mardi 23 novembre 2010

Rose Haïti


La misère d'Haïti, c'est un refrain connu. Petit pays, petit peuple, petite vie... on sait tout cela. C'est le côté face, celui qu'on voit aisément, qu'on propage dans les médias, qui se "vend" bien et qui émeut "les cœurs qui saignent", comme le disent les anglos ("bleeding hearts"). À la fin, y'en a marre. Aujourd'hui, je vous parle du côté pile d'Haïti, le côté insouciant, rieur, spontané et racoleur de ce peuple qui n'a besoin de personne pour vivre sa vie. Je vous dis ça parce que ce dimanche dernier, nous sommes allés à Gelée, ce petit patelin tout près des Cayes où la Fondation possède une maison--deux, en fait, mais ce n'est pas de cela dont je veux vous entretenir aujourd'hui, alors je passe. Gelée donc, dont le nom évoque le froid et non les tropiques... Alors ne me demandez surtout pas le pourquoi du nom, je n'en sais vraiment rien et j'avoue avoir été aussi surpris que vous d'entendre ce nom ici, aux Cayes, mais en Haïti, tous les noms existent, il suffit de les créer et ta-dam! Gelée donc. Mais bonne chance pour en trouver (de la gelée, je veux dire)!

Donc nous sommes à la maison. La vue porte sur la mer au loin et au premier plan, sur des enfants qui jouent sur l'herbe. Trois enfants, de 7-8 ans environ, à moitié nus et promenant au bout d'une ficelle une espèce de boîte montée sur roues, un peu comme sur la photo. L'un tire, la voiturette roule et les autres rient. Est-ce un jeu? Sûrement puisque ce n'est pas un travail. Mais c'est un jeu pur, sans finalité autre que celle de divertir. Et ces enfants, pieds nus dans l'herbe (clin d'œil ici à Félix Leclerc, vous l'aurez deviné), jouent au plus beau jeu du monde, celui de l'insouciance. Ici, rien à gagner, rien à prouver, aucune stratégie, aucune finesse, rien que de l'innocence. Le choléra? S'en foutent. Les élections? Encore plus. Ils sont là, émerveillés de ce rien autour duquel leur petite vie gravite. N'ont même pas conscience que je les observe... Et de toute façon, n'en ont rien à cirer. Car je ne peux comprendre. Je regarde, je les écoute et je ne comprends rien. Il me semble que leur jouet est tellement simpliste qu'il ne mérite pas plus de 30 secondes d'attention. Et pourtant, ils tournent autour, tirent la ficelle à tour de rôle et s'émerveillent visiblement de la mécanique ou des lois physiques qui sous-tendent la patente. Du beau, les amis, du pur. Du vrai. Vous voulez savoir où est la vérité? Dans la concentration de ces enfants. Qui n'ont rien, je le rappelle au cas où vous l'auriez oublié; qui dorment la plupart du temps à même le sol, recroquevillés en chien de fusil; qui mangent une fois par jour et pas du boeuf braisé, soyez-en sûrs; et qui n'ont rien à faire de leur journées. Vraiment rien. Et qui s'inventent ces façons merveilleuses de passer le temps. Eh bien ça, les amis, c'est aussi Haïti et ça réchauffe bien davantage que le soleil de novembre (qui reste encore bien puissant, croyez-moi).

Je dis cela et vous avez compris que je ne parle pas que des enfants d'Haïti. Les enfants, en général, sont insouciants, naïfs, spontanés et aiment jouer. Mais je pense qu'il faut remettre les pendules à l'heure. J'ai d'ailleurs déjà mentionné la chose (Tout le monde est malheureux) : les conditions de vie en Haïti sont dures, ne nous leurrons pas, mais la façon de vivre haïtienne est simple et bon enfant. "Depi nou sou de pye nou bon" qu'on peut traduire par "en autant qu'on soit sur nos deux jambes, ça va" résume assez bien cette attitude zen qui sait se satisfaire de peu. Ce qui ne veut pas dire qu'on n'aspire pas à plus! Mais on sait apprécier ce qu'on a.

Tout ça pour vous dire que les problèmes d'Haïti, y'a pas que ça. Il y a dans ce pays quelque chose qui dépasse le stade des problèmes, qui les transcende, si je puis dire... Il y a de la chaleur, et je ne parle pas seulement du climat, vous l'avez deviné; il y a de la candeur, de l'insouciance et oui, j'ose le dire, du plaisir à vivre. Et à laisser vivre des enfants qui jouent avec une boîte de plastique montée sur quatre roues de fortune et qu'on tire en courant...

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