dimanche 24 juin 2012

La Fête nationale


Aujourd’hui, c’est jour de fête au Québec. Pas n’importe laquelle, puisqu’il s’agit de la Fête nationale, que l’on appelait jadis la Saint-Jean-Baptiste et qui se soulignait, entre autres, par une parade de chars allégoriques dont le point culminant était le petit Saint-Jean-Baptiste, personnifié par un enfant local qui avait là son heure de gloire. Je n’ai jamais été choisi pour ce rôle. Mon ami Jocelyn qui était naturellement frisé comme un mouton, oui. J’en fus presque jaloux, mais voyant comme les autres ridiculisaient cet honneur, comment ils le piétinaient sous leurs sarcasmes, ce fut juste « presque ». Puis les années passèrent, les chars allégoriques disparurent et le petit Saint-Jean-Baptiste aussi, par le fait même. Et la fête devint peu à peu nocturne et même, avant l’heure, un peu comme la messe de minuit à 22 h… Il n’en fallait pas plus pour que j’en décroche complètement…

Aujourd’hui, je regarde ça de loin. Un peu comme tout le monde, je souhaitais que l’ambiance de la fête, cette année, ne soit pas ternie par une couleur qui ne lui va guère et par des partisans qui en auraient oublié la nature même : une fête nationale, tout simplement. Heureusement, d’après ce que j’en lis, les choses se sont relativement bien passées jusqu'à présent. Mais c’est en lisant Nathalie Petrowski que j’ai eu l’idée de partager avec vous mes commentaires. Car elle touche à un point que je trouve intéressant : le slogan. Le Québec en nous. Ça se veut rassembleur, ça se veut poignant, ça se veut identitaire, ça se veut émotif. Mais tout comme madame Petrowski, je me demande à quel point le slogan accomplit cela. Non pas que j’aie, comme elle, un doute quant à l’endroit où ce Québec est supposé logé, quand il est «en nous» : il faut que ce soit viscéral et rien d’autre. Ce n’est pas même pas une question de cœur : trop fragile, le cœur; c’est une question de tripes, du «fond», du «hara». Mais comme elle, je me demande à quoi ça peut ressembler chez un Québécois qui vit au Québec depuis toujours et qui, chaque jour, en vit les platitudes quotidiennes. Et je vous dis cela, parce que tout comme Adam Cohen dont madame Petrowski dit grand bien, nous vivons, ma compagne et moi, à l’étranger et, à défaut d’habiter le Québec, le Québec nous habite, tous les Haïtiens qui nous connaissent vous le confirmeront. En fait, oui, nous sommes des ambassadeurs du Québec. Ce sont de petites choses : la langue d’abord, que les Haïtiens ont passablement de difficulté à comprendre lorsque nous la parlons naturellement, sans compromis linguistique; puis la nourriture, ou plus justement, la façon de faire à manger; la musique que nous écoutons, qui n’est pas que québécoise, beaucoup s’en faut, mais qui s’articule beaucoup autour d’Espace-musique de Radio-Canada que nous captons grâce à Internet; la culture de l’hiver — que je n’ai toujours pas réussi à expliquer à mes Haïtiens — et surtout, ce fond latin que tous alentour ont goûté à des degrés divers et qui leur dit, mieux que n’importe quelle démonstration, que nous ne sommes pas Américains, ni Français, ni Allemands ni quoi que ce soit d’autre. Québécois pure laine, voilà ce que nous sommes. Pourtant, je le dis innocemment au risque de me faire lancer quelques tomates, je ne retire de ce fait aucune fierté. Pourquoi cela serait-il? Je suis né au Québec, en ai appris les mœurs et les coutumes en les vivant, me suis intégré au fur et à mesure de mon développement personnel et social et me trouve aujourd’hui vraiment chanceux d’y être né. Privilégié même. Mais c’est le fruit du hasard. Et aujourd’hui, à des milliers de kilomètres de ce milieu qui m’a vu naître, je ne suis qu’un expatrié, un mot qui dit bien ce qu’il dit: hors de sa patrie. Mais qui sait aujourd'hui ce qu'est la patrie? Question épineuse à laquelle je me garderai bien de répondre ici...

Le Québec en nous? Pour ma compagne et moi, il est là, c’est indéniable. Mais en bout de ligne et comme dirait cet autre que vous, lectrices et lecteurs québécois, connaissez fort bien : «Qu’ossa donne?»

Et sur ce, allez bonne fête et que la musique vous rassemble, à défaut de vous ressembler!

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