mercredi 14 décembre 2011

Tout à refaire


Des fois je pense que je m’en viens un peu comme Foglia : à court d’idées et sur le pilote automatique. Et puis je m’arrête quelques instants, fais le tour des actualités haïtiennes et y déniche parfois un petit quelque chose qui me donne le goût de le partager avec vous.

Cette fois-ci, il s’agit d’un texte drôlement bien ficelé, dans le sens agréable à lire, que je vous recommande sans hésiter. L’auteur, un certain monsieur Gary Victor, se plaint de plusieurs choses (je vous laisse lire l’article), mais parle entre autres du marché de Pont-Sondé, un village que nous traversions fréquemment lorsque nous habitions Deschapelles. Ce village n’est pas grand-chose; mais son emplacement, juste à la croisée de routes importantes, en fait un centre mercantile majeur en tout temps, spécialement le samedi, jour du marché. En moto, notre moyen de transport de l’époque, on arrivait toujours à se faufiler; mais en voiture, c’était le bouchon total. Celui dont on ne sort qu’au bout d’une session intense de klaxon et de prouesses au volant, épuisé et dégoûté. C’est un peu ce que le monsieur relate et je vous le cite :
«Moi, j'aurais voulu que tout le gouvernement se rende un samedi matin à Pont-Sondé, au marché presque en plein air sur la route nationale numéro un avec cette nuée de marchandes assises à même le pont et ce nombre impressionnant de véhicules publics en mauvais état chargeant et déchargeant, dans le chaos le plus total, humains et marchandises. On peut y être bloqué plus d'une heure. C'est le spectacle le plus délirant auquel on peut assister dans un pays qui se glorifie de ses deux cents ans d'indépendance et de sa victoire sur le colonialiste.»
Comme on peut le voir, le monsieur a été impressionné… Mais ce qu’il veut mettre en lumière, c’est que si tout est à refaire, personne ne semble s’entendre sur la façon de structurer les étapes de cette réfection qui n’est pas seulement de la reconstruction, vous l’aurez deviné. Les structures politiques, l’étalement urbain, l’économie… sont autant de secteurs qui méritent une réorganisation majeure. Mais voilà : quand tout est majeur, par où commence-t-on? On établit un ordre des priorités, me direz-vous. Vrai. Mais je le répète : tout est prioritaire et il est parfois bien difficile de ne pas simplement mettre un sparadrap sur une blessure, une rustine sur une crevaison plutôt que de s’attaquer au vrai problème, comme on l'a fait dans notre cuisine. Je le sais, car c’est souvent ce que l’on fait ici : on temporise. On colmate la fuite, sachant très bien que ce n’est pas la solution, mais pour un court temps, la réparation suffit et cela seul compte. Le danger, c’est précisément lorsque ces réparations de fortune deviennent permanentes. L’exemple le plus criant en est certes ces camps qu’on a mis en place à la suite du tremblement de terre de janvier 2010. Eh bien ils sont toujours là, deux ans plus tard! Bien sûr, tout le monde s’en offusque, bien sûr, tout le monde s’entend pour dire que ça n’a pas de bon sens, mais pendant ce temps, les tentes et divers abris de fortune prennent racine, avec tous les inconvénients que cela suppose… On pourrait dire qu’ils se «permanentent» et pas dans le sens de friser, si vous me suivez…

Mais ça va se résoudre. Et le reste aussi. Haïti n’est jamais pressé. L’essentiel est que tout se passe dans une paix relative, suffisante pour que chacun puisse vaquer à ses occupations ordinaires sans avoir peur de se faire trucider — accidentellement ou intentionnellement. Si vous vous souvenez de décembre 2010, vous savez que ce fut un mois «chaud» (sens créole) qui nous a maintenus sur la corde raide bien au-delà de la fin de l’année… Cette année-ci se passe mieux, tout le monde respire et tout le monde attend.

Attend quoi? Bien tout, justement. Puisque tout est à refaire...


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