"I am unclear as to the migration patterns of people from PAP." C'est en ces termes que notre amie Lori, une Américaine qui travaille à établir un petit centre de santé à Port Salut, m'a demandé mon opinion sur le sujet dans un message qu'elle m'a envoyé hier. L'organisation, dont elle est pour ainsi dire COO (Chief Operating Officer), s'appelle No Time for Poverty et s'efforce de faire sa part dans le secteur de la santé dans la région de Port Salut, petite ville située à environ 50 km à l'ouest des Cayes, bien connue pour sa plage superbe. Du bon monde. Leur hôpital n'est pas encore fini de construire, mais ça ne les empêche pas d'être bien présents dans le sud, notamment sous forme de cliniques ponctuelles menées par des équipes de volontaires américains. Depuis quelque temps déjà, nous avons établi un bon contact ensemble et je m'efforce de leur donner un petit coup de pouce au besoin, notamment sous forme d'information pratique.
Tout ça pour vous dire que j'ai trouvé sa question fort intéressante et tout à fait pertinente. Bien que non-expert en la matière, je me permets tout de même un avis sur la question. Car oui, il y a migration. Indubitablement. On n'a qu'à se promener dans les rues de la ville pour s'en rendre compte. Je vous ai déjà parlé de la vie dans les rues des Cayes (voir La rue qui vit). Eh bien maintenant, c'est encore plus grouillant, les gens se marchent littéralement sur les pieds et la circulation, je vous dis pas... Encore ce matin, nous avons fait une petite sortie à l'épicerie. Tandis que j'attendais dans la voiture (stationnée de drôle de façon), un groupe de jeunes est venu quémander. "Give me one dollar", me dit l'un deux, au regard vif et à la langue bien pendue. Ça faisait longtemps que je l'avais entendue, celle-là... Je ris, puis commence à bavarder avec le gamin. Qui m'apprend, très spontanément qu'il est de Port-au-Prince, mais que lui et sa famille n'ont plus de maison et qu'ils sont venus aux Cayes sur la vague recommandation d'une connaissance et que depuis, ils essaient de s'y installer. Ce n'est peut-être que pure invention, mais je ne le crois pas. Car le fait est: plusieurs habitants de Port-au-Prince ont tout perdu et tentent maintenant de se refaire une vie ailleurs, aux Cayes, pourquoi pas? Reste que leur nombre est bien difficile à estimer. Comment le faire? Qui tient un registre des allées et venues de ces gens? Comment pourrait-on le faire, d'ailleurs? Toujours est-il que l'exode, puisque c'en est un, se poursuit sans tambours ni trompettes, mais résulte en un véritable accroissement de la population des Cayes. J'en prends également pour exemple la fréquentation de notre petit hôpital. Hier lundi, nous avons vu passer pas moins de 270 patients, ce qui constitue sans doute un record d'affluence. Et ce qui est éloquent, c'est la longue file des personnes au guichet des nouveaux dossiers, ce qui laisse penser qu'une forte proportion de ces gens viennent de l'extérieur. Ces signes ne mentent pas. Les Cayes se gonfle. Avec pour conséquence que la pression sociale risque d'augmenter, car tous ces nouveaux arrivants aspirent à un minimum de vie décente. Or, les infrastructures actuelles me paraissent bien fragiles au regard du nombre de nouveaux venus. Craqueront-elles sous le poids du nombre? S'en va-t-on vers une nouvelle flambée de violence? Difficile à dire... Cependant et malgré ce que je viens de dire, j'aurais tendance à croire que non. Pourquoi? Simplement parce que les gens ont d'autres chats à fouetter. Et aussi, qu'ils caressent l'espoir que les choses vont s'améliorer. Alors ils tiennent le coup, tant bien que mal, et attendent, comme je vous l'ai dit il y a une quinzaine de jours.(L'attente). La migration de la population de la capitale suit-elle un plan quelconque? Je ne crois pas. Certains viennent, tâtent le terrain et retournent d'où ils sont venus; d'autres s'établissent sommairement; d'autres collent chez de vagues parents; d'autres enfin s'installeront à demeure, en autant que leurs conditions de vie le permettent. Voilà en substance ce que j'ai répondu à mon amie Lori. Ce n'est peut-être pas une analyse en profondeur, mais intuitivement, je dirais qu'elle reflète la réalité présente : le pays est en mouvance et ce n'est que dans plusieurs mois qu'on saura comment la population s'est distribuée. Pour l'instant, tout le monde s'accommode du surplus de population aux Cayes.
Tant bien que mal, comme toujours...
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