut ranger sa rapière et retirer son armure. En tout cas, c’est l’accueil que m’a fait ma dulcinée lorsque je suis rentré de cette périlleuse mission. Émue, elle m’a tendu mon verre de vin et m’a félicité pour ce geste magnanime, que Schweitzer lui-même n’aurait certainement pas désavoué. Car ne minimisons pas les choses, les amis : à n’en point douter, le poussin me doit la vie. Je l’ai sauvé. Pas au péril de la mienne, je l'admets, mais bon, l’effet en reste le même pour le poussin, vous en conviendrez.

Ce qui me ramène à ce dont je vous parlais hier, à savoir le rapport entre un investissement énergétique et son résultat. Or, dans ce cas, je puis vous dire que l’opération fut des plus rentables, car un investissement d’environ 0,3% a produit un résultat de 99,7%, je dirais. Imaginez : pour le poussin, gain majeur, puisqu’il a été sauvé d’une mort quasi-certaine; pour la poule, gain majeur aussi puisqu’elle retrouve son poussin et que les choses reviennent dans l’ordre. Pour ma compagne, c’est le happy ending idéal où la mère et son rejeton tombent dans les bras l’un de l’autre (ici dans les plumes); enfin pour moi, c’est la fin du piaillement qui commençait à m’agacer vraiment, là… Somme toute, une bataille qu’il valait la peine de livrer, car tout le monde en sort gagnant!

Là-dessus vous m’excuserez, mais je dois aller polir mon armure…

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