vendredi 30 décembre 2011

Fin d'année



Décembre tire à sa fin, et avec lui, l'année 2011. Pfft! Évanouie 2011! Partie en fumée! Pourquoi a-t-on l'impression que, au fil du temps, les années passent de plus en plus vite? Le tempo ne s'accélère pas pourtant et nous sommes de plus en plus familiers avec les structures de travail qui sont les nôtres, alors non, ce n'est pas le rythme trop rapide... Alors quoi? Je serais tenté de dire : l'âge. En effet et comme je l'ai déjà lu quelque part, la perception du temps est, semble-t-il, liée au vécu. En d'autres termes, pour un enfant de 10 ans, un an représente 10% de son vécu; il s'agit donc d'une période passablement importante. En revanche, pour quelqu'un qui arrive à 60 ans, ce n'est que 1/60e, soit même pas 2% du vécu, si bien qu'on a alors l'impression que c'est peu de chose... Je trouve que cette explication sonne juste et j'y vois la raison pour laquelle «on ne voit pas le temps passer», comme le chante Ferrat... En tout cas, 2011, c'est pratiquement fini et déjà, c'est l'heure des bilans.

Pour nous, ce bilan est assez simple à faire : malgré un début d'année agité – je veux dire : politiquement agité –, nous avons eu une bonne année, tant sur le plan professionnel que sur celui social. Quelques petits accomplissements nous ont permis de nous sentir utiles à notre tâche, et mes retrouvailles avec ma vieille amie sont certainement à marquer d'une pierre blanche. Pour le reste, eh bien nous n'avons pas été malades (le rhume ne compte pas, évidemment), nous n'avons pas subi de dommages matériels ou humains, nous n'avons pas souffert, nous avons consolidé nos acquits, bref, une bonne année. Comme les années se suivent (en plus de s'accumuler, je veux dire) et ne se ressemblent pas toujours, je pense qu'il faut savoir reconnaître et apprécier celles qui sont meilleures que les autres...

Si bien que nous voici maintenant à l'orée d'une autre année, celle dont plusieurs croient dur comme fer qu'elle marquera la fin du monde... Propos eschatologiques, s'il en est... Vu comme ça, en théorie, ça ne tient pas la route, mais que connaissons-nous des forces cosmiques qui sous-tendent l'équilibre de notre planète? Pas grand-chose. Alors sans faire fi de ce que nous dit la science, je pense qu'il faut tout de même rester conscient de notre fragilité...

Pour ma part, je trouve plus intéressant le fait que le thème de la fin du monde excite et soulève les passions que l'événement lui-même. Car en cas de catastrophe totale (style Knowing encore plus que 2012), personne n'aura vraiment l'occasion d'ergoter sur la chose... Tandis que le fait que des gens s'intéressent au concept, veulent y croire même, en dit long sur leur degré de contentement, vous ne trouvez pas vous autres? Ou bien c'est qu'au cœur de tout homme sommeille un nihiliste... En tout cas, nous aurons l'occasion de voir ce qu'il en sortira, même si ce n'est qu'en fin d'année (21 décembre) que l'on prédit le clou du spectacle...

Cette prévision alarmiste et apocalyptique mise à part, personne ne sait au juste de quoi sera fait 2012, mis à part le fait qu'elle sera bissextile. Mais on peut assumer sans grands risques que l'histoire continuera de s'écrire sur la voie qu'elle a empruntée dans le passé, particulièrement en 2011. Or, si vous avez un tant soit peu suivi l'actualité internationale, vous savez comme moi que l'un des faits marquants de 2011, c'est indubitablement l'éclatement du monde arabe. Des fois, on dit que ça va mal en Haïti, mais regardez un peu les pays arabes et dites-moi lequel est enviable... Bien sûr, les racistes diront que ce ne sont que des Arabes après tout, et que s'ils peuvent tous s’entre-tuer, on ne s'en portera pas plus mal. Je ne sais pas pour vous, mais moi, ça m'effraie passablement, des idées comme ça... Car ces gens sont aussi nos frères et nos sœurs. Ces gens aspirent aussi à un monde meilleur et à défaut de les soutenir dans leur lutte, je pense qu'il faut tout de même penser à eux, penser à leur inconfort et souhaiter que la paix s'installe à nouveau dans leur pays et qu'ils puissent y vivre dans la quiétude et la sérénité.

En tout cas, 2011 n'est qu'un jalon de plus sur la route du temps, un de plus, c'est vrai. Mais je pense qu'il faut se réjouir que l'année se soit relativement bien passée. Un peu de gratitude ne nuit jamais...

vendredi 23 décembre 2011

23 décembre



Plusieurs parmi vous connaissent cette chanson de Beau Dommage, évocatrice de Noëls passés, révolus, d'une autre époque : «23 décembre, joyeux noël monsieur côté! salue ti-cul on se r'verra le 7 janvier!» Le 23 décembre était en effet la date butoir de la fin de l'école et du début des vacances de Noël, comme on les appelait alors, lesquelles duraient effectivement jusqu'à l'Épiphanie, le 6 janvier. Donc, oui, l'école recommençait le 7 janvier ou après – jamais avant. C'était donc un beau congé, un congé qui en valait la peine et qui nous donnait même hâte de reprendre les cours lorsque arrivait le 7 janvier.

Aujourd'hui, 23 décembre, pour nous, c'est également congé, mais pour des raisons différentes : il fallait bien souligner les Fêtes d'une façon ou de l'autre et puisque tout le monde s'attend à quelques jours de congé, pourquoi pas maintenant? En fait, nous nous sommes entendus pour deux longs week-ends, l'un de quatre jours (23-24-25-26 décembre), l'autre de cinq (30-31 décembre,1-2-3 janvier). Nous reprenons donc nos opérations «normales» le mercredi 4 janvier 2012, dont plusieurs disent déjà que c'est l'année de la fin du monde...

Cependant et comme je le disais dans mon texte précédent, l'ambiance du temps des Fêtes n'est décidément pas la même sous les tropiques. En tout cas, ici en Haïti. Cela dit, il faut quand même admettre que cette année, l'effort pour souligner les Fêtes est clairement visible, conséquence évidente de l'injection de fonds supplémentaires – les 40 millions de gourdes dont je vous parlais précédemment. Je vous disais, entre autres, que les décorations ici sont habituellement modestes sinon inexistantes. Eh bien cheminant de par la ville ce matin, on pouvait en voir ici et là, et l'effet est, ma foi, assez réussi. Quant à la propreté urbaine, on voit toujours des gens balayer à droite et à gauche et l'activité commence à porter ses fruits. Comme quoi un peu d'argent change parfois le monde plus qu'on le croit...

Et on se prépare...

Les échafaudages qui porteront le prochain spectacle sont en place, les énormes baffles en disant long sur ce qui s'annonce. Car la fête, quelle qu'elle soit, ne se passe pas sans musique, tout le monde sait cela. Or ici, la musique, c'est strictement et culturellement dehors, peu importe le voisinage, peu importe l'heure, peu importe les goûts musicaux des gens que le spectacle n'intéresse pas : la musique prend le plancher et célèbre l'occasion. Il faut en prendre son parti...

Mais pour le moment, toute cette effervescence reste contenue dans cette avant-veille de Noël. L'heure est proche, mais ce n'est pas encore l'heure. C'est demain, la nuit de Noël...

L'heure est plutôt aux vœux de belles Fêtes, remplies de joie et de sérénité. C'est ce qu'on vous souhaite. Oubliez les cadeaux : la paix seule vaut son pesant d'or. La paix et l'amour. L'amour, bien sûr, s'il en reste quelque part dans le monde... 


dimanche 18 décembre 2011

À l'approche de Noël


Noël s'en vient, je ne vous apprends rien, sauf qu'ici, il faut se le garder à la mémoire car les indicateurs de l'approche de l'événement ne sont pas nombreux : pas de musique de Noël dans les rues ou les commerces, pas de décorations – ou si peu – pas de Père Noël et pas de cette orgie de lumières qui rendent le décor si féerique dans nos pays nordiques. La vie ici est normale ou à peu près et tout le monde vaque à ses occupations comme d'habitude. Or, voilà qu'on m'apprend, avant-hier, que le gouvernement a débloqué la jolie somme de 400 millions de gourdes pour les Fêtes. Et 400 millions de gourdes, c'est environ $10,000,000 US, ce qui est tout de même une somme appréciable, nous serons d'accord là-dessus. Considérant la précarité des finances du pays, on peut se demander si la dépense est justifiée. En tout cas, les commentaires de mes camarades haïtiens étaient bien clairs sur la question : une aberration; une absurdité; un scandale même. Bref, on ne comprend pas.

Mais en lisant les détails de l'annonce dans cet article du Nouvelliste, on comprend mieux la raison de l'importance de la somme : il s'agit en effet de créer de l'emploi ponctuel, ponctuel certes, mais tout de même rémunéré, avec l'idée de donner aux gens une chance d'avoir un peu d'argent pour passer les Fêtes, diminuant d'autant le stress de n'en pas avoir. Je trouve pour ma part que l'idée se défend. Dix millions de dollars américains pour des décorations de Noël font certes beaucoup, mais dix millions pour créer de l'emploi immédiat, même temporaire, c'est peu, comme quoi tout est relatif. Bien sûr, il s'agit d'abord et avant tout d'un coup politique qui vise à acheter la paix. Et pourquoi pas? Je vous rappelle encore que le mois de décembre 2010 n'a pas été de tout repos et nous a maintenus dans une ambiance assez loin des réjouissances qui accompagnent habituellement Noël et la fin de l'année en cours. Personne ne savait comment 2010 allait finir ni comment 2011 allait démarrer. Or, bien que la popularité du président Martelly ne se démente pas encore, les problèmes restent toujours là et la frustration populaire monte. Une mesure pour faire baisser cette tension m'apparaît dès lors aisément justifiée dans le présent contexte, même si elle en coûte. Car je vous le dis les amis : Noël, c'est pour tout le monde, et bien qu'on veuille que ce soit d'abord une fête chrétienne, ce n'en est pas moins par définition une FÊTE et une majeure, une universelle, même pour les non-chrétiens; et comme toutes les fêtes, il faut la marquer d'une manière spéciale et – ça va de soi – festive. Et ça, ça veut dire dépenser un peu plus que d'habitude, tant pour les diverses administrations publiques que pour les particuliers. Pour nous, à titre d'exemple, c'est une bouteille de champagne – oh! Pas besoin de Dom Pérignon : juste un champagne, un vrai, pour que l'occasion sonne un peu plus spéciale...

