mercredi 23 janvier 2013

Les misérables


Une fois de plus, je ne vous livre pas ce que j’avais préparé hier et qu’il ne me restait qu’à fignoler aujourd’hui — car oui, je vous fignole mes écrits, histoire de les rendre à peu près lisibles… Car en lisant ce lien ce matin — merci Karine! —, j’ai eu comme un haut le cœur, comme une poussée de bile que j’ai réussi à ravaler de justesse. Mais d’abord, je vous en prie, lisez le texte de ce journaliste. Lisez-le jusqu’au bout. Et dites-moi sérieusement maintenant que vous êtes d’accord avec l’auteur, d’accord avec les excuses qu’il nous sert bien platement, d’accord avec le fatalisme qu’il évoque. Car moi, je ne le suis pas. Pas du tout.

Vivre en Haïti nous met parfois en contact avec des scènes semblables de grande misère, où des vieillards ou des enfants sont abandonnés à leur sort sans que personne n’y fasse rien. J’ai vu des vieux croupir dans leur merde — et non, ce n’est pas une figure de style; j’ai vu des bébés naissants abandonnés sur le pas d’une porte; j’ai vu des gens ramper parce qu’incapables de se tenir sur leurs jambes, bref on voit des choses qu’on assume typiques de cette dure réalité haïtienne, des choses qu’on assume impossibles dans nos pays développés. Or, cette «chose» s’est vraisemblablement produite au Québec et je ne sais si le gars qui la raconte veut qu’on l’excuse ou s’il est simplement trop stupide pour se rendre compte de l’étendue de son crime. Car oui, pour moi, c’est un crime, aucun doute : un crime de non-assistance à une personne en détresse. Car enfin, ne me dites pas qu’avec les froids qui attaquent le Québec présentement qu’il n’y a pas péril à rester dehors sans protection. Ne me dites pas que les Québécois ne savent pas que le froid tue. Ne me dites pas que les Québécois ne savent pas l’inconfort de geler, de sentir le froid se répandre partout, d’abord aux extrémités, puis au cœur même de la machine humaine. Nous connaissons tous et toutes cette sensation désagréable qui menace notre intégrité physique : le froid. Et par simple empathie, on ne peut pas ne pas imaginer ce qu’une personne peu ou pas habillée peut ressentir quand le froid est intense. Par simple empathie. Si le type avait été un Haïtien frais débarqué au pays du frette, j’aurais dit : passe encore. Mais nous sommes en présence de Québécois qui connaissent la dure réalité climatique du pays, l’un ayant besoin de l’aide de l’autre et l’autre qui, sans même dire un mot, la lui refuse. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, il y a quelque chose qui cloche là-dedans. Surtout quand le type invoque la police et les possibles représailles pour justifier son comportement! Là, franchement, faut le faire! Le proverbe le dit bien : «Quand on veut battre son chien, on dit qu’il a la rage» : on peut toujours trouver des justifications à l’odieux, même si elles sont boiteuses. Mais pour moi, ça n’a aucun sens et ça ne fait qu’illustrer amèrement ce qu’on veut dire quand on parle du syndrome du «pas dans ma cour». Bref, je suis choqué, au cas où vous ne l’auriez pas deviné…

Certains, certaines diront que la fille n’a pas d’affaire là, dans un quartier résidentiel, à poireauter sur un coin de rue où, de toute manière, personne ne répond à ses offres. Je dis quant à moi que cela importe peu et qu'avancer un tel argument n’est qu’une autre façon de justifier l’apathie. Le point pour moi c’est : la fille souffre, elle a froid et l’on peut sinon résoudre, à tout le moins soulager son mal. Et pour cette raison seule, on doit le faire, sans égard à son statut social, son apparence ou son histoire.

C’est incidemment ce que nous faisons beaucoup en nos murs. Les gestes médicaux posés sur des patients à un stade avancé de la maladie sont toujours ridiculement vains. Mais ce sont des petits gestes qui soulagent néanmoins et qui redonnent un espoir qui, pour être parfois irréaliste, n’en est pas moins réconfortant. Tout vaut mieux que l’indifférence.

Mais consolons-nous : le monsieur a «eu le cœur gros». Tout espoir n'est pas perdu : c'est un sensible...

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