vendredi 11 janvier 2013
Le froid de l'aide sur la glace
Là, ça commence à faire. Pas moins de neuf articles, sur La Presse seulement, qui traitent de l’aide canadienne en Haïti et qui, pour la plupart, s’offusquent des propos du ministre de la coopération internationale. Admettons que le monsieur n’a pas mis de gants blancs. Admettons qu’il n’a pas été politiquement correct. Soit. Mais entre vous et moi, cela change-t-il quoi que ce soit au constat qu’il a fait et que des experts ont fait à sa place? Je vous ai dit, dans mon avant-dernier texte, qu’à la lumière de l’article de fond tiré de Haiti Libre (et qui date déjà de deux ans, ne l’oublions pas), il y avait lieu de se poser des questions. Lorsque le ministre déclare que le Canada «n’est pas une œuvre de charité», je pense qu’il dit vrai. On aura beau crier haro sur le baudet, pour moi, le pays (je parle d’Haïti) est simplement trop habitué aux organismes de charité dont la mission est toujours fortement teintée de pitié. Je vous l’ai déjà dit : les "bleeding hearts" ne manquent pas en Haïti et souvent, leur contribution prend véritablement la forme d'un chèque en blanc: les résultats, c'est secondaire; ce qui compte, c'est le geste. Vous trouvez ça correct, vous autres? Eh bien pas moi. Car vous m’excuserez, mais l’aide internationale me semble plus complexe que cela et il me paraît normal, dans les circonstances, d’exiger des comptes. Lorsqu’un pays est dans l’embarras et qu’il demande à son voisin de lui donner un coup de main pour s’en sortir, il me semble qu’il est normal et tout à fait acceptable que ce soit le prêteur qui définisse les conditions du prêt ou le bailleur de fonds les conditions du projet.
Mis à part le côté pataud de la sortie du ministre donc, je ne vois rien de répréhensible dans sa volonté de mettre les projets sur la glace en attendant de voir où tout ce beau monde s’en va. Mais Haïti est tellement habitué à se faire prendre en pitié qu’il ne voit pas que la volonté de vouloir traiter Haïti comme un partenaire, débiteur soit, mais partenaire tout de même vaut certainement mieux que celle des "bleeding hearts". Ou de celle, très condescendante, des Nations Unies qui ont ouvertement décrié les propos du ministre Fantino et qui, pourtant, maintiennent contre la volonté haïtienne, la présence des casques bleus depuis nombre d’années déjà...
Je vous donne encore cet extrait de l’article de Haiti Libre cité précédemment: «Les Haïtiens […] nous considèrent, nous la communauté internationale, comme une vache à traire. […] Si les Haïtiens nous considèrent seulement par l’argent que nous apportons, c’est parce que nous nous sommes présentés comme cela.» Que c’est bien dit, les amis... Et tellement vrai! Or, voilà que tout à coup quelqu’un se lève et annonce : «Nous ne sommes pas une œuvre de charité.» Holà! Quels propos scandaleux! Un pourvoyeur d’argent ose nous demander des comptes? Mais qu’est-ce que c’est que ça? Eh bien pour moi, ce n’est que la logique comptable, la même qui s’applique à notre modeste tâche ici à l'hôpital et qui nous impose de balancer nos comptes chaque mois. Et franchement, je pense que c’est tout à fait raisonnable, même si c'est rasant.
Alors je vous en prie, distinguons bien l’opportunisme politique du fond de l’affaire : l’imputabilité d’Haïti. Et là, je pense qu’il y a lieu d’être rationnel, logique, technique car les passions n’ont rien à voir là-dedans.
Cela dit, je suis prêt à vous parier mes bermudas fleuris — mes préférés — que la glace sur laquelle sont déposés les projets de l’ACDI va fondre à une vitesse surprenante malgré les rigueurs de l’hiver nordique... Qu'est-ce que vous pariez?
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