Alors on peut émettre des réserves sur la décision politique de décaisser une telle somme à l'occasion de ces fêtes de fin d'année, c'est vrai, mais vue dans le sens macroéconomique, l'idée n'est pas mauvaise. L'argent ne fait pas le bonheur, nous le savons tous, mais son absence peut contribuer au malheur des gens, malheur exacerbé en périodes de fêtes quand «les autres» dépensent ouvertement. Or, ce malheur devient aisément source de frustration, elle-même source de tension sociale et d'éventuelles manifestations qui peuvent si aisément mal tourner. Je pense que les dirigeants haïtiens connaissent parfaitement cette mécanique et le déblocage de ces fonds vise probablement deux objectifs : accroître un tant soit peu le pouvoir d'achat des gens du peuple d'une part et limiter l'amertume du peuple de ne pouvoir participer aux fêtes comme il se doit. Une pierre, deux coups. Reste que ce n'est, à ce stade-ci, qu'un projet qui devra impérativement se concrétiser sous forme d'argent sonnant si l'on veut avoir une chance, une petite, d'atteindre ces deux objectifs. Et je pense que c'en vaut la peine. Le peuple mérite qu'on fasse des petites choses qui ne sont peut-être pas la solution aux problèmes chroniques, mais qui mettent un baume là où il a sa raison d'être. Parfois, le placebo fait des miracles...

En tout cas, lorsque nous sommes passés en ville hier après-midi, je vous jure que ça vous balayait les rues, messieurs dames, que c'en était beau à voir!...

mercredi 14 décembre 2011

Tout à refaire


Des fois je pense que je m’en viens un peu comme Foglia : à court d’idées et sur le pilote automatique. Et puis je m’arrête quelques instants, fais le tour des actualités haïtiennes et y déniche parfois un petit quelque chose qui me donne le goût de le partager avec vous.

Cette fois-ci, il s’agit d’un texte drôlement bien ficelé, dans le sens agréable à lire, que je vous recommande sans hésiter. L’auteur, un certain monsieur Gary Victor, se plaint de plusieurs choses (je vous laisse lire l’article), mais parle entre autres du marché de Pont-Sondé, un village que nous traversions fréquemment lorsque nous habitions Deschapelles. Ce village n’est pas grand-chose; mais son emplacement, juste à la croisée de routes importantes, en fait un centre mercantile majeur en tout temps, spécialement le samedi, jour du marché. En moto, notre moyen de transport de l’époque, on arrivait toujours à se faufiler; mais en voiture, c’était le bouchon total. Celui dont on ne sort qu’au bout d’une session intense de klaxon et de prouesses au volant, épuisé et dégoûté. C’est un peu ce que le monsieur relate et je vous le cite :
«Moi, j'aurais voulu que tout le gouvernement se rende un samedi matin à Pont-Sondé, au marché presque en plein air sur la route nationale numéro un avec cette nuée de marchandes assises à même le pont et ce nombre impressionnant de véhicules publics en mauvais état chargeant et déchargeant, dans le chaos le plus total, humains et marchandises. On peut y être bloqué plus d'une heure. C'est le spectacle le plus délirant auquel on peut assister dans un pays qui se glorifie de ses deux cents ans d'indépendance et de sa victoire sur le colonialiste.»
Comme on peut le voir, le monsieur a été impressionné… Mais ce qu’il veut mettre en lumière, c’est que si tout est à refaire, personne ne semble s’entendre sur la façon de structurer les étapes de cette réfection qui n’est pas seulement de la reconstruction, vous l’aurez deviné. Les structures politiques, l’étalement urbain, l’économie… sont autant de secteurs qui méritent une réorganisation majeure. Mais voilà : quand tout est majeur, par où commence-t-on? On établit un ordre des priorités, me direz-vous. Vrai. Mais je le répète : tout est prioritaire et il est parfois bien difficile de ne pas simplement mettre un sparadrap sur une blessure, une rustine sur une crevaison plutôt que de s’attaquer au vrai problème, comme on l'a fait dans notre cuisine. Je le sais, car c’est souvent ce que l’on fait ici : on temporise. On colmate la fuite, sachant très bien que ce n’est pas la solution, mais pour un court temps, la réparation suffit et cela seul compte. Le danger, c’est précisément lorsque ces réparations de fortune deviennent permanentes. L’exemple le plus criant en est certes ces camps qu’on a mis en place à la suite du tremblement de terre de janvier 2010. Eh bien ils sont toujours là, deux ans plus tard! Bien sûr, tout le monde s’en offusque, bien sûr, tout le monde s’entend pour dire que ça n’a pas de bon sens, mais pendant ce temps, les tentes et divers abris de fortune prennent racine, avec tous les inconvénients que cela suppose… On pourrait dire qu’ils se «permanentent» et pas dans le sens de friser, si vous me suivez…

Mais ça va se résoudre. Et le reste aussi. Haïti n’est jamais pressé. L’essentiel est que tout se passe dans une paix relative, suffisante pour que chacun puisse vaquer à ses occupations ordinaires sans avoir peur de se faire trucider — accidentellement ou intentionnellement. Si vous vous souvenez de décembre 2010, vous savez que ce fut un mois «chaud» (sens créole) qui nous a maintenus sur la corde raide bien au-delà de la fin de l’année… Cette année-ci se passe mieux, tout le monde respire et tout le monde attend.

Attend quoi? Bien tout, justement. Puisque tout est à refaire...


samedi 10 décembre 2011

Lunatique, dites-vous?

Vous le savez si vous suivez ces chroniques un tant soit peu : j’aime les phénomènes astronomiques. Il me semble qu’ils nous remettent dans une perspective plus réaliste en nous faisant comprendre que nous ne sommes, en bout de ligne, qu’une partie négligeable de ce que les grecs nommaient, fort à propos, le cosmos (l’ordre), par opposition au chaos, le désordre. Or, l’astronomie nous montre bien que oui, l’univers est ordonné, qu’il obéit à des lois que nous ne connaissons pas toutes mais qui n’en fonctionnent pas moins. Ainsi, nous savons tous maintenant que la lune tourne autour de la terre sur un cycle de 29,53 jours, lesquels se subdivisent en quatre phases correspondant à la croissance / décroissance de la quantité de lumière qui nous est perceptible, vue de la terre. Le sommet de cette croissance lumineuse, c’est la pleine lune, vous avez tout compris.

Je ne sais pas pour vous, mais personnellement, j’adore les pleines lunes, surtout pour les jeux de lumière qu’elles créent sur le monde qui nous entoure. Une pleine lune en plein hiver, quand il fait moins 20, c’est carrément une scène extraterrestre. Dans le désert, c’est surréaliste. Ici, sous les tropiques, c’est tout simplement magnifique. La pleine lune défie la nuit… et gagne! L’obscurité se tapit dans un coin tandis que la lumière laiteuse prend tout le tapis.

Les pleines lunes sont omniprésentes dans le folklore des différentes cultures, et pour cause : difficile de ne pas remarquer l'astre dans un ciel dégagé et sa lumière qui, toute réfléchie qu'elle soit, reste toujours de cette texture éthérée, surréaliste. Difficile de ne pas prêter à cette lumière des effets bizarres sur l’humain, comme celui de changer les hommes en loups-garous... Ces prétentions font sourire, mais elles ont tout de même nourri la croyance populaire pendant des siècles et même aujourd'hui, certains, et pas des plus cons, continuent toujours de croire que la pleine lune altère le comportement des humains à des degrés divers. D'après ce que j'en ai lu, ces croyances sont non avérées : il semble n'y avoir aucune corrélation entre la pleine lune et les changements d'humeur, les menstruations ou les accouchements. Mais en ce qui me concerne, j'ai toujours noté une poussée de croissance de mes ongles et de mes poils dans les jours qui précèdent la pleine lune, et ça, aucun scientifique ne me dira le contraire. Évidemment, ça ne change pas ma vie, mais bon, c'est tout de même une influence lunaire, n'est-ce pas?

Existe-t-il une relation spéciale entre la culture haïtienne et la lune? Pas que je sache. Mais la lune est universellement associée à la sorcellerie, alors je ne serais pas surpris que le vaudou l'ait récupérée à son avantage... Cependant, pour les gens ordinaires, il ne s'agit que d'une lune ronde ou d'une grosse lune, comme on dit encore. Chose certaine, elle est bien visible dans ce pays où les lumières publiques ne polluent certainement pas la voûte céleste nocturne... Si bien que, si la conjoncture s'y prêtait, nous aurions droit ce soir à un spectacle de toute beauté : une éclipse totale. Mais bien malheureusement, ce ne sera pas pour nous, sauf peut-être brièvement lorsqu'elle se couchera... Une autre fois peut-être? La prochaine éclipse totale est prévue pour le 15 avril 2014... Mais où serons-nous?

