jeudi 11 août 2011

L'étau de l'argent




L’argent ne fait pas le bonheur. Tout le monde le dit, donc c’est sûrement vrai. Pourtant, je vous dirai que son absence rend terriblement malheureux. Faut donc nuancer. L’argent, comme objet d’idolâtrie, ne fait évidemment pas le bonheur, ou s’il le fait, il s’agit d’un bonheur assez psychotique, genre Séraphin et son tas d’or; mais l’argent comme monnaie d’échange permettant d’accéder à une pléthore de produits et de services ne rend pas nécessairement malheureux. En revanche et comme je viens de le mentionner, son absence, oui.

Or, ce qui se passe dans le monde économique présentement laisse songeur. Les histoires de plafond de la dette américaine, de renflouage de pays au bord de la faillite (comme l’Italie, d’après ce qu’on en lit) ou des cafouillages de la bourse sont trop complexes pour que je vous les résume ici. Pas parce que vous n’êtes pas assez intelligents pour comprendre, mais parce que je ne suis sans doute pas assez intelligent pour vous l’expliquer. Par ailleurs, si vous êtes, comme moi, un peu dépassés par ces événements (euphémisme), vous n’avez d’ailleurs nullement envie de vous taper l’analyse d’un amateur — un de plus, puisque les analystes financiers foisonnent ces temps-ci… Cependant, la situation est, à mon sens, révélatrice. Certains d’ailleurs ne se gênent pas pour parler d’écroulement du capitalisme, ce système politico-philosophique où l’argent domine. On peut croire l’affirmation fantaisiste, mais qu’en est-il vraiment? Un monde sans argent se conçoit-il? Pas vraiment, hein? Tout, semble-t-il, est relié à l’argent, depuis les grandes orientations politiques jusqu’au petit verre de vin, tout, vous dis-je, est question d’argent. Un monde sans argent devient de ce fait inimaginable car on ne peut simplement pas imaginer comment fonctionnerait sa mécanique. Et pourtant, l’argent n’a pas toujours existé, surtout pas l’argent de papier. Historiquement, l’argent a eu un commencement et dès lors, il n’est peut-être pas si faux de croire qu’il aura une fin. Mais que se passera-t-il alors? Je ne sais pas. La fin du monde, sans doute… En tout cas, la fin du monde économique, car l’argent est l’élément liant de l’économie. En passant, avez-vous remarqué le subtil passage du citoyen au consommateur? Fascinant tout de même. Des gens se sont battus jadis pour acquérir ce droit d’être appelés citoyens; or, de nos jours, le terme est tombé en désuétude, remplacé par cette désignation tout à fait représentative de la réalité moderne : le consommateur. Celui (ou celle) qui consomme. Celui (ou celle) qui contribue à faire en sorte que l’argent roule, change de mains, s’épuise d’un côté pour s’empiler de l’autre. Et vous savez la fin de l’histoire : les pauvres s’appauvrissent et les riches s’enrichissent. Un monde sans argent aplanirait cette différence, rendant les riches pas plus fins que les pauvres et surtout sans plus de pouvoir. Car le pouvoir va à l’argent.

Le plus drôle (drôle ici dans le sens de curieux, car il en est pour qui le sens du mot n’est pas toujours clair), c’est que Karl Marx avait observé le phénomène et s’était élevé contre, notamment dans son ouvrage clé : le Capital. De mémoire, Marx observe que lorsque vous payez pour acheter un bien ou vous procurer un service, vous croyez que c’est vous-même qui achetez ce produit ou ce service. Mais en fait, c’est l’argent qui le fait. L’argent vous déshumanise et vous aliène car il vous rend étranger à votre essence même. Ça, c’est grosso modo, la pensée de Marx dans le Capital. En passant, il y a plein de belles choses dans cet essai, et le plus fort, c’est que le texte date de 1867! Comme quoi, plus ça change, plus c’est pareil!...

En quoi cela nous concerne-t-il? Haïti est pauvre. Alors une dégringolade des marchés boursiers ne peut que se traduire par une hausse de l’inflation et une montée des prix, ce qui veut dire une diminution du pouvoir d’achat en général, dont Haïti en particulier. Et je peux vous garantir qu’il n’en faut pas plus pour mettre le feu aux poudres, car l’élastique haïtien est déjà étiré à sa limite. En fait et pour parler franchement, je me demande toujours comment les gens ordinaires font pour arriver… Mais j’ai déjà abordé le point alors je passe.

Bref, vous avez compris : ce qui se passe dans l’univers des gens riches et cupides touche tout le monde, même ceux qui ne demandent qu’à pouvoir manger un repas par jour…

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