samedi 13 novembre 2010

Les malheurs d'Haïti


Je n'ai pas vraiment envie de vous parler de choléra. D'abord, c'est dégueulasse comme maladie; ensuite, le seul fait d'en parler est suffisant pour que se répande la peur, une peur viscérale, intestinale si je puis dire, d'attraper ce sale microbe. Microbe emmerdant, pourrait-on dire... Mais le fait est qu'il s'agit là d'une maladie hautement contagieuse et à l'évolution fulgurante, diarrhéique, si vous me passez le terme...

Bon. Où en sommes-nous? On ne sait pas trop. On sait qu'il y a quelques cas à l'hôpital Général des Cayes, mais on ne sait pas comment ça se passe. Secret d'État? Non, non. Juste l'absence de renseignements fiables et à jour. Alors on attend et on surveille. La semaine dernière, le jeudi du cyclone pour être précis, j'ai reçu une délégation de Médecins sans Frontières (je vous en ai touché un mot dans mon dernier texte) qui venaient précisément pour voir où en était la situation aux Cayes et nous aider autant que possible à faire face à une éventuelle poussée de la maladie. Mais la présence de TOMAS à nos portes a fait bifurquer les préoccupations, pour ainsi dire. Quand tout est prioritaire, il faut prioriser les priorités; c'est ce qu'on a fait. TOMAS est maintenant chose du passé et on peut maintenant prendre le temps de voir ce qui se passe côté choléra. Évidemment et comme il fallait s'y attendre, ça ne va pas trop bien. Je dis "comme il fallait s'y attendre" car il fallait vraiment s'y attendre : le pays est très peuplé et les gens voyagent beaucoup. Ici, par exemple, il n'est pas rare de voir se pointer des patients qui viennent de l'autre bout du pays, simplement parce qu'ils ont entendu parler de notre hôpital. Or, les gens peuvent être porteurs sans avoir de symptômes ou lorsqu'ils incubent la maladie (1-5 jours), ce qui permet une propagation optimale. Ajoutons à cela la tradition courante (et si chaleureuse) de donner la main à tout un chacun et l'on comprendra que contenir la maladie devient un défi de taille... Par ailleurs, les conditions de vie actuelles à Port-au-Prince ne peuvent que favoriser la propagation de la bactérie et je vous parie une tonne de beurre contre une Thunderbird que nous allons bientôt nous retrouver face à une épidémie nationale hors contrôle. Tout ça pour vous dire que c'est plutôt emmerdant. Car si le choléra se soigne sans trop de problèmes, il n'en reste pas moins une maladie grave, souvent mortelle, osons le dire, et donc guère réjouissante dans ses perspectives.

Parlant hier avec le médecin responsable de l'implantation de mesures d'urgences au regard de cette maladie, celui-ci me disait, sans émotion ni désir de se faire valoir, que ce n'était qu'une question de temps avant que l'on parle d'épidémie dans notre coin de pays, et ce, pour la simple raison que je vous ai donnée ci-dessus : les gens voyagent. Mais ils (Terre des Hommes et Médecins sans Frontières) sont presque prêts. Ils ont monté un "camp choléra", indispensable pour isoler les malades d'une part et les traiter adéquatement d'autre part. Alors et comme je dis souvent : "N'ap swiv". Reste que plusieurs s'émeuvent de ce que les épreuves semblent fondre sur Haïti comme du mozarella sur un croque-monsieur : en s'étendant et en faisant couche. C'est peut-être un peu vrai. Juste pour dire : hier matin encore, il y a eu un autre tremblement de terre, de magnitude 4,4, entre ici et Port-au-Prince. Non, ça n'a pas fait les manchettes, mais tout de même, ce n'est rien de bien rassurant... Et pendant que j'écris ces lignes, une tempête tropicale est en formation au sud du pays... (Soupir)

Et pendant ce temps, que font les Haïtiens? Ils sont en pleine campagne électorale! L'aviez-vous déjà oublié? Et ça non plus, ça n'arrangera en rien les choses... Mais pour nous, le travail se poursuit, comme en témoigne la photo ci-dessus. Faut ce qu'il faut, hein?

Et puis comme disent les anglophones avec leur inimitable accent : "C'est la vie!"

1 commentaire:

  1. Décidément, les choses ne vont pas s'améliorant...

    Cela dit, j'aime l'image du croque-monsieur.

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