Mais pourquoi vous parler de la lune si ce n’est pour vous parler de la beauté de cet astre de la nuit? Car je vous le redis, une pleine lune tropicale, c’est assez spécial — non pas la lune elle-même qui n’est qu’un gros projecteur fixe, mais l’éclairage qu’elle jette sur l’environnement, le rendant à la fois mystérieux et serein, captivant et apaisant. Une vision d’une grande beauté qui vous réconcilie avec les petits aléas de la vie quotidienne et qui invite à contempler plus loin que le bout de son nez, vers cet infini que nous ne connaissons pas mais qui n’en existe pas moins, sans raison aucune, sauf peut-être pour amuser l’artiste qui l’a créé…

Et non, je ne suis pas lunatique, enfin pas tant que ça...


mercredi 7 décembre 2011

Respect


Permettez-moi aujourd’hui d’aborder un sujet plus sérieux que celui de la réfection de notre cuisine. Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de respect. Oui, je sais, j’ai souvent survolé le thème au fil de ces textes, mais en lisant, lundi dernier, la chronique de mon ami Foglia sur la décivilisation, j’y ai vu une belle occasion de m’arrêter un peu sur le sujet. Mais d’abord, que je vous cite Foglia :
«Aujourd'hui, dans les écoles, on parle énormément de respect. En ce temps-là [années 50], on n'en parlait pas, le respect venait avec l'air qu'on respirait. Je ne sais plus où j'ai lu que l'école d'aujourd'hui est l'école du respect (enseigné comme le français et avec autant de succès), alors qu'hier on avait le respect de l'école, le reste coulait de source.»
Je n’ai pas ici l’intention de faire le procès de la société québécoise (lire nord-américaine) dans ses rapports avec les jeunes. Encore moins celui de faire le procès des structures scolaires et du laxisme dont on les accuse. Mais le fait est : le respect s’en est évaporé. Pfft! Disparu dans l’air du temps, dans le changement de siècle ou de millénaire si vous préférez. Pourtant, le respect s’apprend, mais pas de la même façon que le français ou les mathématiques. Car non, le respect n’est pas inné. Il se développe et s’intègre aux rapports qu’on établit avec les autres. Sans le respect, la critique s’aiguise, blesse, tue. Les imperfections de l’autre deviennent autant d’irritants que l’on attaque à coups de machette ou de propos ignobles : l’autre a tort du seul fait qu’il n’est pas comme moi. Tu parles...

Pourtant, ici en Haïti, le respect est encore de mise. Dans les écoles, à l’église, dans les bureaux officiels, chez le médecin ou l’avocat, les gens respectent non seulement l’autorité inhérente à ces lieux, mais aussi ceux et celles qui la personnifient. Question d’apprentissage? Si l’on peut dire. Si l’on accepte que le mot soit ici synonyme d’éducation. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : ici, on éduque encore les enfants, à la maison et surtout, à l’école. On leur dit ce qui est bien, ce qui est mal; ce qui est correct, pas correct. Bref, vous me suivez. (Petite parenthèse ici : il est tout de même drôle que l’on parle encore et toujours au Québec du ministère de l’Éducation alors que cet aspect de la mission scolaire soit si négligé… Fin de la parenthèse.) En Haïti, les enseignants, qu’on appelle encore «maîtres» enseignent tant bien que mal, c’est vrai, mais sont toujours respectés, tant des enfants sous leur charge que des adultes, parents ou autres. Ici, d’un enfant non respectueux des consignes des adultes, on dira qu’il est «malelve» (mal élevé), épithète que même les petits voyous n’apprécient guère… Il n’empêche que les enfants apprennent tôt le respect qui devient rapidement un substrat culturel qui reste toute la vie.

Le respect est aussi, à notre petit hôpital, une valeur fondamentale de notre relation avec les employés. Le code du travail haïtien est on ne peut plus clair sur la question : les obligations du travailleur imposent de «traiter son patron et ses camarades de travail avec respect » et celles de l’employeur stipulent qu’il doit «traiter le travailleur avec respect en ayant soin de ne lui infliger aucun mauvais traitement, verbal ou de fait.» J’en fais ici un point d’honneur. Pas pour avoir l’air de, mais parce que je crois sincèrement en cette valeur, tout comme je crois qu’on doit s’efforcer de traiter les autres comme on s’attend à être traité. C’est la règle d’or libellée sous sa forme affirmative. Le respect, dans cette perspective, devient affaire de gros bon sens : on le donne parce qu’on le veut pour soi-même. Et je puis vous dire que ça marche.

Tout ça pour vous dire que, même si rien n’est jamais facile en ce pays, il y a tout de même des choses qui vont mieux qu’ailleurs. Ça me paraît digne de mention.

dimanche 4 décembre 2011

Une sortie mondaine



Ici en Haïti, nous ne sortons pas souvent. D'abord les occasions ne sont pas si fréquentes que ça, puis une sortie le soir implique de conduire alors qu'il fait nuit, une chose que j'abhorre et que je crains – non sans raison, croyez-moi; enfin, nous sommes habituellement vannés en fin de journée et une sortie, quelle qu'elle soit, ajoute encore à cette fatigue.

Mais vendredi dernier, l'occasion valait le déplacement : notre nouvel ambassadeur, Paul-Henri Normandin, était de passage dans la région et avait invité les Canadiens de la zone à un 5 à 7 informel à un hôtel des Cayes. Le 5 à 7 se déroulait en fait entre 16h30 et 18h30, une plage horaire tout à fait convenable pour nous alors on s'est dit : pourquoi pas? Surtout que ce n'est pas tous les jours qu'un tel événement se produit...

Il faut que je précise ici que les Canadiens en général, incluant les Québécois en particulier, sont assez bien représentés au sud du pays. Il y a plusieurs projets plus ou moins politiques, plus ou moins étalés dans le temps qui rassemblent des gens de divers domaines de compétence. Mais nous ne nous côtoyons pas nécessairement. Certains sont plus grégaires que d'autres, certains préfèrent la compagnie d'Haïtiens, d'Américains, de Français, d'Italiens, certains sont seulement un peu sauvages... Si bien que les occasions de rencontrer les autres Canadiens que l'on sait actifs dans la région ne sont pas si fréquentes qu'on pourrait le croire. Alors l'invitation de l'Ambassade du Canada était appréciable à plus d'un titre, mais surtout pour faire connaissance avec le nouvel ambassadeur, le troisième depuis notre arrivée aux Cayes.

Personnellement, ces fonctions officielles de haut niveau ne m'attirent ni ne m'enchantent et j'ai une admiration bien sincère pour ceux et celles qui peuvent s'y sentir à l'aise suffisamment pour faire le travail requis et aussi pour que nous, petites gens bien ordinaires, puissions aussi nous sentir à l'aise en leur présence. Paul-Henri Normandin est l'un de ces hommes. Simple, chaleureux, cordial avec tout le monde, l'homme m'a immédiatement plu, ce qui n'est pas une réaction automatique de ma part, je vous le précise, surtout envers des personnages officiels. Nous avons bavardé avec un peu tout le monde et finalement, à l'heure dite (18h30, je vous le rappelle), nous avons quitté l'hôtel. Sans cérémonie. Alors, me direz-vous, kossa donne? Rien. Rien d'autre que le plaisir de faire connaissance avec des gens biens. Pourquoi faudrait-il que, parce qu'on rencontre le digne représentant du Canada en Haïti, l'on en tire un profit quelconque? L'ambassade est là pour nous assister, certes, mais assister n'est pas synonyme de se faire siphonner et je vois mal que ces occasions devraient servir à quémander, comme certains le croient, non sans arrogance d'ailleurs.

Cela dit, il y aurait long à dire sur la présence canadienne en Haïti – je parle ici de la présence politique – car elle est assez visible et plutôt bien acceptée. Les relations canado-haïtiennes sont cordiales et relativement efficaces et je pense que c'est une bonne chose pour nous, personnellement. En passant, je n'ai aucune fierté de dire que je suis Canadien ou Québécois et d'où viendrait cette fierté, je vous le demande? On ne choisit pas l'endroit où l'on naît : on compose avec, tout simplement. Je considère avoir eu beaucoup de chance en naissant dans ce pays d'hiver, mais tout comme la personne qui gagne à la loterie, on n'a pas à être fier d'avoir été favorisé par le sort. Ce qui ne m'empêche nullement d'apprécier ce privilège, car oui, c'en est un : parlez-en à n'importe quel Haïtien, si vous en doutez...

Quoi qu'il en soit, l'ambassadeur du Canada est un homme charmant qu'il nous a fait plaisir de rencontrer, juste comme ça. C'était ce que je voulais vous dire, tout simplement.


mercredi 30 novembre 2011

Radoub


Vous le savez maintenant – je pense que je l'ai répété ad nauseam – l'une de nos tâches en ce pays, l'une des plus importantes je pense, c'est de veiller à ce que tout marche comme il se doit. Or, les équipements et les infrastructures de notre petit hôpital accusent leur âge et l'on doit par conséquent s'efforcer d'étirer leur espérance de vie avant de changer, refaire ou reconstruire. Ainsi en est-il de nos voitures, qui ont vu le mécanicien plus souvent que le chauffeur (presque) et de certaines de nos constructions. Mais quelquefois, l'opération cosmétique ne suffit plus et il faut se résoudre à remplacer (voir l'affaire de la nouvelle génératrice) ou refaire. Cette fois, c'est la maison que nous habitons qui fait l'objet de notre attention.

Pour ceux qui ne le savent pas, il s'agit d'une maison plutôt spacieuse, conçue et construite initialement pour les sœurs qui, jadis, demeuraient et travaillaient à notre hôpital. Mais à la grande déception de la fondatrice et constructrice de la maison, les sœurs n'ont jamais voulu habiter cette grande maison, qu'elles jugèrent trop isolée, pas suffisamment sécuritaire, inutilement loin de l'hôpital (3 minutes à pied) et donc, inintéressante à tous égards. Si bien que lorsque nous sommes venus pour la première fois, la maison était inhabitée et ne l'avait jamais vraiment été. Nous l'avons prise comme elle était et y avons fait notre niche, comme on dit en créole. Et nous l'avons peu à peu améliorée, pour en faire un logis tout à fait convenable.

