jeudi 11 avril 2013

Accident!


Je ne veux pas faire mon oiseau de malheur et donner l’impression de taper sur le même clou sans cesse, mais l’accident dont vous voyez la photo ci-dessus ne fait que confirmer ce que je vous disais dans l’un de mes textes précédents, à savoir que les transports publics en Haïti sont à déconseiller fortement, pour toutes sortes de raisons allant de l’état mécanique des bus publics aux hasards de la route. Et pourtant, dans le cas de l’accident de la photo, ce n’est pas une raison mécanique ni un hasard de la route qui a provoqué le drame, mais simplement l’incompétence flagrante du chauffeur, lequel à ce qu’on nous a dit, était assez éméché : il revenait d’une veille funéraire et ces veilles sont toujours l’occasion de boire bien copieusement à la santé du mort — surtout qu’il s’agit là d’une des rares circonstances où l’alcool coule à flots et gratuitement en plus. Or, il semble que le chauffeur, voulant montrer sa solidarité à la famille du défunt sans doute, se soit proprement imbibé; reprendre le volant dans cet état n’était évidemment pas une bonne idée… Faut encore que je vous dise que toute cette route (la nationale des Cayes à Valère) est à peu près parfaitement rectiligne, sauf à cet endroit où une courbe aussi inattendue que prononcée vous oblige à ralentir substantiellement. On peut donc assumer que le chauffeur, embrumé dans les vapeurs éthyliques, n’a pas vu la courbe arriver et n’a pas pu la négocier, tout simplement. Un accident bête, comme il en arrive partout dans le monde. Sauf qu’ici, nous avons appris que sept passagers avaient péri, sans compter la quinzaine de blessés qui s’en sont tirés tant bien que mal. Ce n’est pas un bilan effroyable, mais c'est tout de même assez macabre et ce n’est certainement rien pour pavaner.

Le pire, c’est que certains passagers, voyant l’état d’enivrement évident du chauffeur, ont exigé de descendre du bus avant la courbe fatidique. Grand bien leur en prit! On dit aussi que la famille du chauffeur, dont tous les membres étaient assis devant, s’en sont tous tirés indemnes, tout comme le chauffeur d’ailleurs, au grand dam des autres passagers — pas ceux qui sont morts, je veux dire…

Je vous relate ce fait divers pour la simple raison qu’il illustre bien ce que je vous dis depuis toujours, il me semble, à savoir que les accidents arrivent et que, par définition, ils sont inévitables. Car un accident évité n’est pas un accident, mais un presque-accident, n’est-ce pas? Ainsi, si le chauffeur du bus avait réussi à prendre la courbe, même en dérapant légèrement, tout le monde en eût été quitte pour une belle frousse, personne n’aurait parlé d’accident et tout aurait été dit. Tandis que là, l’accident s’est réellement produit et le drame s’en est suivi. Dès lors, vous serez mieux en mesure de comprendre mon principe de ne jamais prendre la route une fois la nuit tombée, et ce, même si je suis parfaitement à jeun (vous avez compris que je précise la chose pour que, d’avance, les mauvaises langues puissent ravaler leurs sarcasmes et non parce que je commets régulièrement des abus d’alcool…). En effet, non seulement les obstacles habituels sont-ils toujours là, mais ils se fondent au décor et n’en deviennent que plus dangereux, nonobstant la puissance des phares de la voiture. Donc, s’abstenir — ou à tout le moins limiter les déplacements — reste encore la meilleure police d’assurance…

Pourtant, il faut parfois le faire et là, eh bien on fait ce que tous les Haïtiens font : on prie…

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