vendredi 11 mai 2012

Quand Râ rayonne


Je viens de lire cet article, et bien que je sois spontanément prêt à féliciter les divers partenaires du projet, j’y mets néanmoins quelques réserves. Que je vous explique.

L’énergie solaire est, depuis toujours je pense, perçue à juste titre comme l’énergie la plus propre, la plus universellement disponible, la plus inaltérable et la plus aisément accessible. Le soleil nous éclaire et nous réchauffe naturellement et c’est déjà beaucoup. Mais peut-il servir à produire de l’électricité? Oui, en autant que l’on dispose de «panneaux solaires», ces assemblages de cellules photovoltaïques dont la particularité est justement de produire du courant continu lorsque soumis à la lumière solaire. Dès lors, en autant qu’il fasse soleil (et en Haïti, ce n’est pas vraiment un problème, n’est-ce pas), il ne reste plus qu’à «collecter» ce courant et, si l’on veut en faire provision, l’accumuler dans des batteries. Évidemment, je minimise, mais en gros, ce n’est pas plus compliqué que ça. «Mais alors, me direz-vous, si c’est aussi simple que ça, pourquoi le pays en entier n’est-il pas connecté à des panneaux solaires?» Le principe peut être simple, oui, mais les coûts d’installation du système sont élevés, très élevés même, et ce, même en tenant compte du fait que le prix des panneaux a sensiblement diminué au cours des dernières années. C’est que dans cette chaîne de production du courant, ce ne sont pas les panneaux qui font problème, mais bien les batteries car sans elles, pas de réserve et donc aussitôt que le soleil s’estompe, les panneaux deviennent inertes. Or, les batteries ne sont rien d’autres que des batteries, semblables à celles des voitures mais conçues différemment de façon à permettre des cycles répétés de charge-décharge complets. Et c’est là que ça se corse, comme on dit à Ajaccio. Car la qualité des batteries varie énormément — les meilleures sont évidemment les plus chères — et leur durée de vie, dans le meilleur des cas, ne dépasse pas 3-4 ans. Si bien que pour une installation moyenne, il faudra compter avec le renouvellement des batteries à tous les trois ou quatre ans, ce qui signifie une dépense de près de $5,000 US. Je ne sais pas pour vous, mais pour nous et pour ceux que l’on côtoie, ça fait cher. Ajoutez à cela le coût initial de l’équipement (panneaux et onduleur (inverter) et vous aurez une idée juste de la raison pour laquelle le système solaire n’est pas plus populaire en Haïti : son prix prohibitif. En revanche, lorsque des organisations internationales s’en mêlent et financent l’achat et l'installation du matériel, alors là, c’est magnifique, car le système, une fois en place, ne coûte pratiquement rien en frais d’entretien. Donc et si vous m’avez suivi, le solaire, c’est bien pour les gros, mais trop coûteux pour les petits.

En outre, il faut ajouter certains facteurs qu’on pourrait appeler hétérogènes et qui rendent l’entreprise des plus hasardeuses en Haïti. Premièrement, le vol. Les panneaux valent cher, je l’ai dit, et les voleurs les ont à l’œil. Il suffit de panneaux mal protégés et tadam! ils disparaissent. Deuxièmement, les fils doivent être bien protégés du soleil, car sinon ils cuisent littéralement et dès lors, le courant ne passe plus. Il y a encore l’entretien des batteries qui, ici en Haïti en tout cas, ne sont pas scellées et demandent donc un ajout constant d’eau distillée pour maintenir leur niveau d’électrolyte. Or, personne ne s’en soucie. La corrosion des bornes des batteries doit également être prise en compte, car elle se produit très rapidement dans ce pays humide et proche de la mer. Bref, ce n’est pas si évident que ça…

Cela dit, il faut reconnaître que la technologie progresse. Et rapidement. Au point où, dans certains pays, un système solaire bien réglé est maintenant compétitif avec l’électricité fournie par l’État. Donc, on est sur la bonne voie. Mais je ne crois pas qu’on soit arrivé pour autant…

En tout cas, s’il s’en trouve parmi vous qui désirez faire un don à un hôpital renommé et efficient, pensez à un système solaire complet et je vous promets de citer votre nom sur cette vitrine!

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