Cependant, depuis quelque temps, nous songions à nous attaquer à la cuisine qui était vraiment trop perméable aux fourmis et autres petites bêtes similaires qui y avaient élu domicile. Et comme de surcroît nous étions un peu fatigués des couleurs fades qui l'habillaient, nous avons décidé d'en changer la céramique et de refaire les armoires supérieures. Jusque là, rien de majeur, me direz-vous, et vous auriez raison en temps normal. Mais dans le présent contexte, vous avez tort. Car ici, tout est en béton et défaire représente une tâche non seulement physiquement exigeante, mais ingrate, malpropre, bruyante et fastidieuse. Bref, la première étape, la démolition, est pénible sur tous les plans. Radoub majeur (en passant, que voilà un joli mot issu du vocabulaire maritime de nos ancêtres et que l'on prononce *radou.). Depuis lundi dernier donc, nous en souffrons les inconvénients, sans trop nous plaindre, galvanisés que nous sommes par les résultats à venir, bien que ce soit encore un avenir incertain...

Tout de même, le travail progresse. Dans la bonne humeur haïtienne habituelle, excessivement ponctuée de discussions aussi futiles que passionnantes pour les divers protagonistes. Même Éraise s'en mêle et y va de son grain de sel que les gars apprécient à sa pleine valeur d'assaisonnement. Et les éclats de rire volent tout comme les débris de l'ancienne céramique : dans l'insouciance générale...

Certes, certains diront sans doute que ces travaux restent bien insignifiants en regard de la reconstruction du pays et qu'ils ne méritent guère plus qu'un simple «post» sur Facebook. Mais c'est faire preuve de courte vue. D'abord, le travail mérite d'être fait. Et j'ajouterai : bien fait, une exigence peu courante en Haïti où les pseudo-spécialistes pleuvent. J'exige une certaine qualité de travail et n'hésite pas à faire reprendre une étape que j'estime bâclée. Eh bien croyez-le ou non, non seulement ne m'en tient-on pas rigueur, mais encore, on apprécie de s'initier aux standards «blancs». Hier, j'en faisais la remarque au poseur de céramique, lui disant qu'il y a autant de bons ouvriers ici en Haïti qu'au Canada ou en France ou n'importe où ailleurs, la différence étant souvent dans la connaissance de ces standards ergonomiques répandus unanimement. J'estime donc contribuer, bien modestement mais pas moins réellement, à l'amélioration de leurs compétences techniques et à l'intégration de ces compétences. Puis, il y a le facteur monétaire : les ouvriers travaillent et sont payés pour le faire et ne s'en trouvent pas plus mal, c'est évident. Enfin, il y a la bonhomie, le contact simple d'êtres humains qui œuvrent à un même dessein, sans compétition, sans stress, sans rivalité. Et ça, tout le monde apprécie, moi le premier, je vous le dis tout net.

Non, ce n'est pas un monde parfait. Mais qu'en avons-nous besoin? Une céramique neuve et tout va déjà mieux...

mercredi 23 novembre 2011

L'ami des bêtes


Vous le savez sans doute, si vous êtes un tant soit peu assidus de ces chroniques, je suis l’ami des bêtes. Surtout lorsqu’elles sont inoffensives et sans défense, comme cet âne que nous avons recueilli et que nous hébergeons toujours. Ou comme cette mygale emprisonnée dans notre chambre à coucher et qui ne demandait qu’à quitter ces lieux inhospitaliers. Mais la bête qui nous accroche le plus reste sans conteste le chien, qu’on décrit parfois comme «le meilleur ami de l’homme». Eh bien, je puis vous dire : pas ici en Haïti. Les chiens sont au mieux, traités avec indifférence, au pis, craints et chassés à coups de bâton ou lapidés.

Mais depuis que nous sommes ici, j’ai prêché par l’exemple, prenant le temps d’établir quelques liens amicaux avec les deux chiens qui ont maintenant élu domicile à notre hôpital. La chienne d’abord, puis le chiot qui a presque atteint sa majorité mais qui reste chiot dans son âme canine et dont la seule raison de vivre semble de jouer, de courir, de dormir et de manger. Mais tout le monde s’est pris d’affection pour ce bon toutou et personne ne le maltraite puisqu’il n’y a pas raison de le faire. Or, ce chien a la fâcheuse habitude de se coucher sous l'une ou l'autre des voitures pour faire l’une de ses quatorze siestes quotidiennes. C’est ainsi qu’est arrivé ce qui devait arriver : la voiture sous laquelle il dormait nonchalamment s’est déplacée et lui a passé sur le corps. Bon vous me direz que c’est un jeune chien, qu’il a les os encore tout caoutchoutés et que, par conséquent, il n’a pas dû en souffrir trop. Mais c’est lourd une voiture. Si bien que même si ses os sont intacts, le pauvre animal s’est fait esquinté la patte et depuis, ronge son frein (pas celui de la voiture voyez comme il n’est pas rancunier) en attendant que le mal s’estompe.

Mais aujourd’hui, je me suis décidé à faire venir le vétérinaire qui lui a fait quelques piqûres, pour faire bonne mesure. On verra ce que ça donnera. Et puis j’ai pensé qu’il valait mieux emmener le chien à la maison, histoire de lui permettre de mieux récupérer. La tête des gens! Le Blanc qui porte dans ses bras un jeune chien de 60 livres et le chien qui se laisse faire! Tout un portrait! Les sourires entendus et polis en disaient long sur ma douce folie... Mais la leçon porte ses fruits, justement parce qu’elle fait la preuve que le chien n’est pas mauvais, même blessé. C’est tout un exemple!

Il va sans dire que les Haïtiens ne sont pas délibérément méchants avec les chiens, mais ne font rien pour s'attirer leurs faveurs. Pourquoi en effet se soucier des bêtes lorsque les humains n’ont souvent pas accès au strict minimum vital? Simple question de priorité, on sera d’accord là-dessus. Alors l’ami des bêtes, oui, mais sans pousser, sans exagérer.

Il n’empêche que ces bons rapports avec le chien m'invitent à parler de ce principe cher à Schweitzer et dont l’hôpital du même nom à Deschapelles a fait sa devise : "Ehrfurcht vor dem Leben" ou "Révérence pour la vie" (en anglais). Pour un hôpital, avouez que ça sonne bien, même si en bout de ligne, c’est un principe plutôt évident : on voit mal un hôpital qui ne se soucierait pas de l’état de santé de ses malades... Quoique, en certains endroits… mais passons. Schweitzer, quant à lui, a poussé plus loin cette idée de révérence, de respect profond et l’a appliquée sans réserve à tout ce qui était animé de vie, incluant les animaux, bien entendu. Bel exemple à imiter, s’il en est un. Mais pour mes proches haïtiens, ce n’est pas tant le principe qui vaut comme les résultats qu’il donne. Donner de l’amour, même à un chien, et voir que même le chien le rend spontanément en étonne plusieurs. Et quand je demande : «Mais vous, que préférez-vous? Un sourire ou un coup de pied?»  Rires jaunes…

samedi 19 novembre 2011

Refait!


Je remonte. Doucement, je refais surface. Prise dans les brumes fébriles, ma pensée errait, sans fil conducteur, sans énergie, sans tonus. Mais aujourd'hui, ça va mieux. La tête me tourne toujours un peu, mais pas trop et l'horizon ressemble à ce à quoi un horizon doit ressembler : une ligne horizontale relativement fixe. La descente au purgatoire s'achève, les muqueuses se replacent, la fièvre se dissipe, la pensée se réorganise. Bref et comme on dit en créole «m'refè», me voilà refait... ou presque.

Si vous n'avez pas deviné, je vous parle ici de ma dernière chute rhinovirale, mieux connue sous le nom de grippe. Malade, votre auteur préféré! Oh pas au point d'en faire tout un plat – vous connaissez mon stoïcisme, maintenant –, mais suffisamment pour altérer mes journées habituelles, suffisamment pour que je me retire même dans mes quartiers privés pour faire un petit somme en pleine journée, c'est vous dire...

«Une vraie grippe d'homme?», m'a demandé avec une malicieuse compassion (!) l'une de mes proches. Une grippe d'homme? Hmmm... Je ne sais pas pour vous, mais j'ai cru déceler dans la formulation une certaine ironie, comme si une «grippe d'homme» n'était en bout de ligne qu'un motif à raillerie, comme si nous, les hommes, faisions exprès pour être malades afin d'attirer la commisération féminine. Ce que ma chère compagne a, de son côté, confirmé sans hésiter : une «grippe d'homme», ce ne peut être qu'une grippe de «moumoune». Pour les non-Québécois, je précise que «moumoune» est un péjoratif pas trop méchant, mais sur le modèle de la suffixation en -oune, rien pour être fier. «Ti-coune, ti-zoune, toutoune, bouboune (non, ça c'est créole), poupoune, nounoune...» ont tous la même connotation moqueuse et quelque peu condescendante. Donc, une grippe de «moumoune», ce n'est pas une grippe qui mérite qu'on s'y attarde. Et vlan!

Or, il me semble qu'en ces pénibles occurrences où la santé s'étiole, un peu de compassion – authentique, je veux dire – serait de mise. Même pour nous, mâles imperturbables dans l'adversité. Un sourire bienveillant, un baiser tendre sur la joue (attention au virus, quand même), un regard attendri... un rien suffirait! Mais hélas!... On nous nourrit d'ironie...

Heureusement, mes compagnons haïtiens, eux, comprennent la nécessité de compatir. Un peu trop sans doute, mais bon, rien n'est parfait, vous le savez trop bien. Mais ils sont là, me retiennent la main qu'ils viennent de serrer (!) en me demandant comment je vais et en m'enjoignant de me soigner, de prendre du repos et de boire du thé amer. Oui, oui. Du thé amer. C'est, paraît-il, la panacée bien connue contre ce mal inévitable. Le remède qui vous remet sur pied en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Je n'ai pas osé demander ce qu'un thé sucré pouvait faire comme différence, car ici, on ne rit pas avec les médications : on les suit rigoureusement. Peut-être l'amertume suffit-elle à purger le mal?... Car enfin, qui voudrait d'un thé ou d'un café sans sucre? (Nous mis à part, bien entendu...) Donc, le thé amer... Que je n'ai pas pris, je le confesse ici, préférant m'en remettre au vin rouge qui lui, a fait ses preuves dans le passé et ne se dément pas. Mais bon, on ne peut tout de même pas débuter la journée au vin rouge, hein? Alors j'ai souffert, stoïquement je le redis, en attendant que les muqueuses se replacent et que l'homéostasie retrouve ses paramètres habituels. Et ça s'en vient, là. Pas encore tout à fait terminé, mais sur la bonne voie.

