dimanche 18 décembre 2011

À l'approche de Noël


Noël s'en vient, je ne vous apprends rien, sauf qu'ici, il faut se le garder à la mémoire car les indicateurs de l'approche de l'événement ne sont pas nombreux : pas de musique de Noël dans les rues ou les commerces, pas de décorations – ou si peu – pas de Père Noël et pas de cette orgie de lumières qui rendent le décor si féerique dans nos pays nordiques. La vie ici est normale ou à peu près et tout le monde vaque à ses occupations comme d'habitude. Or, voilà qu'on m'apprend, avant-hier, que le gouvernement a débloqué la jolie somme de 400 millions de gourdes pour les Fêtes. Et 400 millions de gourdes, c'est environ $10,000,000 US, ce qui est tout de même une somme appréciable, nous serons d'accord là-dessus. Considérant la précarité des finances du pays, on peut se demander si la dépense est justifiée. En tout cas, les commentaires de mes camarades haïtiens étaient bien clairs sur la question : une aberration; une absurdité; un scandale même. Bref, on ne comprend pas.

Mais en lisant les détails de l'annonce dans cet article du Nouvelliste, on comprend mieux la raison de l'importance de la somme : il s'agit en effet de créer de l'emploi ponctuel, ponctuel certes, mais tout de même rémunéré, avec l'idée de donner aux gens une chance d'avoir un peu d'argent pour passer les Fêtes, diminuant d'autant le stress de n'en pas avoir. Je trouve pour ma part que l'idée se défend. Dix millions de dollars américains pour des décorations de Noël font certes beaucoup, mais dix millions pour créer de l'emploi immédiat, même temporaire, c'est peu, comme quoi tout est relatif. Bien sûr, il s'agit d'abord et avant tout d'un coup politique qui vise à acheter la paix. Et pourquoi pas? Je vous rappelle encore que le mois de décembre 2010 n'a pas été de tout repos et nous a maintenus dans une ambiance assez loin des réjouissances qui accompagnent habituellement Noël et la fin de l'année en cours. Personne ne savait comment 2010 allait finir ni comment 2011 allait démarrer. Or, bien que la popularité du président Martelly ne se démente pas encore, les problèmes restent toujours là et la frustration populaire monte. Une mesure pour faire baisser cette tension m'apparaît dès lors aisément justifiée dans le présent contexte, même si elle en coûte. Car je vous le dis les amis : Noël, c'est pour tout le monde, et bien qu'on veuille que ce soit d'abord une fête chrétienne, ce n'en est pas moins par définition une FÊTE et une majeure, une universelle, même pour les non-chrétiens; et comme toutes les fêtes, il faut la marquer d'une manière spéciale et – ça va de soi – festive. Et ça, ça veut dire dépenser un peu plus que d'habitude, tant pour les diverses administrations publiques que pour les particuliers. Pour nous, à titre d'exemple, c'est une bouteille de champagne – oh! Pas besoin de Dom Pérignon : juste un champagne, un vrai, pour que l'occasion sonne un peu plus spéciale...

Alors on peut émettre des réserves sur la décision politique de décaisser une telle somme à l'occasion de ces fêtes de fin d'année, c'est vrai, mais vue dans le sens macroéconomique, l'idée n'est pas mauvaise. L'argent ne fait pas le bonheur, nous le savons tous, mais son absence peut contribuer au malheur des gens, malheur exacerbé en périodes de fêtes quand «les autres» dépensent ouvertement. Or, ce malheur devient aisément source de frustration, elle-même source de tension sociale et d'éventuelles manifestations qui peuvent si aisément mal tourner. Je pense que les dirigeants haïtiens connaissent parfaitement cette mécanique et le déblocage de ces fonds vise probablement deux objectifs : accroître un tant soit peu le pouvoir d'achat des gens du peuple d'une part et limiter l'amertume du peuple de ne pouvoir participer aux fêtes comme il se doit. Une pierre, deux coups. Reste que ce n'est, à ce stade-ci, qu'un projet qui devra impérativement se concrétiser sous forme d'argent sonnant si l'on veut avoir une chance, une petite, d'atteindre ces deux objectifs. Et je pense que c'en vaut la peine. Le peuple mérite qu'on fasse des petites choses qui ne sont peut-être pas la solution aux problèmes chroniques, mais qui mettent un baume là où il a sa raison d'être. Parfois, le placebo fait des miracles...

En tout cas, lorsque nous sommes passés en ville hier après-midi, je vous jure que ça vous balayait les rues, messieurs dames, que c'en était beau à voir!...

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