mercredi 12 septembre 2012

Une affaire de nom


On lit parfois des choses drôles. Je ne veux pas dire dans le sens qui font rire, mais plutôt bizarres, surprenantes ou insolites. Incidemment, c’est sous la rubrique « Insolite » qu’on retrouve, chez cyberpresse, ces articles qui me font toujours sourire.

Mais celui que je vous commente aujourd’hui ne provient pas de la rubrique Insolite de La Presse, mais plutôt du Nouvelliste; d’ailleurs, son titre dit déjà tout : «Fond-cochon veut changer de nom». Vous pouvez lire l’article si le cœur vous en dit, mais vous n’y apprendrez rien de plus que ce que le titre annonce de façon non équivoque. Les responsables locaux trouvent que le nom ne fait pas très sérieux et qu’il est, de surcroît, «désagréable à l’oreille»(!) Pardonnez-moi, mais je ne suis pas d’accord.

Les noms des localités émergent souvent des réalités géographiques ou sociales qui les caractérisent et je trouve tout à fait croustillant ces noms qui racontent une histoire. Or, les Haïtiens sont très créatifs en matière de noms — je l’ai déjà mentionné au sujet des personnes dans un autre texte — et les localités portent souvent des noms qui mettent en lumière ce qui les caractérise le mieux ou, en tout cas, ce qui le faisait dans le passé. Je pense, entre autres à Fond-des-Blancs, ainsi nommé parce que des Blancs, laissés derrière par l’armée napoléonienne, s’y étaient installés à demeure. On devine la raison de son pendant, Fond-des-Nègres… Dès lors, on peut aussi deviner la raison d’un nom comme « Pas Toilette », « Bistouri », « Dos d’âne », « Poux » ou « Débauché »… Même s’il y a maintenant des toilettes à Pas Toilette — en tout cas, je le présume —, la réalité historique nous rappelle que l’endroit en était sans doute dépourvu à une certaine époque et sans doute existe-t-il une histoire bien colorée pour expliquer le baptême de ce village. Alors pourquoi en changerait-on le nom? Et qui osera me dire que cette imagerie toponymique vaut moins que celle qui, au Québec, nomme tous les villages du nom d’une sainte ou d’un saint, souvent obscur et toujours sans rapport avec la réalité géographique du lieu, le saint n’y ayant jamais mis les pieds? Évidemment, c’est une autre affaire lorsqu’on veut désigner les habitants du hameau au nom insolite : Pas toilette donne quoi? *Patoilettiers? À moins que ce soit des *Chiant-culottes? Et Poux? Les *Pouilleux?

Bon, j’en ris un peu, mais ce n’est pas méchant. Au contraire, pour ma part, j’aime assez l’originalité haïtienne en matière de toponymie et je ne vois pas pourquoi Fond-cochon serait moins politiquement correct que Fond-des-Nègres, par exemple.

Mais je ne vous ai pas dit le meilleur : pour rebaptiser Fond-cochon, on propose Laval. Oui, oui, Laval, comme la municipalité au nord de Montréal, dont on dit s’inspirer d’ailleurs. C’est quoi le rapport dites-vous? Eh bien c’est ça l’affaire : y’en n’a pas!

Dites, c’est-y pas beau ça?

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