samedi 19 janvier 2013

Semaine tranquille


Vais-je vous parler encore de l’aide canadienne en Haïti, si vertement critiquée et dont vous n’avez, somme toute rien à cirer? Vais-je plutôt vous entretenir une fois de plus de l’insécurité chronique au pays? Vais-je bifurquer et mettre mon grain de sel dans les confessions d’un Lance Armstrong qui n’est, en bout de ligne, qu’un grain de sable sur la plage du sport professionnel? Rien de tout cela. Aujourd’hui, je vous parle de rien.

Rien, c’est l’insouciance, c’est les choses qui se déroulent à leur vitesse de croisière, sans accélération ni décélération brusques. Ainsi fut la semaine. Et qui s’en plaindrait? Au pays, tout va comme d’habitude, le carnaval du mois prochain fait les manchettes (Cap Haïtien serait bien moins préparé que ne l’était Les Cayes, dit-on), on parle aussi des élections partielles prévues pour bientôt et, bien entendu, il y a toujours les scandales habituels. Bref, rien pour s’exciter. Je prends tout de même pour une bonne nouvelle ce fait divers rapporté où l’on apprend que des petits voleurs se sont fait lyncher par la population locale pour avoir tenté de faire main basse sur un bureau de change — exactement comme ça s’est passé ici aux Cayes où il y a eu mort d’homme. Mais là, ça n’a pas passé. Je vous donne le texte de l’article, puisqu’il est court :
« Deux individus qui tentaient de cambrioler une maison de transfert d'argent et d'échange des devises jeudi à Delmas 83 [Port-au-Prince] ont été lynchés par les habitants de la zone, a appris Haïti Press Network de la Direction Départementale de l’Ouest de la Police Nationale d’Haïti (DDO-PNH).
L'arme qui était en leur possession, un pistolet de calibre 9mm, serait la propriété de la PNH et a été récupérée par la police du sous commissariat de la zone.
Dans le cadre de l'enquête ouverte autour de ces deux incidents, la Section Départementale de la Police Judiciaire (SDPJ/OUEST) a déjà entendu et retenu l'élément policier au nom duquel cette arme avait été dotée, lequel, faut-il le signaler, a eu la maladresse de venir la réclamer peu après l'incident. »
Maintenant, dites-moi que vous n’avez pas ri en lisant la dernière phrase. Le policier propriétaire de l’arme est allé tout bonnement la réclamer au commissariat qui l’avait saisie! Front de bœuf ou stupidité insolente? Je penche pour la seconde option. Quelquefois, je vous le dis sans rire, la façon de raisonner de gens que l’on connaît et qui ne sont pas bêtes, loin de là, reste un mystère total pour nous. Simplement parce qu’elle est contraire à la logique. À notre logique. Car il y a — je le sais maintenant — une autre logique, une logique haïtienne qui s’appuie sur des bases différentes et à laquelle nous, étrangers, sommes… étrangers.

Et le plus drôle, je vous le donne en mille, c’est que parfois, ça donne des résultats surprenants… (Malheureusement, je n’ai pas d’exemple sous la main, mais vous pouvez me croire sur parole car je ne m’appelle pas Lance, moi…)

Mais le clou de la journée, c’est ce titre, ô combien alarmiste : «Un Canadien poignardé en République Dominicaine». Imaginez maintenant si ce fait divers banal et sans sens s’était passé en Haïti… Imaginez tout le tintouin que la nouvelle aurait fait… Suffisamment pour que Air Transat annule ses forfaits vacances au pays, suffisamment sans doute pour froisser solidement les rapports diplomatiques Haïti-Canada... En République Dominicaine, ce n’est qu’un incident. Regrettable, soit, mais banal. On a bien tenté d’en faire un événement choquant (notez le nom de l'un des auteurs du texte), mais bon, quand y’a rien à dire, y’a rien à dire, n’est-ce pas...

En tout cas, une petite semaine tranquille reste une petite semaine tranquille qu’on apprécie à sa pleine valeur. Car ici, on ne sait jamais : le calme, parfois, précède la tempête…

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