lundi 26 mai 2008

La vie chère



Ma douce compagne, dont le côté terre-à-terre tranche franchement avec le mien, plus éthéré, me faisait naguère la remarque que je n’avais pas suffisamment parlé des difficultés majeures des gens du peuple à joindre les deux bouts. Je croyais que si, mais en relisant en diagonale (car qui aurait envie d’une lecture méthodique) mes textes précédents, j’ai dû admettre que j’avais effleuré la question, certes, mais n’avais sans doute pas accordé au sujet toute la place qui lui revient. Car la vie au sud comporte, du moins dans ce pays, une bonne dose de pauvreté qui nous interpelle au quotidien. Ce sont les mendiants ou les handicapés près de l’épicerie ou, pire encore, les non-mendiants qui sont plus mal en point que leurs condisciples mais dont la fierté ou la bonne éducation empêchent de quémander; ce sont les patients qui viennent à l’hôpital et qui comptent leurs sous pour arriver à payer les frais exigés; ce sont des malades qui refusent les soins requis parce qu’ils n’auront pas l’argent pour payer le transport public jusqu’à leur village... Le malheur est partout. Certes, on s’y habitue. Jusqu’à un certain point. C’est un mécanisme de survie, sinon on ne peut rester dans ce pays. Car le malheur se voit, mais ne fait pas pour autant l’objet de complaintes répétées : le malheur ici, fait partie intégrante de la vie. On s’y résigne, comme je l’ai déjà mentionné antérieurement.

Mais il n’en reste pas moins une réalité qui, lorsqu’on s’y arrête un peu, fait mal à voir et encore plus, mal à vivre. Comment, en effet, peut-on vivre, quand on a une famille à supporter et que tout coûte les yeux de la tête? Ce ne sont pas seulement les denrées de base qui sont chères, mais aussi tout le reste; or, dans ce pays, il faut aussi payer pour tout le reste : l’école et les soins de santé, entre autres, qu’on tient pour acquis dans notre pays d’origine, représentent ici des dépenses de taille, au point où les gens s’abstiennent souvent de se faire soigner pour raison de manque d’argent. Ainsi ce matin, notre petite bonne avait la mine triste. Quand je lui ai demandé ce qu’elle avait, elle m’a répondu que son mal de dents la faisait de plus en plus souffrir, qu’elle voudrait bien aller chez le dentiste, mais qu’elle n’avait pas l’argent pour ce faire. Je l’ai dépannée, bien entendu, mais combien d’autres sont dans cette situation? Ici, à l’hôpital, il est de pratique quotidienne de devoir exonérer des malades qui n’ont pas les moyens de défrayer les coûts pourtant bas des interventions. Et les gens pauvres, les vrais, sont trop fiers pour demander la charité. Ils s’en vont, miséreux, le dos voûté et le regard triste, malades et condamnés à le rester par manque d’argent… Des fois, il faut vraiment interpréter un regard, analyser un soupir et aller à l’essentiel; et alors, le plus délicatement et le plus discrètement possible, on dispense ces pauvres gens de payer.

On dit que l’argent mène le monde. Cela est vrai aussi en Haïti, où les démunis souffrent encore plus qu’ailleurs de son absence et de ce qu’il permet d’acheter. Où est la solution? Y a-t-il seulement une solution? Peter Singer, philosophe américain bien connu, suggérait aux Américains de se départir du tiers de leur salaire au profit des pauvres. D’après ses calculs, si cela était fait, il n’y aurait plus de pauvres… C’est sûrement comme ça qu’ils font, en Utopie…

Dites-moi, y a-t-il des palmiers, en Utopie???

1 commentaire:

  1. haaa, je savais bien que l'inspiration te viendrais...et pas une à laquelle tu peux déjà mettre un point!! Je pense que tu peux en dire d'avantage là-dessus...une petite explication sur les conséquences de la crise alimentaire par exemple?

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