jeudi 5 août 2010

Fantaisie politique


Voilà, c'est officiel : Wyclef Jean sera candidat aux prochaines élections. Pour ajouter un peu plus de confusion dans la marmite politique haïtienne, comme s'il y en avait pas déjà assez. Pourquoi? On n'en sait rien. Il se dit peut-être : "Pourquoi pas?" Et dans le fond, c'est vrai, pourquoi pas une vedette comme candidat présidentiel? N'est-ce pas un peu ce qu'a fait l'inimitable Schwartzeneger? C'est sûr que Wyclef va rallier des supporters; et des votes aussi. Des jeunes surtout, et pour cause : c'est une grande star. Connue internationalement, je l'ai dit, et pour le peuple haïtien, ça veut dire les États-unis et (un peu) le Canada. Le reste du monde, c'est la planète Mars... Or, ce monsieur est d'abord et avant tout Américain, il faut bien le dire, puisqu'il a émigré aux USA à l'âge de 9 ans et qu'il en a presque oublié son créole. Quant au français, on dit qu'il le parle très mal. Faut-il y voir un signe de l'américanisation d'Haïti? Je vous laisse juger. Mais le fait demeure : un candidat déjà surmédiatisé a plus de chances qu'un autre du seul fait qu'il est surmédiatisé. Les médias pèsent lourd dans la balance de la popularité. Bien sûr, ils ne font que rapporter les faits, mais le seul fait qu'ils rapportent fidèlement tous les hoquets du candidat A et à peu près rien des autres accroît sensiblement la notoriété du candidat A, vous serez d'accord. Or, dans un pays comme Haïti où le niveau d'éducation -- et par là même, le niveau de discrimination -- est faible, le candidat populaire est celui qui a plus de chances de remporter la palme. Pas parce qu'il est le meilleur : juste parce qu'il est le plus populaire.

Ce qui m'amène à partager avec vous un irritant : mon patron m'a souvent fait le reproche d'être "populaire" (popular pour être exact) auprès des employés. Je m'en suis toujours défendu hardiment. Je ne suis pas populaire car je n'ai pas à me faire élire. J'ai été embauché pour faire un travail et je le fais à ma façon, que ça plaise aux employés ou non. Or, et comme je l'ai bien candidement avoué, il appert que les employés sont généralement satisfaits de notre prestation professionnelle, alors on aurait tort de s'en plaindre. Cependant là n'est pas l'objectif, alors que ce l'est pour une personne qui veut se faire élire à une quelconque fonction : tous les moyens sont bons pour gagner la sympathie populaire (= du peuple), depuis les flatteries les plus hypocrites jusqu'aux promesses les plus fantaisistes. C'est incidemment pour cette raison de malhonnêteté fondamentale que je ne crois pas à la politique, n'y ai jamais cru et n'y croirai jamais. Alors faudrait surtout pas me confondre avec un politicien...

Wyclef Jean n'est pas lui non plus un politicien. Mais il est un homme public. Un homme d'images. Un homme populaire. Très. Il a donc bien des choses en commun avec la politique. Tout comme le politicien, son "employeur", c'est le peuple. Ne pas plaire au peuple, c'est couler à coup sûr : une réalité qu'il ne faut surtout pas oublier. Même un homme de la trempe d'Obama sait cela et doit de ce fait maintenir une image conforme aux attentes du peuple. Dès lors, on peut s'imaginer aisément ce qu'une icône comme Wyclef peut représenter pour un pays comme Haïti... L'espoir fait vivre, je vous l'ai cité à quelques reprises, celui-là... Intéressant de noter qu'il s'agit aujourd'hui de la question du mini-sondage de Cyberpresse : "Wyclef Jean peut-il sauver Haïti?" Sur plus de 10,000 réponses, 63% (moi-même inclus) croient que non. Faut quand même être réaliste : une vedette, si populaire et bien intentionnée qu'elle soit, ne va certainement pas changer le pays en un tournemain! Remarquez que la question n'est pas de savoir si l'on pense qu'il sera élu, mais s'il peut sauver le pays. En toute justice, je pense que la question pourrait s'appliquer à n'importe qui et récolter à peu près la même réaction : la barre est simplement trop haute pour une seule personne, fût-elle Schwartzeneger!

Tout ça pour vous dire que rien ne change, que tout est toujours pareil et qu'on attend, comme je vous l'ai répété ad nauseam. MAIS on n'a pas de cyclone en vue, alors de quoi pourrions-nous nous plaindre?

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