Alors oui, quoi qu'en pensent quelques femelles à l'esprit retors, l'homme a eu sa grippe et a su y faire face en homme, sans courber l'échine, sans fléchir, sans gémir ni pleurer. Tout comme Lancelot ce «bon chevalier courtoi [qui] met sont habilité au combat en tout les sens.» (sic et heureusement anonyme), il en sort aujourd'hui vainqueur. Et toujours modeste avec ça.

Et pour faire bonne mesure, le ragoût de patte de cochon...

vendredi 18 novembre 2011

Un autre congé


Aujourd'hui, c'est congé! Un autre, yééé! Mais celui-ci n'est pas bidon : l’événement historique qui le sous-tend le mérite amplement. Car il s’agit de la commémoration de la bataille qui a changé l’histoire d’Haïti en lui faisant accéder, quelques mois plus tard, à l’indépendance. C’était au début du 19e siècle. D’ailleurs, je vous réfère à Wikipédia sur le sujet, car bien que court, l’article situe bien l’événement et campe les protagonistes avec justesse, surtout Campois-la-Mort, dont la prestation héroïque a sans doute contribué à la reddition française. D’ailleurs, je vous cite Wiki, en anglais, cette fois, mais bon, je pense que vous allez vous y retrouver : "The Battle of Vertières marked the first time in the history of mankind that a slave army led a successful revolution for their freedom."

Mais ce n’est pas d’Histoire dont je veux vous parler aujourd’hui, pas de celle passée, mais bien de l’Histoire à venir, celle qui n’est pas encore écrite et qui, peut-être, fera beaucoup parler dans cent ans. Ou peut-être pas. On n’en sait rien, vu qu’elle n’est pas écrite… Mais il n’empêche que c'est en ce jour historique que le président Martelly a choisi de doter à nouveau le pays d’une armée. L’article de cyberpresse d'hier nous apprend, entre autres choses, que ce faisant, Martelly rompt avec une période de 17 ans sans armée, ce qui n’est quand même pas rien. Pourquoi une armée? Certainement pas pour faire la guerre, on s’en doute et Martelly lui-même s’en défend bien. Il s’agit d’une armée pacifique dont la fonction première restera de suppléer les forces onusiennes qui sont devenues une véritable épine au pied national et dont il faut se défaire «au plus sacrant», comme on dit par chez nous. Mais on ne peut pas faire ça brusquement, ce serait contraire aux règles diplomatiques les plus élémentaires, alors on se trouve une raison et comme ça, les susceptibilités sont indemnes. Si le président Martelly réussit à implanter une armée — ou en tout cas ce qui en tiendra lieu —, il pourra dès lors remercier publiquement les forces de l’ONU, la trop fameuse MINUSTAH, sans que personne n’y trouve à redire, car la nouvelle armée haïtienne s’occupera justement à faire le travail de l’autre. Quoi de plus naturel à ce qu’un pays utilise ses propres ressources humaines plutôt que celles du voisin?

Jusque là, ça va. Mais là où ça se gâte, c’est dans l’application pratique. Car le pays est bien fragile, tout le monde le sait, et les forces de l’ordre sont complètement dépassées par l’ampleur du travail à faire. La MINUSTAH ne fait pas de miracles de ce côté, mais elle contribue justement au maintien minimal de l’ordre, évitant les grands dérapages qui pourraient ébranler le pays plus que le dernier séisme. La nouvelle armée pourra-t-elle remplir ce rôle? Pas vraiment, et pas par manque de courage comme par manque de moyens matériels. Et d’entraînement des recrues, bien entendu. Or ces choses coûtent cher. Très cher. Non, je n’ai pas de chiffres à vous donner, mais tout le monde sait qu'une armée équipée représente un investissement colossal. Forcément. Alors on peut se poser la question : mais où prendra-t-on l’argent pour supporter cette armée? Comment peut-on penser que l’État haïtien pourra simplement payer ses militaires alors que les enseignants voire les médecins passent souvent des mois sans toucher leur salaire? Or, que fait une armée sans solde? Elle se fâche, prend ses armes et les met à la tempe de son patron. En tout cas, c'est un peu le portrait de l’histoire de l’armée en Haïti et la raison pour laquelle Aristide avait choisi de la démanteler en 1995 : il avait eu sa leçon... Alors je ne sais pas pour vous, mais pour moi, je vois dans l'instauration de cette nouvelle armée, un certain risque, risque que la MINUSTAH, malgré toutes ses faiblesses, n’a jamais pu représenter...

Mais tout comme le "Delendae est Carthago" de Caton, le moto du pays c'est «La MINUSTAH dehors», ce que tout le monde appuie sans réserve, semble-t-il...

samedi 12 novembre 2011

Une autre nouvelle génératrice


Et puis? Qu'en dites-vous? Pas mal, hein! Car oui,, la photo ci-dessus représente bien notre dernière acquisition : une génératrice de 110 kW de puissance nominale, de quoi alimenter un village ou presque! Si vous vous souvenez – et si vous ne vous souvenez pas, eh bien je vous le rappelle ici – je vous ai déjà parlé de génératrice il y a de cela plusieurs années – tempus fugit, je vous l'ai répété à maintes reprises – à l'occasion de l'achat d'une nouvelle. Et non, elle ne nous a fait pas défaut encore. Ça va se produire un jour, c'est sûr, mais pour l'instant, elle nous procure toujours un excellent service. Pourquoi cette nouvelle machine donc? Par simple précaution. Certes, comme je vous l'ai mentionné jadis, le courant est normalement fourni par la compagnie d'électricité nationale, l'EDH (Électricité d'Haïti, sur le modèle français de l'EDF), mais la régularité laisse à désirer et la génératrice devient alors la source d'énergie nécessaire à nos opérations. Mais une suffit largement, n'est-ce pas? Alors pourquoi la seconde? Je viens de vous le dire : par simple précaution. Imaginez que vous êtes sur la table d'opération pendant que le médecin est en train de vous rectifier l’œil. Or, tout à coup, plus de courant! Plus de lumière, plus de moniteurs, plus de climatisation, plus rien! Avouez que ce n'est pas un scénario tellement réjouissant. Alors on met toutes les chances de notre côté pour qu'une telle situation ne se produise jamais.

Et puis celle-ci possède une caractéristique absente chez l'autre : un caisson silencieux. J'avais décliné l'option en 2008 tout simplement parce que le modèle désiré n'en était pas muni et qu'il aurait fallu attendre quelques mois pour l'obtenir. Et puis, je me disais : «Est-ce que c'en vaut vraiment la peine?» Car ce n'est pas donné. Mais les amis, je vous le dis : c'est le jour et la nuit! Comme quoi il faut parfois prendre le temps de bien choisir...

Cela m'amène à vous glisser un mot à propos du coût de la machine. Tout comme l'autre, achetée en 2008, on parle ici d'une affaire à $25,000 US, si l'on arrondit la somme. Or je ne sais pas pour vous, mais pour nous, $25,000 c'est un joli paquet. Pourtant, cette fois comme la fois précédente, les patrons ne sont nullement fait tirer l'oreille pour autoriser le décaissement des fonds et aussitôt que je demande la somme, en moins de 48 heures, elle est déposée dans notre compte à la banque. Je considère que, sans être un exploit, c'est tout de même une belle démonstration que dans ce pays que l'on dit totalement inefficace, certaines choses fonctionnent plus qu'adéquatement et les transferts bancaires en sont un bel exemple.Et, bien sûr, du soutien des patrons en ce qui a trait aux achats matériels.

Quoi? Vous voulez savoir si j'ai négocié le prix comme je le fais habituellement? Non, pas vraiment. Juste le transport qui normalement coûte mille dollars et que je me suis fait offrir en prime. Vous allez me dire que c'est peu, car je sais que pour vous, $1,000 c'est pas grand-chose, mais pour nous, c'est quand même une belle petite somme. Même si ce n'est pas notre argent personnel, on essaie tout de même de minimiser les dépenses institutionnelles. Oh! Pas pour les compliments patronaux!... Simplement question de principe...

Si bien que, tandis que je vous écris ces lignes, le delco, comme on dit en créole, ronronne comme un gros matou au ventre plein et satisfait tout le monde (pas le matou, là!). Reste à savoir s'il pourra passer l'épreuve du temps et nous donner un bon rendement pendant les 10,000 heures de service qui constituent sa performance nominale, soit environ une dizaine d'années. Serai-je encore là pour vous donner la suite de l'affaire? Mmmm... Question épineuse s'il en est une... Vu mon âge avancé, la chose paraît tout de même aléatoire...

Mais comme on dit ici, Bondye konnen...

vendredi 11 novembre 2011

11-11-11


La numérologie, ça vous dit quelque chose? Et l’apophénie? Bon coupons au plus court : 11-11-11, la date de ce jour, vous y êtes maintenant? C’est que pour plusieurs, cette séquence du nombre 11, nombre premier, s’il en est un, est certainement significative et probablement porteuse d’un message à saveur cosmique. L’apophénie, c’est ça : cette manie de voir des patterns là où il n’y a, en fait, que des occurrences plus ou moins fortuites. Les formes des nuages ou des montagnes en sont des exemples. J’avoue pour ma part ne pas avoir cette imagination. Bien sûr, comme tout le monde, je vois dans le dessin ci-dessous un visage, même s’il ne sourit pas.

