Permettez-moi aujourd’hui d’aborder un sujet plus sérieux que celui de la réfection de notre cuisine. Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de respect. Oui, je sais, j’ai souvent survolé le thème au fil de ces textes, mais en lisant, lundi dernier, la chronique de mon ami Foglia sur la décivilisation, j’y ai vu une belle occasion de m’arrêter un peu sur le sujet. Mais d’abord, que je vous cite Foglia :
«Aujourd'hui, dans les écoles, on parle énormément de respect. En ce temps-là [années 50], on n'en parlait pas, le respect venait avec l'air qu'on respirait. Je ne sais plus où j'ai lu que l'école d'aujourd'hui est l'école du respect (enseigné comme le français et avec autant de succès), alors qu'hier on avait le respect de l'école, le reste coulait de source.»Je n’ai pas ici l’intention de faire le procès de la société québécoise (lire nord-américaine) dans ses rapports avec les jeunes. Encore moins celui de faire le procès des structures scolaires et du laxisme dont on les accuse. Mais le fait est : le respect s’en est évaporé. Pfft! Disparu dans l’air du temps, dans le changement de siècle ou de millénaire si vous préférez. Pourtant, le respect s’apprend, mais pas de la même façon que le français ou les mathématiques. Car non, le respect n’est pas inné. Il se développe et s’intègre aux rapports qu’on établit avec les autres. Sans le respect, la critique s’aiguise, blesse, tue. Les imperfections de l’autre deviennent autant d’irritants que l’on attaque à coups de machette ou de propos ignobles : l’autre a tort du seul fait qu’il n’est pas comme moi. Tu parles...
Pourtant, ici en Haïti, le respect est encore de mise. Dans les écoles, à l’église, dans les bureaux officiels, chez le médecin ou l’avocat, les gens respectent non seulement l’autorité inhérente à ces lieux, mais aussi ceux et celles qui la personnifient. Question d’apprentissage? Si l’on peut dire. Si l’on accepte que le mot soit ici synonyme d’éducation. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : ici, on éduque encore les enfants, à la maison et surtout, à l’école. On leur dit ce qui est bien, ce qui est mal; ce qui est correct, pas correct. Bref, vous me suivez. (Petite parenthèse ici : il est tout de même drôle que l’on parle encore et toujours au Québec du ministère de l’Éducation alors que cet aspect de la mission scolaire soit si négligé… Fin de la parenthèse.) En Haïti, les enseignants, qu’on appelle encore «maîtres» enseignent tant bien que mal, c’est vrai, mais sont toujours respectés, tant des enfants sous leur charge que des adultes, parents ou autres. Ici, d’un enfant non respectueux des consignes des adultes, on dira qu’il est «malelve» (mal élevé), épithète que même les petits voyous n’apprécient guère… Il n’empêche que les enfants apprennent tôt le respect qui devient rapidement un substrat culturel qui reste toute la vie.
Le respect est aussi, à notre petit hôpital, une valeur fondamentale de notre relation avec les employés. Le code du travail haïtien est on ne peut plus clair sur la question : les obligations du travailleur imposent de «traiter son patron et ses camarades de travail avec respect » et celles de l’employeur stipulent qu’il doit «traiter le travailleur avec respect en ayant soin de ne lui infliger aucun mauvais traitement, verbal ou de fait.» J’en fais ici un point d’honneur. Pas pour avoir l’air de, mais parce que je crois sincèrement en cette valeur, tout comme je crois qu’on doit s’efforcer de traiter les autres comme on s’attend à être traité. C’est la règle d’or libellée sous sa forme affirmative. Le respect, dans cette perspective, devient affaire de gros bon sens : on le donne parce qu’on le veut pour soi-même. Et je puis vous dire que ça marche.
Tout ça pour vous dire que, même si rien n’est jamais facile en ce pays, il y a tout de même des choses qui vont mieux qu’ailleurs. Ça me paraît digne de mention.
Je n'ai pas lu l'article de Foglia; je désire seulement te faire part de mes réflexions sur l''éducation des enfants'' ici en Haïti. J'ai constaté à travers mes échanges avec les petits Haïtiens qu'ils craignent l'adulte et à travers leur enfance ont malheureusement perdu toute spontanéité de peur de déplaire à l'adulte ou l'autorité. Ils apprennent vite que l'adulte est plus fort et que toute tentative de déroger à la consigne sera punie sévèrement. Naturellement, il ne faut pas généraliser et je crois que cette politique s'applique aussi au Québec. En conclusion, la façon d'éduquer les enfants en Haiti n'est guère meilleure que celle que nous avons au Québec. Elle est différente et produit des individus différents aussi.
RépondreEffacerJe parle de respect ici, pas de méthode pédagogique efficace. Les enfants en Haïti apprennent à respecter l'autorité parce que c'est l'autorité (= plus fort, mieux outillé). Au Québec, ce n'est plus le cas...
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