lundi 14 mars 2011

Haïti n'est pas le Japon


La terre a tremblé au Japon! Et pas rien qu'un peu : 8,9 sur l'échelle de magnitude sismique, c'est dans l'exceptionnel. Les photos nous montrent d'ailleurs assez éloquemment les effets dévastateurs du séisme. Du séisme? En partie seulement, car la catastrophe qui a vraiment fait le plus de dommages, c'est plutôt le tsunami, cette onde de fond dont la puissance reste stupéfiante. Mais les Japonais connaissent bien cette catastrophe naturelle, si bien en fait, que ce sont eux qui l'ont nommée de cette façon, remplaçant ainsi l'ancienne et inappropriée appellation de "raz-de-marée". Car le tsunami, vous le savez maintenant, n'a rien à voir avec la marée, ni même avec les vagues de la mer. Mais je le redis : les Japonais sont familiers avec ce phénomène, ce qui n'atténue en rien l'ampleur des dégâts qu'il sème.

La raison pour laquelle je vous mentionne cette distinction, c'est que le petit sondage de Cyberpresse posait samedi dernier la question, à savoir : "Comparativement au séisme en Haïti, comment la catastrophe au Japon vous touche-t-elle?" (a) Autant qu'en Haïti; (b) Moins mais ça me touche; (c) Ça me touche peu. Or et à ma grande surprise, je l'avoue, la majorité des gens (63%) ont répondu que cette catastrophe au Japon les touchait autant que celle qui a frappé Haïti l'année dernière! J'avoue que je comprends mal. Qu'on puisse se sentir concerné par le malheur de ces gens s'entend aisément; mais autant que pour Haïti? Ben voyons! Le Japon, au cas où vous l'auriez oublié, c'est Toyota, Honda, Nissan, Sony, Toshiba et compagnie, si vous voyez ce que je veux dire... Comparer Haïti au Japon, c'est comme comparer la lune au soleil, sous prétexte que les deux éclairent! Et si cette catastrophe, par ailleurs tout à fait dramatique, je ne le nie pas, vous touche tout autant que ce qui nous est tombé dessus l'année dernière, c'est que vous n'avez vraiment pas compris et que vous ne comprenez toujours pas que Haïti n'est pas le Japon! Car je vous parie ma plus belle chemise hawaïenne (la bleue avec des palmiers) que d'ici quelques mois, tout sera rentré dans l'ordre au pays du Soleil Levant, alors qu'ici, ben c'est comme l'année passée à la même date! Pensez-y un peu : il y a toujours plus d'un demi-million de gens qui vivent sous des tentes ou des abris de fortune!

Évidemment, le séisme haïtien ne fait plus tellement «nouvelles», et donc, on peut facilement s'imaginer que tout est réglé. Mais non! Que les médias se désintéressent de la situation sociale du pays est tout à fait normal et consistant avec le rôle des médias qui sont d'abord là pour nous présenter du sensationnel. Mais faut pas charrier, quand même! Haïti est toujours dévastée, Haïti est toujours à genoux et pour vous dire franchement, y'a pas grand-chose qui se fait présentement pour que s'enclenche son redressement! Certes, on dit que tout va dépendre de l'issue des prochaines élections (dimanche prochain) et du niveau de confiance que le nouveau président (ou présidente, sait-on jamais) pourra susciter chez les bailleurs de fonds. On dit ce qu'on veut. Mais le fait demeure : Haïti est toujours dans la merde, peu importe ce qui peut se passer dans le reste du monde. Et je pense que comparer la catastrophe d'ici avec celle du Japon pour savoir laquelle est la plus émouvante est tout à fait incongru. D'ailleurs, je le précise encore, eussions-nous vécu un tsunami par-dessus le séisme, Haïti aurait probablement été rayé de la carte démographique tant il y aurait eu de morts.

Le plus drôle, c'est qu'on traite maintenant le Japon comme on a traité Haïti l'année dernière : avec charité, commisération et générosité! On leur envoie du secours dont ils n'ont pas besoin (peut-on être mieux équipé que les Japonais, je vous le demande?) et on se pète les bretelles à le faire. Comme le souligne l'auteur de cette opinion aujourd'hui : "Le président français s'est mis au diapason de la commisération et du sensationnalisme en annonçant avec gravité que la France allait «voir comment faire parvenir des équipes, des avions et des moyens» aux Japonais, comme si ceux-ci vivaient encore dans une brousse reculée et à l'âge de pierre! Les Japonais n'ont, heureusement, nul besoin des «avions français» (ou d'autres pays, d'ailleurs, sinon pour des motivations diplomatiques)."  Voilà qui est fort bien dit et qui rejoint entièrement mon opinion sur la question.

La catastrophe japonaise est majeure, personne ne dira le contraire. Mais elle ne va pas réduire le pays à l'état du bidonville qu'Haïti est devenu -- et qu'il est resté -- depuis le tremblement de terre du 12 janvier 2010. Je pense qu'il faut faire la part des choses et sortir du sensationnalisme, plutôt que de laisser les images (nombreuses et d'excellente qualité, si vous avez remarqué) faire vibrer la corde sensible des cœurs éplorés.

Le Japon va s'en sortir. Rapidement. Et seul. Haïti? Pas sûr, pas sûr...

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