Quant à la photo ci-dessus, même s'il s'agit d'un caprice géologique, il est difficile de ne pas y voir un profil quelconque, homme ou bête, c'est selon. Bon, ça, c'est assez évident. Mais les formes dans les nuages, non. Dès lors, je ne suis pas vraiment sensible aux visions apocalyptiques que des séquences numériques pourraient suggérer. Mais ça n’empêche pas d’autres d’y croire et de s’en sentir concernés… C’est comme la fin du monde annoncée pour le 21-12-12. Vous y croyez, vous? Eh bien pas moi. Tout ça ce n’est que pure fantaisie.

Pourtant, on peut se demander pourquoi des tas de gens croient à cette prédiction ou à toute autre fondée sur des interprétations douteuses de données qui le sont encore plus. Faut-il y voir un besoin social de sentir que notre destinée ne nous appartient pas? Est-ce une preuve de l’existence d’un être suprême (et fort en math, à part ça…) qui prend toutes les décisions concernant le sort de l’humanité? Ou est-ce simplement le désir que «quelque chose» se passe, qui viendrait rompre la monotonie du quotidien?

Mais à la vérité, il n’y a pas de quoi s’exciter. Ici en tout cas, en ce jour de novembre ensoleillé comme les autres, on aurait peine à penser qu’une catastrophe potentielle est suspendue au-dessus de nos têtes. La vie se déroule à son rythme normal, les gens vaquent à leurs occupations quotidiennes en s’efforçant de résoudre leurs problèmes habituels. S’il nous tombe dessus une catastrophe imprévue, eh bien so be it, comme disent nos voisins du nord. Mais pour l’heure, rien de nouveau sous le soleil… Et l’heure fatidique, ben elle approche… plus que 7-8 minutes au moment où j’écris ces lignes. Et lorsque vous les lirez, tout sera dit ou presque…

Revenons-en à l’essentiel, donc. C’est surtout vendredi, un vendredi qui, selon l’ordre des jours et les conventions sociales annonce la fin de semaine qui, même sous ces latitudes, reste associée au repos et au farniente.

À moins que d’ici là, la terre n’ait arrêté de tourner, sait-on jamais…

vendredi 4 novembre 2011

Affaires croches



Quand j’ai vu le titre de cet article, hier, je n’ai pas pu m’empêcher de sourire… C’aurait tellement pu se passer en Haïti!... Et on se dit que c’est bien effrayant, que ça n’a pas de bon sens que c’est inconcevable et tout le reste, sans même se rendre compte qu’en fait, ce n’est pas bien méchant et plutôt créatif comme affaire croche…

Cependant on parle dans l’article de corruption et franchement, je vois mal ce qui a été corrompu dans cette affaire. Le système? Le fonctionnaire qui fausse les documents? Ou tout le monde qui profite de la supercherie? Est-on corrompu parce que l’on profite d’un système troué comme une passoire? Moi j’appellerais plutôt ça de l’opportunisme… Une belle qualité d’ailleurs, et qui se trouve assez répandue ici en Haïti. Une porte mal fermée est comme une invitation à entrer, non? En tout cas, j’en connais pas mal pour qui c’est comme ça. Et lorsqu’on se trouve à la source du système, eh bien il devient doublement important de ne pas laisser de portes entrebâillées qui pourraient donner à d'autres des idées pas nécessairement honnêtes… Incidemment, je parlais l’autre jour avec la responsable d’une autre ONG locale qui me demandait quelle était la technique que nous utilisions pour maintenir le contrôle de l’hôpital. Je lui ai répondu que nous étions là, tout simplement. En Haïti, comme partout ailleurs, c’est quand le chat est parti que les souris s’en donnent à cœur joie… Pas besoin de sortir le bâton donc, le seul fait d’être présent est suffisant pour que l’ordre soit maintenu. Un peu comme lorsque l’on voit une voiture de police stoppée sur le terre-plein entre les voies de l’autoroute… On lève le pied bien vite…

Sauf que dans le cas de la police, c’est vraiment la peur du bâton, sous forme d’une juteuse contravention, qui nous fait ralentir, alors qu’ici, à notre petit hôpital, je dirais que c’est plutôt la perspective d’une carotte bien mûre… Nos employés sont bien traités et j’ose penser qu’ils en sont conscients. Les conditions de travail ne sont certes pas parfaites — où le sont-elles? — mais elles se sont améliorées sensiblement au cours de notre mandat, et ce fait est aisément observable (ceci dit en toute modestie, vous l’avez deviné). Tout de même, cela ne signifie pas que tous sont contents de leur sort et qu’ils baignent dans la grâce divine, à jamais écartés de la tentation. N’exagérons rien. Ce sont des humains et je ne suis pas convaincu qu’une occasion de filouter le système, si elle se présentait, serait automatiquement écartée, surtout si le risque de se faire prendre est pratiquement nul. Car tout est là, n’est-ce pas? Ne pas se faire prendre. Il ne s’agit donc pas d’une propension morale à ne pas prendre ce qui ne nous revient pas de droit, mais plutôt une évaluation des chances de se faire prendre si on le fait. D’où sans doute l’énormité de certaines escroqueries lorsque leurs auteurs se sont finalement faits prendre et que le chat (pas celui qui garde les souris) est sorti du sac…

Mais avouons qu’à petite échelle, il n’y a pas grand dommage; qui se formalisera de voir qu'un stylo a disparu? L’une de mes infirmières préférées a justement cette manie de partir avec mes stylos — plus par distraction que par concupiscence, je le précise, mais tout de même, l’effet reste le même. Je pourrais aussi vous parler de ce pauvre père de 9 enfants, pris la main dans le sac (si je puis dire) à voler un gallon d’essence (soit environ 4 litres) pour faire cuire ses aliments… Auriez-vous congédié le type, vous?

Et puis l’article parle de corruption et là, je tique. Car il me semble qu’une personne corrompue, c’est une personne qui a plié sur ses principes à la demande d’une autre personne, le corrupteur, en échange d’une faveur quelconque — habituellement de l’argent, mais dans certains cas, de n’importe quelle autre nature. L’essentiel ici est que la personne corrompue n’est pas foncièrement d’accord avec elle-même pour crochir, mais succombe néanmoins à l’appât du gain.

D’ailleurs, j’avoue être tout à fait d’accord avec la réflexion de Serge Thibault, dans ce texte publié sur cyberpresse et intitulé «La corruption et nous» :
«L'illusion fondamentale sur laquelle repose le contrat social dans nos sociétés modernes est que l'acquisition du sens moral est une chose qui va de soi. Or, rien n'est plus faux. Contrairement au mythe rousseauien de l'enfant fondamentalement bon qui serait corrompu par la société, l'acquisition des fondements moraux relève d'un apprentissage à la fois rigoureux et héroïque.»
J’aime assez le qualificatif «héroïque». Car il faut parfois être de la trempe d’un héros pour savoir résister à la tentation… Ou bien un saint, tout simplement…

Alors je vous en prie, pas trop vite pour jeter la première pierre…



mardi 1 novembre 2011

La Toussaint



Aujourd'hui, c'est la Toussaint. Si vous me lisez un tant soit peu et si vous êtes un tant soit peu attentif à ce que vous lisez, vous le saviez parce que je vous l'avais annoncé le jour de l'Action de Grâce : Toussaint = congé. Ce serait déjà suffisant pour se réjouir (car quoi que les mauvaises langues en pensent, nous vivons dans une structure de travail et un congé s'apprécie toujours, même en Haïti), mais il y a plus. Car la Toussaint, les amis, c'est une fête bien spéciale qui mérite notre attention. En effet, je viens tout juste de découvrir (merci Wikipédia) que  
«Elle est dédiée à tous les saints. "Cette célébration groupe non seulement tous les saints canonisés, c’est-à-dire ceux dont l’Église assure, en engageant son autorité, qu’ils sont dans la Gloire de Dieu, mais aussi tous ceux qui, en fait et les plus nombreux, sont dans la béatitude divine". Il s’agit donc de toutes les personnes, canonisées ou non, qui ont été sanctifiées par l’exercice de la charité, l’accueil de la miséricorde et le don de la grâce divine.»
 «Exercice de la charité, accueil de la miséricorde»... vous ne trouvez pas que ça me ressemble vous autres? Bon, je sais, il manque le don de la grâce divine et la reconnaissance papale, mais bon, on naît pas tous saints, n'est-ce pas? Il faut s'y astreindre, se forcer et y mettre le temps. Peut-être un jour, quand je serai vieux... Non mais franchement, en connaissez-vous, vous autres, des jeunes saints? On connaît plus aisément les jeunes seins, semble-t-il... Bon je blague, je le reconnais...

Mais le plus drôle, c'est que, vu sous l'angle présenté ci-dessus, l'on peut aisément reconnaître les saints, les saintes, tout comme on reconnaît aisément les artistes : à leur œuvre. Remarquez que tous les artistes ne sont pas saints, tout ceints qu'ils soient de leur art (oui, je sais, elle était facile, mais irrésistible...). Mais les deux sont mus par cette même poussée qui force à sortir de soi, l'un pour créer, l'autre pour soulager. L'effet est similaire : la catharsis déconstipe, porte ses fruits, humanise. En un mot comme en mille, ça fait du bien.

Remarquez que vue comme ça, la sainteté devient moins rattachée à une religion, et davantage axée sur l'humain. J'ai déjà dit quelque part dans ce recueil de textes, que je n'étais pas trop impressionné par ce qu'on appelle parfois, non sans cynisme, «l'odeur de sainteté». Il faut dire que l'expression s'applique trop souvent hélas à des personnes qui n'ont rien à voir avec la sainteté, mais qui s'en réclament parfois ouvertement. Style : voyez comme je suis saint! À se demander s'ils sont simplement sains d'esprit, tiens... Mais il y a cette arrogance, cette supériorité de ceux – et j'insiste ici sur le genre masculin – qui se pensent en odeur de sainteté, alors qu'ils puent la médiocrité et l'hypocrisie...

Cela dit, ce qui m'intéresse dans cette fête, c'est qu'elle n'est pas que dédiée aux saints répertoriés, catalogués et décédés depuis des années, voire des centaines d'années, mais aussi aux autres, aux bonnes personnes qui mènent une bonne vie et qui ne sont pas encore mortes... Car il ne faudrait quand même pas confondre la fête des Saints avec celle des Morts, demain... Celle-là, je vous en reparle un de ces quatre, mais pas demain, tout de même...

