mercredi 23 novembre 2011
L'ami des bêtes
Vous le savez sans doute, si vous êtes un tant soit peu assidus de ces chroniques, je suis l’ami des bêtes. Surtout lorsqu’elles sont inoffensives et sans défense, comme cet âne que nous avons recueilli et que nous hébergeons toujours. Ou comme cette mygale emprisonnée dans notre chambre à coucher et qui ne demandait qu’à quitter ces lieux inhospitaliers. Mais la bête qui nous accroche le plus reste sans conteste le chien, qu’on décrit parfois comme «le meilleur ami de l’homme». Eh bien, je puis vous dire : pas ici en Haïti. Les chiens sont au mieux, traités avec indifférence, au pis, craints et chassés à coups de bâton ou lapidés.
Mais depuis que nous sommes ici, j’ai prêché par l’exemple, prenant le temps d’établir quelques liens amicaux avec les deux chiens qui ont maintenant élu domicile à notre hôpital. La chienne d’abord, puis le chiot qui a presque atteint sa majorité mais qui reste chiot dans son âme canine et dont la seule raison de vivre semble de jouer, de courir, de dormir et de manger. Mais tout le monde s’est pris d’affection pour ce bon toutou et personne ne le maltraite puisqu’il n’y a pas raison de le faire. Or, ce chien a la fâcheuse habitude de se coucher sous l'une ou l'autre des voitures pour faire l’une de ses quatorze siestes quotidiennes. C’est ainsi qu’est arrivé ce qui devait arriver : la voiture sous laquelle il dormait nonchalamment s’est déplacée et lui a passé sur le corps. Bon vous me direz que c’est un jeune chien, qu’il a les os encore tout caoutchoutés et que, par conséquent, il n’a pas dû en souffrir trop. Mais c’est lourd une voiture. Si bien que même si ses os sont intacts, le pauvre animal s’est fait esquinté la patte et depuis, ronge son frein (pas celui de la voiture — voyez comme il n’est pas rancunier) en attendant que le mal s’estompe.
Mais aujourd’hui, je me suis décidé à faire venir le vétérinaire qui lui a fait quelques piqûres, pour faire bonne mesure. On verra ce que ça donnera. Et puis j’ai pensé qu’il valait mieux emmener le chien à la maison, histoire de lui permettre de mieux récupérer. La tête des gens! Le Blanc qui porte dans ses bras un jeune chien de 60 livres et le chien qui se laisse faire! Tout un portrait! Les sourires entendus et polis en disaient long sur ma douce folie... Mais la leçon porte ses fruits, justement parce qu’elle fait la preuve que le chien n’est pas mauvais, même blessé. C’est tout un exemple!
Il va sans dire que les Haïtiens ne sont pas délibérément méchants avec les chiens, mais ne font rien pour s'attirer leurs faveurs. Pourquoi en effet se soucier des bêtes lorsque les humains n’ont souvent pas accès au strict minimum vital? Simple question de priorité, on sera d’accord là-dessus. Alors l’ami des bêtes, oui, mais sans pousser, sans exagérer.
Il n’empêche que ces bons rapports avec le chien m'invitent à parler de ce principe cher à Schweitzer et dont l’hôpital du même nom à Deschapelles a fait sa devise : "Ehrfurcht vor dem Leben" ou "Révérence pour la vie" (en anglais). Pour un hôpital, avouez que ça sonne bien, même si en bout de ligne, c’est un principe plutôt évident : on voit mal un hôpital qui ne se soucierait pas de l’état de santé de ses malades... Quoique, en certains endroits… mais passons. Schweitzer, quant à lui, a poussé plus loin cette idée de révérence, de respect profond et l’a appliquée sans réserve à tout ce qui était animé de vie, incluant les animaux, bien entendu. Bel exemple à imiter, s’il en est un. Mais pour mes proches haïtiens, ce n’est pas tant le principe qui vaut comme les résultats qu’il donne. Donner de l’amour, même à un chien, et voir que même le chien le rend spontanément en étonne plusieurs. Et quand je demande : «Mais vous, que préférez-vous? Un sourire ou un coup de pied?» Rires jaunes…
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