samedi 7 décembre 2013

Livres et consommation


Ce qui suit est un peu en complément à mon dernier texte (dimanche dernier). Un peu. Je n'ai pas envie de vous parler de Mandela, non pas parce que l’homme ne mérite pas les éloges qu’on écrit sur son compte, mais bien parce que je vous parie ma chemise que la plupart de ces beaux textes ont été préparés il y a déjà plusieurs mois, probablement du temps où il était bien malade et où tout le monde s’attendait à ce qu’il en meure. Mais on ne peut pas parler du type à l’imparfait quand il vit toujours, n’est-ce pas? Et donc il faut attendre qu’il soit mort, qu’il n’en ait plus rien à cirer, avant de l’encenser comme il se doit. Je trouve ça un peu agaçant… Mais bon. C’est le système qui le veut, alors…

En revanche, cette histoire de prix unique du livre, bien que sans rapport avec notre contexte haïtien, m’interpelle car le livre reste encore, pour moi, le véhicule essentiel non pas de la culture mais de l’imaginaire et l’idée derrière cette politique de prix unique devrait être de promouvoir le livre, de le rendre plus facilement accessible, c'est-à-dire moins cher n’est-ce pas? Eh bien non! Pas du tout! Car l’idée du prix unique, c’est pour empêcher Costco ou Wal-Mart de vendre un livre moins cher que les autres détaillants! Le raisonnement savant derrière cette volonté, c’est que si les prix sont les mêmes chez Costco que dans une petite librairie de quartier, les gens iront plutôt acheter dans cette dernière. Ben voyons! Costco, Wal-Mart et similaires sont des «grandes surfaces». Autrement dit, des endroits où l’on trouve de tout, aussi bien des rideaux de douche que des steaks, des kayaks de mer autant que des ordinateurs, des DVD et… des livres. Or, que l’on aime ou non ces grandes surfaces, il faut bien admettre que les prix y sont plus bas — oh! Pas tous, on s'entend, mais en bout de ligne, oui, on y fait des économies. Et je ne vois vraiment pas pourquoi ces économies ne devraient pas s’étendre aussi aux livres puisque l’intention de l’acheteur ici n’est pas de faire vivre un commerçant, mais plutôt de se procurer le produit désiré au meilleur prix possible. Et quoi qu'en dise mon cher Foglia, j'estime qu'il se trompe : «Je ne suis pas certain que [le projet de réglementation du prix du livre] aidera les librairies indépendantes, du moins cela empêchera les Walmart de se servir de la littérature pour vendre des rideaux de douche.» N'exagérons rien, de grâce. Le livre n’est rien d’autre qu’un produit de consommation et si vous ne me croyez pas, essayez de passer à la caisse sans le payer… Pour moi, consommateur, la seule chose qui m’intéresse, c’est le rapport prix-qualité. Et si je puis payer moins cher à qualité égale, je vais le faire sans hésiter. Or, on me dit que je vais maintenant devoir payer plus cher, pour que les petits libraires puissent survivre. Je trouve la couleuvre raide à avaler…

Et je ne suis pas seul. Lysiane Gagnon, Mario Roy et Alain Dubuc sont tous d’accord : l’idée est, au mieux farfelue, au pire, complètement tordue. Ainsi, pour Mario Roy, «Ça ne marchera pas.» Lysiane Gagnon est plus réservée: «Les gens qui auraient impulsivement acheté un best-seller en vente chez Costco et qui auraient peut-être ainsi pris goût à la lecture, se rabattront-ils sur une petite librairie de quartier? Douteux.» Quant à Dubuc, il n'y va pas par quatre chemins : «Le livre n'est pas une marchandise comme les autres, mais il reste un produit de consommation, soumis à des comportements bien documentés. Et qu'arrive-t-il quand le prix d'un produit est plus élevé? On achète moins. […] Et c'est ainsi qu'on risque de réduire l'achat de livres dans une société où on lit moins qu'ailleurs. Drôle de politique culturelle. Drôle de politique sociale.» Voilà une opinion que je partage tout à fait. Et qui confirme encore une fois que la politique, fût-elle canadienne, québécoise ou haïtienne est mue par des intentions obscures dont les citoyens et les citoyennes font toujours les frais, d’une façon ou d’une autre.

Mais y a-t-il dans ce constat quelque chose de nouveau sous le soleil?

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