Et pour terminer, cette explication, toujours tirée de l'article sur Wikipédia, qui vaut ce qu'elle vaut de la raison du congé :  
«Lors de la période de Toussaint, toute la famille paysanne, y compris les enfants, était rassemblée pour récolter manuellement la pomme de terre. Durant cette récolte qui ne s’applique que pour l’hémisphère nord, de nombreux enfants manquaient à l’école, d’où l’instauration progressive de vacances de Toussaint jadis appelés "vacances patates"» .
En ce qui concerne ma tendre compagne, elle voterait plutôt pour des «vacances patates pilées», si ça se faisait...

samedi 29 octobre 2011

Nesly va à l'école


Nesly va à l’école. Le titre fait manuel d’apprentissage à la lecture, vous ne trouvez pas? Ou en anglais, les premiers pas dans cette langue : Nesly goes to school et après, on voit les situations rencontrées et le vocabulaire prévisible qui s’y rattache. Mais rien de tout cela ici. Nesly a simplement décidé, à 27 ans, de retourner sur les bancs d’école et d’y faire un bout de chemin, notamment en complétant d'abord sa 7e année...

Pourquoi cette décision tardive? Je pourrais vous répondre : pourquoi pas? Mais la vérité est plus complexe. C’est qu’en Haïti, à la différence des pays plus développés, l’école est chère et donc, pas toujours accessible faute de moyens financiers adéquats. Si bien que l’on y commence jeune, oui (3 ans est courant), mais le parcours est souvent interrompu à un moment ou à un autre, quelquefois pour une courte période mais parfois aussi pour un bon ti-temps… Mais on n'oublie jamais l’école, vous savez cela, vous qui y êtes allés à satiété, et ici comme ailleurs, l’on y retourne à n’importe quel âge, sans souci de l’homogénéité de la classe. Ici, pas de classes de raccrocheurs, pas de cheminement particulier, juste les bancs d’école ordinaires. Mais personne ne s’étonne ni ne s’amuse de ceux ou celles qui reviennent s’y asseoir, car tout le monde est là pour apprendre. Et l’on apprend. Par cœur. On récite, on répète, on scande, on y met du cœur et la leçon s’exprime, à défaut de s’imprimer dans les connexions synaptiques. En d’autres termes et comme dans toutes les écoles de la planète, les notions abordées ne sont pas toujours utiles ni même intégrables mais elles ont le mérite de faire travailler le cerveau et d’accroître les connaissances. Or, connaître, c’est régner. Ça, c’est moi qui le dis, mais ce n’en est pas moins vrai que si ça venait de Descartes ou de Kierkegaard. Connaître, c’est régner, et le contraire est observable historiquement et quotidiennement : les ignorants se sont toujours fait et se font toujours avoir. Dans le sens dominer, écraser, soumettre, exploiter… je vous laisse choisir. La connaissance, c’est la liberté. L’école n’en est qu’une source parmi tant d’autres, c’est vrai — on peut acquérir des connaissances partout et de maintes façons — mais c’est une source traditionnellement acceptable et universellement acceptée. En tout cas, Nesly s’en trouve fort heureux…

Mais je reviens à la raison de la décision de ce cher homme de retourner sur les bancs d’école : tout simplement, il en a les moyens financiers, maintenant! Il travaille, n’est pas marié, n’a pas d’enfants à entretenir, ne fait pas de dépenses extravagantes, et se trouve logé à très petit prix à même nos ressources immobilières. Bref, malgré son petit salaire, il se tire fort bien d’affaire. Alors quand il est venu m’exposer son désir et me demander ce que j’en pensais, je n’ai pu que trouver l’idée bonne et je l’ai encouragé, tout en ajustant son horaire de travail en conséquence. Hier encore, je lui demande comment ça se passe. Très bien, me dit-il. Un peu rouillé, mais bon, ça se dissipe peu à peu. Et non, il n'est nullement mal à l'aise de se retrouver entouré d'une majorité de plus jeunes que lui dans sa classe ou d'avoir un enseignant plus jeune que lui.

En y pensant bien, pourquoi le serait-il?

jeudi 27 octobre 2011

Beaucoup de monde



La nouvelle, parue hier sur le site de Radio-Canada, n’a pas fait un gros tapage. Même Foglia s’en moque aujourd'hui. Et pourtant, vous le savez, il s’agit pour moi d’un sujet préoccupant. Car la progression n’est pas simplement arithmétique, elle est géométrique, exponentielle, si l’on veut. Tout ça pour dire que la population de la planète grimpe vite et vous avez compris que c’est ce qui me fascine. On parle souvent d’«explosion» démographique et je pense que le terme rend assez bien cette croissance démesurée, absolument hors contrôle. Car dites-moi donc, vous qui savez tout : qui contrôle le développement démographique de la planète? Et par ailleurs, qui pourrait s’arroger le droit de le faire? Est-ce que ça ne ressemblerait pas à de l’eugénisme? Et pourtant, au rythme où vont les choses, j’ai bien peur qu’on en vienne là. Et pas pour des raisons de ressources alimentaires, mais plutôt, à mon sens, pour de l’espace. Tantôt, on va se battre pour avoir un petit espace où planter sa tente. Mark my words, comme disent mes copains anglos. Pas au Sahara ou en Antarctique, d’accord; mais dans les villes, dans des pays comme Haïti? Regardez bien ça venir…On s’en reparle dans 50 ans… Déjà, on parle de développer Montréal par la verticale, car il n’y a plus d’espace à l’horizon…

Oui, bon, vous allez me dire que dans 50 ans, les probabilités sont très fortes pour que je sois très confortablement installé à manger les pissenlits par la racine, selon l’expression consacrée, et que je ne sois pas vraiment en mesure de vérifier mes intuitions. Et puis, me direz-vous, t’en auras rien à cirer de la population de la planète! Eh bien vous aurez tort. Nous sommes tous et toutes partie d’un ensemble et je crois sincèrement qu’il faut se préoccuper un tant soit peu de la santé de l’ensemble si l’on veut assurer sa pérennité. Hans Jonas, un brillant philosophe allemand, parlait de "l’heuristique de la peur". Belle formulation, un peu aride vue comme ça, mais en termes simples, il s’agit justement de cette préoccupation pour un avenir qui n’est pas le nôtre en propre, mais dont nous sommes les tenants actuels. Jonas parle d’une responsabilité envers les générations futures et je pense qu’on ne peut pas faire l’autruche. On ne peut pas, à mon sens, surcharger la planète sans se soucier de sa suspension (métaphore osée, mais bon). Or, c’est exactement ce qui se passe. La croissance démographique? Des chiffres, simplement. Pourquoi s’en soucierait-on? L’eau douce? On trouvera sûrement le moyen de dessaler l’eau de mer et alors, la pérennité de la ressource est assurée. Le manger? On trouvera sûrement le moyen de produire des OGM qui nous procureront toutes les protéines, minéraux, vitamines et fibres dont nous avons besoin pour nous tenir debout. Mais l’espace, les amis, pensez-y, vous qui n’aimez pas vos voisins… L’espace, on fera quoi? Un excès d’humains ne peut que conduire à cette «apocalypse rampante» dont parle Jonas (entre autres choses).

Non, je n’ai pas de solution à vous proposer. Et Foglia a raison quand il dit que l’annonce du franchissement du cap des 7 milliards d’êtres humains ne lui fait pas un pli. Ni à vous, d'ailleurs. Pourquoi cela ferait-il une différence? Simplement parce que nous sommes parties de ce tout et que si tout le monde s’en lave les mains, ben il n’y aura plus personne pour toucher le sujet...

À propos et si vous êtes curieux, je vous recommande ce site qui, à partir d’un petit algorithme, nous donne une image assez effarante de l’état du monde présent et à venir. Les chiffres parlent. Mais personne n’est obligé de les écouter, n’est-ce pas? Et pourtant, il me semble qu’il y a là quelque chose d’un peu inquiétant. Et je vous avoue que tous les scénarios optimistes me laissent un peu sur ma faim, justement parce qu’ils sont optimistes, et de ce fait, déresponsabilisants, si vous me passez le terme. Quand tout va bien, qu’a-t-on à s’en faire? Mais la réalité, celle que l’on connaît tous, c’est que le futur n’est que la suite du présent, alors…

lundi 24 octobre 2011

Une belle fête



Bon, eh bien ils sont venus une fois de plus et n’ont rien trouvé à redire sur le fonctionnement de notre petit hôpital. Ce qui, en soi, vaut le meilleur compliment, vous serez d’accord… Vous avez compris que je vous parle de nos chers patrons dont la visite trisannuelle est aussi réglée qu’une horloge suisse. Une visite sans histoire donc et c’est comme ça qu’on les aime.

Mais ce n’est pas de la visite des patrons dont je veux vous entretenir aujourd’hui, mais bien de la fête que nous avons eue pour les employés de l’hôpital. Quelques employées pharmacienne, secrétaire et infirmières chefs ont décidé qu’il serait bien de faire une fête pour les employés. Elles sont venues me voir avec cette idée fraîchement pondue, pour obtenir mon approbation et surtout, le financement qui devait aller de pair avec. Faut-il que je le précise : elles n’ont pas eu besoin de me supplier pour que je les encourage dans ce projet. Qu’elles ont réussi à organiser de main de maître, malgré l’inexpérience et le temps court qui leur était imparti. Si bien que, ce dernier samedi, juste après la visite des patrons, près de la moitié des employés se sont retrouvés à la plage à s’amuser, dans une ambiance très bon enfant, très insouciante, très rieuse. Les filles entre autres, ont eu un plaisir fou rien qu’à danser en rond en se tapant dans les mains; tandis que d’autres jouaient au ballon, aux dominos ou simplement, buvaient une petite bière en jasant avec le voisin. Boire une petite bière pour des gens qui n’ont pas les moyens de s’en procurer n’est pas banal, je le précise… Et pourtant, personne n’a abusé de l’alcool… Puis la nourriture, comme toujours très abondante et copieuse, et leur mets préféré, la chèvre gras et os inclus et l’incontournable riz collé. Vous dire qu’ils ont aimé serait peu dire : tout le monde s’est dit enchanté et désireux de remettre ça l’an prochain!

