jeudi 26 août 2010

Voyagement


Je vous reviens sur une note plus personnelle. Je vous ai naguère narré un rallye routier qui faisait partie des aléas du voyage, de celui qu’on fait de temps à autre et qui nous fait sortir du pays où l’on demeure pour aboutir au pays qui nous a vus naître – ou ailleurs. Hier, c’était une autre de ces (trop) rares occurrences, à la fois souhaitée et redoutée, redoutée à cause de la saison et, précisément, des impondérables.

Hier, le temps était au beau fixe, alors on ne s’en faisait pas trop de ce côté. C’est déjà ça de pris. Ne restaient que les toujours possibles pannes mécaniques (source de notre course de la dernière fois), les accidents naturels ou humains et les autres variables, inconnues par nature. Mais rien de tout cela ne s’est produit et nous sommes arrivés à l’heure à l’aéroport. Comme toujours, c’est l’assaut des porteurs qui veulent nos valises contre paiement. Comme toujours et avec mon meilleur sourire (qui vaut ce qu’il vaut, mais bon), je réponds qu’on n’a pas de valises dignes de ce nom, ce qui est vrai. Puis il y a la file. Dehors. Sous le soleil haïtien qui, en cette saison, tape raide. Or, l’une des autres pratiques des porteurs c’est de faire passer les gens par devant la file, «traitement VIP», comme m’a dit l’un d’eux. Ben laissez-moi vous dire que les VIP sont légions dans ce pays! Alors faisant fi de la ligne, nous voilà à cheval sur le cordon qui sépare les gens. «Vous ne pouvez pas rester là», me dit un brave agent de sécurité. «Se pa fòt mwen», lui réponds-je fort pertinemment dans sa langue, et de lui expliquer que si tout le monde passe sur le dos de tout le monde, eh bien nous aussi allons faire de même. Il n’en faut pas plus pour qu’on devienne amis. Puis tout le monde s’en mêle, tout le monde s’emmêle et sous ce soleil de plomb (et croyez-moi, le cliché dit bien ce qu’il dit), ça discute ferme, comme si tout le monde s’engueulait, alors que tout le monde participe à une belle foire verbale.

On finit par entrer (merci pour la climatisation) et à faire ce qu’il faut pour qu’on puisse s’embarquer. Et commence l’attente. Car vous le savez, vous qui avez voyagé en avion : ce qui use, ce n’est pas le vol ou les petites tracasseries douanières ou autres; ce qui use, c’est l’attente. Or, elle fut longue. Quand finalement nous avons embarqué, c’était dans un avion d’une autre compagnie, ajoutant encore à la confusion qui rend tout le monde insécure. Pourtant, c’était le bon avion. Reste à trouver le bon siège. Pour nous, observateurs avertis, ce n’est pas trop un problème; pour la vieille Haïtienne qui me suit, c’en est visiblement un. Mais, homme du monde, je le lui indique (juste devant le nôtre) et pousse même la civilité jusqu’à ranger son sac dans le compartiment en haut. (Ceux qui pensent que je ne réserve mes grâces qu’aux belles jeunes filles seront surpris, je sais, mais voilà la vérité.) Sitôt assis, ma voisine, une jeune fille haïtienne pas mal du tout, se met à tousser. Derrière, un gamin pousse sur son siège (et sur le mien par le fait même); un peu plus loin, ça braille à qui mieux mieux. Charmant voyage qui se dessine... Et l’avion qui ne décolle pas, pour des raisons de paperasse non conforme, d’après ce qu’on finit par nous dire, n’allège en rien la situation. Finalement, après deux heures d’attente au sol, on finit par s’envoler.

Un vol sans histoire. Assez curieusement, tout le monde s’est calmé, sauf ma voisine qui tousse de cette toux sèche, que l’air recyclé de la cabine n’améliore nullement, vous l’aurez compris. Mais somme toute, un vol pas si mal. Et quand on nous distribue les cartes de déclaration douanière, pourquoi devrais-je m’étonner que la vieille, celle que j’avais gentiment assistée, se tourne vers moi et me donne sa carte pour que je la remplisse? Ne suis-je pas le chevalier de ces dames? Ainsi, j’apprendrai, passeport à l’appui, que la dame a 79 ans bien sonnés et est citoyenne canadienne!

Les voyages forment la jeunesse, dit-on. J’en suis. Mais ils aiguisent aussi la patience, ouvrent les horizons et vous unissent à d’autres humains, dans cette boîte de conserve volante qu’est l’avion. Surtout un DC-10, tiens…

Mais comme tout le monde le sait, qui veut la fin prend les moyens...

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