Haïti proteste. Haïti clame bien haut son innocence. Haïti dénonce le classement paru à la fin de décembre sur le site Yahoo.fr. voyage et qui place Haïti parmi les dix pays à éviter en 2013. Il n’en fallait pas plus pour déclencher un tollé d’indignation. Tout à fait justifié dans les circonstances, je le dis en toute simplicité. En fait, j’ai vérifié sur plusieurs autres sites du même genre (les pires pays à visiter) et en aucun autre endroit n’ai-je rencontré cette odieuse désignation du pays. Je suis donc d’accord pour dire que certains y sont allés un peu fort en mettant Haïti au même rang que l’Irak, l’Afghanistan ou la Syrie… Alors remettons les pendules à l'heure : Haïti n'est pas un pays à éviter. Pas du tout.
Pour le prouver, le gouvernement s’appuie sur des chiffres qui classent Haïti parmi les pays antillais où la criminalité est la moins élevée. C'est là que je tique. Car, je le redis : ces chiffres ne disent pas tout. La situation au pays n’est ni pire ni meilleure qu’elle l’était auparavant, mais elle n’est pas pour autant paisible et insouciante. Juste pour vous en donner un petit exemple, je tombe ce matin sur ce petit article tiré de Haiti Press Network (HPN), que je cite intégralement pour ne pas que vous ayez à faire l’effort de le rechercher sur le Web.
«De nouvelles fusillades ont éclaté lundi soir dans le quartier de Bel-Air, centre de Port-au-Prince apparemment entre groupes armés qui s'affrontent depuis plusieurs semaines semant la panique au sein de la population, a appris Haiti Press Network. Des tirs nourris à l'arme automatique ont été entendus dans le quartier forçant les membres de la population à s'enfermer dans leurs maisons. "Nous avons abandonné la rue des 6H00 du soir. Il y a des tirs à l'arme lourde partout; les commerces sont fermés. Rien ne fonctionne", a témoigné par téléphone un résident contacté par un journaliste de HPN. Selon des habitants du Bel-Air deux groupes armés s'affrontent depuis plusieurs semaines pour le contrôle de la zone alors que la police et la Minustah n'assurent pas régulièrement la sécurité dans le quartier. "Les patrouilles de la PNH sont rares et celles qui sont parfois présentes se retirent des 5H00 PM. La Minustah es pratiquement absente", a indiqué un père de famille.»Je ne sais pas ce qu’on dirait si une telle situation se passait au centre de Montréal, de Paris ou de New-York, mais je suis convaincu qu’on ne la trouverait pas drôle — et certainement pas normale ou acceptable. Mais en Haïti, c’est notre «normal». Tout comme le sont les manifestations impromptues, ou même les simples «blocus» (bouchons de circulation) qui paralysent la circulation pendant des heures, menaçant de vous faire manquer l'avion, par exemple... Port-au-Prince, je le dis sans mépris ni colère, n’est pas une capitale où il fait bon flâner le nez au vent. Et disant cela, je voudrais bien pourtant que ce soit un endroit invitant, capable de séduire le voyageur qui le découvre pour la première fois. Mais ce n’est pas le cas et je pense qu’il faut avoir le courage d’appeler un chat un chat, même si l’on voudrait qu’il soit autre chose.
Les chiffres fournis concernent la criminalité, concept large s’il en est un. Or, je prétends que les crimes dont on parle en Haïti ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux qu’on pourrait rencontrer en Jamaïque ou au Salvador, et c’est ce qui rend les chiffres peu représentatifs du climat d’insécurité qui prévaut dans le pays. Quand on parle d’insécurité, on ne parle pas de criminalité, mais du fait que l’on peut rapidement se retrouver dans une situation potentiellement très dangereuse sans que rien ne la laisse prévoir. Les manifestations, entre autres, ne sont jamais légères en ce pays, et même le secrétaire d’état à la sécurité publique l'a admis publiquement lorsqu'il a annoncé que le pays avait connu pas moins de 363 manifestations violentes en 2012. Et notez bien le mot : violentes. Je pense qu'il y a là quelque chose de préoccupant, pas vous?
Quoi qu'il en soit, cette réalité sociale n'enlève rien au fait que le pays vaut le détour, sans le moindre doute...
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