mercredi 13 juillet 2011

Qu'est-ce qui est juste?


Vous allez me dire que cette sordide histoire ne me regarde pas vraiment, moi qui suis si éloigné de la vie du Québec. Vous aurez tort. Vous savez ce qu’en dit Hemingway, que je vous ai cité jadis : le glas sonne pour tout le monde, pour tous ceux qui restent. Quand il est question de mort, on ne peut pas dire : «Pas dans ma cour». Que ce soit deux enfants en bas âge est certainement plus émouvant, mais ne change rien à l’enjeu global : un être humain s’est arrogé le droit d’en faire mourir d’autres. Or, s’il est un commandement moral suprême — on le dit issu de Dieu lui-même —, c’est bien : «Tu ne tueras point.» On n’a jamais le droit de tuer, point, à la ligne. Et ne me sortez pas d'exceptions stupides comme la guerre... On ne devrait même pas avoir le droit de faire la guerre, tiens. Mais je ne veux pas commencer là-dessus...

La mort, dans ce pays qu'est Haïti, est un phénomène courant, quasi-journalier. Et elle n’est pas toujours «naturelle» — je mets le mot entre guillemets car j’ai quelque peine à imaginer ce que serait une mort artificielle… La mort, c’est le terme d’une vie et rien ne me paraît plus naturel que ça; l’agent létal, par contre, varie énormément. Et c’est ce que je veux dire quand je dis que la mort en ce pays n’est pas toujours naturelle : l’agent n’en est pas toujours la maladie incurable ou l’âge avancé. On meurt ici de blessures non traitées et qui s’infectent bêtement, on meurt noyé parce qu’on ne sait pas nager, on meurt électrocuté par ignorance, on meurt assassiné ou simplement d’une balle perdue. On meurt aussi des suites d’un sort funeste qu’un mauvais plaisant vous a jeté, mais ça, c’est autre chose et je vous en reparlerai un jour. Toujours est-il qu'on meurt beaucoup, dans ce pays, et souvent pour des causes évitables.

Cependant, dans les cas de mort violente, fruit d’un acte délibéré ou d’un simple accident, la personne jugée responsable n’a pas tellement de chances de bénéficier de circonstances atténuantes. Même dans le cas d’un bête accident de la route, le conducteur a intérêt à ne pas trop s’attarder s’il veut survivre à l’ire publique. Le jugement de l’affaire se fait hic et nunc, sans délai ni nuances et la sanction suit immédiatement, de sorte que la personne reconnue coupable peut aisément se faire lyncher sans autre forme de procès. C’est une application assez primitive de la Loi du Talion (une vie pour une vie) et du Code d'Hammourabi (merci Marc!) mais elle a l’avantage d’être simple et d'éviter les récidives(!). Or, quand on voit comment, dans nos sociétés modernes, on peut aisément invoquer l’irresponsabilité pour absoudre quelqu’un de son crime, ça laisse songeur… Un petit futé peut-il déjouer la justice? Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, c’est clair que oui! Surtout que, ne l’oublions pas, la représentation de la Justice nous la montre avec un bandeau sur les yeux, pour illustrer son impartialité, dit-on. Mais pour moi, ça veut simplement dire qu’elle est aveugle. Aisément manipulable. On peut lui faire croire ce que l’on veut, à la Justice, en autant qu’on sache comment s’y prendre. On peut aussi l’acheter, en autant qu’on y mette le prix… Bref, la Justice a ses limites…

Si bien que je me demande des fois si un retour à la Loi du Talion ne serait pas plus efficace… L’homme qui tue ses enfants est tué à son tour, sans plus de chichis. On oublie les circonstances, ou plutôt, on les écoute avec sympathie mais sans qu’elles altèrent la sanction. Peut-être qu’on sacrifierait sur l’autel de la Justice quelques bonnes personnes qui ont connu un égarement passager mais néanmoins impardonnable. Mais on empêcherait définitivement les manipulateurs et les riches de s’en tirer les doigts dans le nez…

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