samedi 4 décembre 2010

Des élections cholériques


Vous vous doutez bien que j'attendais. Comme tout le monde. Quand on sait combien il s'en faut de peu pour que le pays s'excite dangereusement, on comprend que les élections présidentielles peuvent aisément dégénérer. Ç'a bien failli, d'ailleurs... Mais la semaine s'est passée dans un calme relatif, les esprits chauds ont eu le temps de se rafraîchir un peu et les activités ont repris leur cours à peu près normal. Je dis «à peu près», car la tension est dans l'air; on sent que cette charge ionique pourrait facilement exploser à la moindre étincelle. Qui pourra fort bien se produire dès le début de la semaine prochaine, lorsqu'on annoncera officiellement les résultats de cette élection dont on a tout dit et dont je ne vous parlerai donc pas. Si vous avez suivi un tant soit peu la couverture médiatique, vous savez tout : vous savez la frustration des candidats, vous savez les irrégularités, vous savez la farce monumentale qui a caractérisé l'exercice. Comme je vous l'ai signalé, le principe démocratique s'exprime mal quand les dés sont pipés. Et ils le sont, forcément...

Ce qui fait que tout le monde attend. Ici, plus que jamais, ça passe ou ça casse. Des fois, ça passe en cassant, alors c'est vous dire... Mais il faut attendre et l'attente, c'est l'accalmie, c'est la vie qui continue et déjà, à la radio, le discours cholérique a remplacé l'autre. Car l'occasion est trop belle de jeter le blâme sur la Minustah pour qu'on s'en prive, n'est-ce pas? Là encore, si vous avez suivi un tant soit peu les médias, vous savez que la psychose du choléra a atteint une autre dimension avec le lynchage de ces pauvres malheureux dans le sud-ouest du pays. Et je pourrais vous en dire long sur l'absurdité et la solidité des superstitions locales, mais ce sera pour une autre fois. Pour l'instant, dans notre coin de pays, la situation reste acceptable (environ 295 cas dans le département du sud et 25 décès), mais pour combien de temps encore? Les délégués de diverses associations sont venues me rencontrer à plusieurs reprises cette semaine pour voir s'il n'était pas possible d'installer un CTU (Cholera Treatment Unit) sur notre terrain, un très bon emplacement, selon eux. Malheureusement, les patrons en ont décidé autrement. Je dis «malheureusement», car je comprends la nécessité d'établir ces unités de traitement où l'on peut vraiment contrôler la maladie, mais pour dire franchement, je suis un peu comme tout le monde : content de les voir s'installer ailleurs. Reste qu'ailleurs commence à être sérieusement problématique pour ces organisations, car personne ne veut entendre parler de choléra! Le syndrome du «pas dans ma cour» prend ici une dimension nationale, et je vois le moment où l'État devra s'en mêler... L'État... Quand il y en aura un, bien entendu...

Ce qui me ramène aux élections. Non pas pour vous dire qui est le meilleur -- j'en serais incapable --, mais plutôt pour vous dire combien ce cirque fascine. Et fait peur.

Les élections ont fait couler pas mal d'encre et de salive, mais pas trop de sang... du moins jusqu'à maintenant. Mais ça ne saurait tarder. Toute la semaine, on a entendu des coups de feu et les résultats ne sont même pas sortis. C'est vous dire l'état d'effervescence du peuple... En fait, il ne s'agit pas du peuple, mais plutôt de ces agitateurs professionnels (pour ainsi dire) qui, un peu selon le modèle des lobbyistes, font feu de tout bois et s'indignent de tout et de rien, juste pour contrer le système. Sauf qu'ici, cette opposition ne se contente pas de se faire entendre : elle fait aussi entendre le son de ses armes à feu, ce qui introduit une nouvelle dimension dans la protestation, vous l'admettrez. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, quelqu'un qui n'a pas la même opinion que moi, je trouve que c'est une belle invitation à débattre. Mais si on me met un pistolet sous le nez, eh bien je perds le goût de débattre, disons...

Tout ça pour vous dire qu'avec l'annonce officielle des résultats en début de semaine prochaine, ça va sûrement chauffer. On s'y attend, on s'y prépare psychologiquement (car physiquement, on ne peut pas y faire grand-chose) et on souhaite que ça va s'estomper comme la dernière tempête tropicale, mais rien n'est moins sûr...

Choléra + manifestations politiques = ???

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