Le commentaire que je veux faire sur cette belle fête, c’est la joie de voir la joie des autres. Un phénomène contagieux, tous les humoristes vous le diront : le rire entraîne le rire, tout comme la tristesse déteint sur nous plus qu’on ne le voudrait, parfois. Mais ce n’était pas le cas en ce samedi ordinaire : ces gens-là étaient tellement contents, c’en était vraiment contagieux! Et tout ça dans une ambiance de belle camaraderie, sans souci de la position professionnelle ou sociale. Tout le monde en maillots de bain (certaines plus seyantes que d’autres, est-il besoin de le dire?), sans tambours ni complexes, tous égaux, tous libres, il y a de quoi revoir la nécessité de la Charte des droits et libertés, tiens… Et ce plaisir que rien ne crée autre que la compagnie de gens qui jouent ensemble sans soucis, sans compétition, sans arrogance, sans vanité, ce plaisir, les amis, vous émeut dans l’âme. On se prend d’optimisme, tout à coup. On se dit que les problèmes habituels n’en sont pas de vrais : seulement quelques petites poussières qu’une perception pessimiste transforme en montagnes infranchissables… La joie fait cela aussi, faut croire… En tout cas, une belle illustration, une fois de plus, que des adultes peuvent s’amuser comme des enfants avec rien et en tirer ce même contentement naïf dont les enfants ont la spécialité. Mais pas l’exclusivité. Car je vous l’ai dit : les Haïtiens sont très forts là-dedans…

Somme toute une expérience concluante pour tout le monde, y compris pour les absents qui s’en mordent un peu les pouces et qui se promettent bien de ne pas passer à côté la prochaine fois!

lundi 17 octobre 2011

Une sortie à la plage


C'est vraiment trop drôle! Si vous avez lu mon texte de samedi dernier, vous avez noté que j'ai mentionné que l'on écrivait pour être lu. Or, si j'ai toujours cru que certains, certaines parmi vous me lisaient de temps à autre, je n'avais jamais pensé que la chose put se comptabiliser. C'était bien naïf de ma part, puisque sur Internet, tout est comptabilisé, n'est-ce pas? Les ordinateurs laissent une signature chaque fois qu'ils accèdent à un site et ce blogue n'y fait pas exception. Or, voilà qu'hier matin, bercé par la farniente d'un dimanche tranquille, j'ai eu la curiosité d'accéder à la nouvelle version de blogspot. Quelle ne fut pas ma surprise d'y trouver les statistiques des visites reçues! Et de voir que, ma foi, vous êtes relativement nombreux, nombreuses à me visiter, au point que j'en suis un peu gêné, dites! C'est que je suis si modeste!!!... Mais voyez par vous-mêmes : au total, pas moins de 12,592 personnes m'ont rendu visite, ce qui est nettement au-dessus de mes estimations les plus optimistes! Si bien que je me sens un peu sous pression, là...

Mais ce n'est pas de statistiques que je veux vous entretenir aujourd'hui, fête de la mort de Dessalines et donc, congé férié pour tout le monde. Pas du tout. En fait, nous en avons profité pour aller à la plage de St-Georges, pas très loin de chez nous. La plage de St-Georges, c'est le cliché de la plage tropicale paradisiaque : imaginez une plage en croissant, bordée de cocotiers et baignée d'une eau turquoise transparente. Le ciel est bleu, de petits cumulus en rompent la monotonie monochromatique et le soleil brille de tous ses feux. Les vagues, paresseuses en ce jour de congé, se brisent mollement sur la grève. On entre dans l'eau en tout confort : sans l'avoir mesurée, je juge sa température aisément au-dessus de 30 degrés. On nage un peu, on fait la planche – oui,oui, je suis capable maintenant que je suis rendu gros – et on se laisse dériver sans penser... On sort de l'eau, on se fait sécher sous le soleil en lisant un bon livre et on remet ça. Une bonne petite bière bien fraîche avec ça? Pourquoi pas?... Alors dites-moi : que demander de plus? Remarquez, je ne vous dis pas que c'est le paradis, car si c'était le cas, ce serait drôlement plat le paradis, au point que c'en deviendrait vite infernal (incidemment et bien que je l'aie déjà mentionné, je vous suggère fortement de lire ou de relire Huis clos de Jean-Paul Sartre, cette pièce délicieuse où la situation qui semble être pas trop mal initialement se révèle finalement une version subtile mais ô combien efficace de l'enfer)... Alors oui, on se laisse bercer par cet environnement idyllique, mais après un certain temps, gorgés de soleil et salés comme une viande ou un poisson prêt à la conservation, on se dit qu'il est temps de rentrer...

Mais à moins d'un cataclysme majeur, on sait qu'on pourra toujours y retourner. La mer sera toujours là et elle aura beau s'agiter et battre le sable de ses élans, rien n'y fera, la plage demeurera. Pérennité des choses, dites-vous? Je suis d'accord. Le mot est joli et exprime bien l'intemporalité et l'immuabilité de ce décor qui en a vu d'autres et qui en verra encore bien d'autres avant de s'altérer, même modestement. De quoi apprécier la géologie, convenons-en...

La plage, la mer, le soleil. Trois éléments permanents en Haïti. Trois parties d'un tout que tout le monde associe à la joie de vivre, à la détente, au plaisir. En d'autres pays, ces éléments sont repérés de bien loin et exploités pour ce qu'ils valent : leur pesant d'or. N'importe quel promoteur qui verrait la plage de St-Georges en baverait de concupiscence... Mais la beauté industriellement transformée vaut-elle mieux que celle que la géologie a façonnée au cours de quelques millions d'années? Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, c'est non. Et bien que la tendance à un certain développement soit inévitable et irréversible, on se prend à souhaiter que ce coin de pays reste ce qu'il est : un havre de paix, d'harmonie et de contentement.

Avec la visite des patrons prévue pour cette semaine, avouons que c'est doublement appréciable...

samedi 15 octobre 2011

La vie normale


Me revoici. Sans thème précis, je le reconnais, mais pour le plaisir de vous glisser un petit mot. Car je veux écrire pour vous, mes fidèles du week-end. Ceux et celles qui, le samedi ou le dimanche matin, savent prendre le temps de savourer le temps qui passe en lisant des choses pas trop lourdes, pas trop exigeantes pour la cocologie. Alors, amis lecteurs et tendres lectrices, je veux aujourd'hui participer à votre insouciance "saturnale" ou dominicale.

Car il me faut bien le dire : on écrit parce qu'on se sait lu. Regardez tous ces chroniqueurs, tous ces écrivailleurs, ces blogueurs, ces gens de plume... Tous écrivent pour une seule raison : être lu. C'est assez puéril, je l'admets. Mais ce n'en est pas moins une réalité. Même un cabotin comme Foglia écrit pour cette raison. En passant, n'y voyez pas une critique de ce charmant homme : Foglia a réussi là où la plupart échouent lamentablement et maintenant, il a carte blanche pour nous balancer ce qu'il veut – et se faire payer pour! Je confesse donc une admiration sans borne pour ce géant qui, à 70 ans bien sonnés, nous fait pirouettes après pirouettes sans même reprendre son souffle. Et on le lit. Et on en redemande... Moi, je n'en suis pas là, mais je dispose néanmoins de la même liberté de presse, si je puis dire... Alors considérant qu'il y a bien trois ou quatre personnes qui me lisent assidûment, je plonge hardiment, bute sur les mots, perd l'équilibre dans des tournures osées, m'essouffle dans des phrases sans fin, me reprend, me redresse, ponctue à qui mieux mieux et vous offre mon produit en implorant votre clémence. Écrire, c'est ça. Et en y regardant bien, ce n'est en rien différent de ce que n'importe quel artiste peut offrir : le fruit d'un effort, un effort qui part de soi pour aboutir aux autres. Vous autres. Suis-je un artiste pour cela? Sans doute un peu, je vous laisse en décider...

Mais qu'ai-je donc à vous offrir en ce jour d'hui? Pas grand-chose, je le redis. Les pluies torrentielles que nous avons essuyées, ben justement, on les a essuyées : tout a séché et le soleil a repris sa place habituelle... avant que la pluie ne remette ça encore tout à l'heure! C’est toujours comme ça. On reçoit une pluie de fin du monde et le jour suivant, tout est revenu à la normale. Et puis ça recommence...

Le pays? Eh bien il va assez bien le pays, malgré ce que certains peuvent en dire. «Pas de nouvelles, bonnes nouvelles», dit le proverbe et dans ce cas, rien n’est plus vrai. Ça va lentement, mais il serait difficile d’aller plus vite, n’en déplaise aux impatients. Le nouveau premier ministre a finalement été approuvé, le gouvernement est formé et les choses s’enclenchent. Certes, il y a des orientations qu’on peut trouver discutables, mais d’une manière générale, on peut dire que le pays va plutôt bien, compte tenu des énormes défis auxquels il faut faire face.

Pour nous, tout continue de marcher sur des roulettes, sans trop de cahots. Notre affluence ne varie à peu près pas, sauf s’il pleut, bien entendu, car la pluie ici, je l’ai déjà dit, ressemble fort à ce qu’une tempête de neige entraîne en pays nordique en termes de ralentissement des activités. Mais une fois le soleil revenu, la vie reprend comme avant et c’est précisément là où nous en sommes : activités normales, taux de fréquentation normal, gens normaux qui vaquent à des occupations normales… bref, la vie, quoi!

Mais avouons que la vie normale, vue comme ça, c’est un peu monotone. Et le piment, il est où, là, le piment? Mais peut-être vaut-il mieux ne pas le demander trop fort...