jeudi 8 septembre 2011

Du tourisme déguisé?


Vous le savez maintenant, ce sont souvent mes lectures qui m’inspirent et m’incitent à partager avec vous mes commentaires. L’article ici en est une bonne illustration, ne serait-ce que par son titre. Sa traduction française laisse un peu à désirer, mais est suffisamment proche de l’idée originale pour qu’on comprenne de quoi il retourne : les touristes affluent maintenant en Haïti, même s’ils sont d’un autre genre. Mais sont-ils vraiment d’un autre genre?

En fait, je pense que non. Le tourisme, tout le monde le sait, est d’abord une industrie, une source économique souvent extrêmement rentable, ne serait-ce que parce que les touristes dépensent des sous qu’ils n’ont pas gagnés là où ils vont. L’apport économique n’est donc pas négligeable et Haïti peut en bénéficier autant que n’importe quelle autre contrée dite touristique. Plus même. Cependant, les touristes sont, par définition, exigeants et c’est là le hic : les infrastructures haïtiennes ne sont pas à la hauteur des attentes des touristes moyens. Il y a bien quelques endroits ici et là qui offrent un produit touristique de qualité (hébergement et nourriture convenables, entre autres), mais ils ne sont pas légions. Dès lors, venir en Haïti en touriste implique un certain goût pour l’aventure et pour l’imprévu. Pourtant, le pays a beaucoup à offrir, tant sur le plan géographique (plages, montagnes, mer…) que sur le plan historique ou social. Haïti, selon l’expression consacrée «vaut le détour». Sans le moindre doute. Mais voilà : sans encadrement, venir en visite au pays est difficile, justement à cause de l’absence d’encadrement. Or, ce que font les organisations humanitaires, c’est précisément de fournir cet encadrement, cette logistique de base qui rend le séjour possible : c’est ainsi que sous prétexte de venir «aider» Haïti, on s’offre de petites vacances en pays exotique.

Certains diront que cette forme de tourisme déguisé est malsaine et trompeuse, puisque l’aide humanitaire est censée avoir des motivations beaucoup plus élevées, idéalistes ou… humanitaires quoi! Mais de vous à moi, ce n’est pas toujours le cas. Quand on lit — et je l’ai moi-même écrit — que l’aide humanitaire piétine en Haïti, c’est un constat vérifiable. Ce piétinement est loin de l’efficacité, de l’efficience et de la rentabilité. Les organisations humanitaires — religieuses ou laïques, peu importe ici —, s’appuient toutes sur de grands principes éthiques, notamment l’assistance au prochain, en l’occurrence Haïti-qui-souffre. Mais vous le savez : de la coupe aux lèvres, il y a toujours un bon bout de chemin et il arrive souvent que des intentions louables tombent à plat, érodées par des difficultés quotidiennes sous-estimées. Mais les volontaires affluent tout demême. Viennent aider. Veulent aider. Mais en profitent du même coup pour aller se reposer à la plage ou à l’hôtel quatre étoiles avec piscine limpide et acheter quelques souvenirs comme tout bon touriste qui se respecte. Se donner bonne conscience? Peut-être. Mais peut-être pas. Je pense pour ma part (et je m’appuie sur ma propre expérience) que les volontaires ne cherchent pas nécessairement à se déculpabiliser — après tout, de quoi seraient-ils coupables? — mais veulent plutôt profiter d’une occasion, en l’occurrence l’aide humanitaire, pour s’initier au pays. Voir si c’est vrai ce qu’on en dit : que le pays est merveilleux et ses gens, fascinants. C’est une très bonne chose. Haïti mérite plus que des envois d’argent, de médicaments ou de denrées périssables (!); il faut oser y venir, oser se frotter à son peuple, oser sourire et partager; il faut faire l’effort d’ouvrir l’huître de la misère pour découvrir la perle qu’elle cache, cette fameuse perle des Antilles dont les livres parlent…

Alors si le tourisme doit passer par le moule humanitaire pour s’enclencher, qu’il en soit ainsi. L’important est qu’il se développe. Car mieux que n’importe quelle aide humanitaire, s’il est une industrie capable de relever le pays, c’est bien le tourisme, et je ne suis pas le seul à le croire…

Alors, vous venez quand?

Aucun commentaire:

Publier un commentaire