samedi 29 octobre 2011
Nesly va à l'école
Nesly va à l’école. Le titre fait manuel d’apprentissage à la lecture, vous ne trouvez pas? Ou en anglais, les premiers pas dans cette langue : Nesly goes to school et après, on voit les situations rencontrées et le vocabulaire prévisible qui s’y rattache. Mais rien de tout cela ici. Nesly a simplement décidé, à 27 ans, de retourner sur les bancs d’école et d’y faire un bout de chemin, notamment en complétant d'abord sa 7e année...
Pourquoi cette décision tardive? Je pourrais vous répondre : pourquoi pas? Mais la vérité est plus complexe. C’est qu’en Haïti, à la différence des pays plus développés, l’école est chère et donc, pas toujours accessible faute de moyens financiers adéquats. Si bien que l’on y commence jeune, oui (3 ans est courant), mais le parcours est souvent interrompu à un moment ou à un autre, quelquefois pour une courte période mais parfois aussi pour un bon ti-temps… Mais on n'oublie jamais l’école, vous savez cela, vous qui y êtes allés à satiété, et ici comme ailleurs, l’on y retourne à n’importe quel âge, sans souci de l’homogénéité de la classe. Ici, pas de classes de raccrocheurs, pas de cheminement particulier, juste les bancs d’école ordinaires. Mais personne ne s’étonne ni ne s’amuse de ceux ou celles qui reviennent s’y asseoir, car tout le monde est là pour apprendre. Et l’on apprend. Par cœur. On récite, on répète, on scande, on y met du cœur et la leçon s’exprime, à défaut de s’imprimer dans les connexions synaptiques. En d’autres termes et comme dans toutes les écoles de la planète, les notions abordées ne sont pas toujours utiles ni même intégrables mais elles ont le mérite de faire travailler le cerveau et d’accroître les connaissances. Or, connaître, c’est régner. Ça, c’est moi qui le dis, mais ce n’en est pas moins vrai que si ça venait de Descartes ou de Kierkegaard. Connaître, c’est régner, et le contraire est observable historiquement et quotidiennement : les ignorants se sont toujours fait et se font toujours avoir. Dans le sens dominer, écraser, soumettre, exploiter… je vous laisse choisir. La connaissance, c’est la liberté. L’école n’en est qu’une source parmi tant d’autres, c’est vrai — on peut acquérir des connaissances partout et de maintes façons — mais c’est une source traditionnellement acceptable et universellement acceptée. En tout cas, Nesly s’en trouve fort heureux…
Mais je reviens à la raison de la décision de ce cher homme de retourner sur les bancs d’école : tout simplement, il en a les moyens financiers, maintenant! Il travaille, n’est pas marié, n’a pas d’enfants à entretenir, ne fait pas de dépenses extravagantes, et se trouve logé à très petit prix à même nos ressources immobilières. Bref, malgré son petit salaire, il se tire fort bien d’affaire. Alors quand il est venu m’exposer son désir et me demander ce que j’en pensais, je n’ai pu que trouver l’idée bonne et je l’ai encouragé, tout en ajustant son horaire de travail en conséquence. Hier encore, je lui demande comment ça se passe. Très bien, me dit-il. Un peu rouillé, mais bon, ça se dissipe peu à peu. Et non, il n'est nullement mal à l'aise de se retrouver entouré d'une majorité de plus jeunes que lui dans sa classe ou d'avoir un enseignant plus jeune que lui.
En y pensant bien, pourquoi le serait-il?
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