mercredi 29 mai 2013

Déblatérer sur la blatte


Le fait que je vous raconte est, comme toujours, avéré. Et léger. Et drôle même, vous allez voir.

C’est la nuit. Nous dormons, comme à peu près tout le monde, je pense, lorsque ma compagne me réveille brusquement et me dit qu’elle entend comme une petite bête marcher derrière son oreiller. Or, après la rencontre avec la mygale, nous sommes devenus un peu méfiants... N’écoutant que mon courage, je saisis vaillamment ma lampe de poche et la braque, non sans l'avoir allumée je le précise, sur l’oreiller de ma gente dame. Rien. Je soulève l’oreiller, retire les draps, déplace le matelas : rien. Une inspection sommaire des lieux ne donne pas plus de résultats, c'est la nuit, je le redis, et après quelques échanges sur la nature éventuelle de ce bruit (incluant l'hypothèse d'une mygale), on se recouche et on se rendort sans plus y penser. Tout se passe bien jusqu’au lendemain soir où, à l’heure même où Morphée commence à m’ouvrir ses bras, ma chère et tendre amie se plaint à nouveau qu'elle entend le même grattement suspect lorsqu’elle met la tête sur son oreiller. Sceptique, je lui dis de changer d’oreiller et de me laisser dormir. Après quelques palabres où elle s’offusque de voir sa parole mise en doute, elle obtempère, prend un autre oreiller — le mien en fait — et s’endort sans que je sache si les grattements ont cessé ou si elle a simplement cessé de les entendre, ce qui n’est pas tout à fait la même chose, convenons-en.

Le lendemain matin, ayant dormi sans oreiller et voulant aller au fond des choses, je retire la taie de l’oreiller coupable et la secoue vigoureusement : rien. J’inspecte l’oreiller sous toutes ses coutures pour voir si une bête ne s’y est pas faufilée : rien. Dois-je en conclure que, tout comme Jeanne D’Arc, ma compagne entend des bruits qui tantôt seront des voix? Je n’en suis pas loin lorsque mon regard pointe sur un cancrelat paresseux qui s’extirpe tant bien que mal de la taie d’oreiller chiffonnée par terre. Je saisis mon tue-mouches (qui tue également les cancrelats, vous l'avez compris) et d’un seul coup bien asséné, écrase impitoyablement le malheureux insecte. Problème résolu! Problème résolu, mais qui n’en suscite pas moins une interrogation majeure : pourquoi cette agressivité? Pourquoi cette haine envers cet insecte qui, somme toute, n’est pas vraiment dangereux? Sa vitesse de déplacement? Sa taille imposante? Le fait qu'en plus il vole gauchement? À moins que ce ne soit ses antennes qui semblent en mesure de sentir tout ce qui se passe alentour... En tout cas, quoi qu'il en soit, l'insecte nous répugne, et ce, malgré son caractère inoffensif et j'avoue que cela m'intrigue...

En fait, je suis persuadé que la raison tient au fait que ces insectes (blattes américaines) sont manifestement très intelligents et aisément capables de communiquer entre eux. Sans compter le fait qu'ils nous narguent, nous les humains, et savent très bien échapper à notre chasse sadique et souvent mortelle pour eux. Sans se défendre, je le précise! Car si ces petites bêtes nourrissaient à notre égard la même agressivité que nous avons envers elles, je pense qu’elles pourraient nous mener la vie dure, surtout compte tenu qu’elles ont su traverser le temps sans s’éteindre et ma foi, quelque 350 millions d’années parlent éloquemment de leur adaptabilité… Alors oui, je les respecte. Non sans les tuer, mais je les respecte tout de même…

Heureusement, notre maison étant propre, il est assez rare que nous ayons à subir leur visite, laquelle nous surprend toujours et nous horripile encore plus...

dimanche 26 mai 2013

Histoire de terrain


Pas grand-chose de neuf sous le ciel haïtien…Tout se maintient, tout se déroule à peu près bien. L'article auquel je vous réfère ici ne date pas d'hier, mais comme il se rapporte à notre propre questionnement, je le partage avec vous avec plaisir. Mais lisez d'abord la citation ci-dessous:
« En Haïti, la propriété d'un terrain est souvent aléatoire. En l'absence d'un cadastre bien à jour, un terrain peut avoir plusieurs propriétaires à la fois, chacun brandissant un papier à l'appui de ses prétentions. Pas étonnant que les conflits fonciers y soient monnaie courante. Si les hommes de loi profitent du laisser-aller cadastral, le développement, lui, en souffre énormément. »
Voilà exactement la raison de nos hésitations à nous procurer un petit lopin de terre pour nous y construire un petit pied-à-terre en sol haïtien. Car oui, nous y avons songé et assez sérieusement pour nous laisser séduire par un prospect intéressant à tous égards. Mais lorsque nous avons entendu les déboires de certaines connaissances sur les droits de propriété d’un bout de terrain, nous avons été assez refroidis pour reconsidérer posément le projet, si tentant qu’il soit, sans se laisser influencer par l’image idyllique que nous projetions «sur l’écran noir de [nos] nuits blanches» (Nougaro). Car l’endroit est magnifique : tranquille, avec quelques énormes manguiers et quelques cocotiers, surplombant la mer sur laquelle il offre une vue imprenable, selon le cliché, avec en prime une petite plage privée. Il n’y a pas à en douter : vraiment un excellent choix.

Mais…

Mais il semble que la zone soit très prisée des étrangers — et pour cause, je le redis : c’est superbe. Or, qui, mieux que les étrangers fait office de pigeon? D’abord le prix demandé, que j’ai fait réduire des deux tiers afin que nous puissions commencer à parler sérieusement : j'ai horreur qu'on me fasse des prix de «blanc», je vous l'ai déjà dit. Et c’est là que, comme on dit, le chat est sorti du sac : les titres de propriété ne semblaient pas nets et nous avons eu comme un doute. Bien sûr, le propriétaire des lieux clamait haut et fort que le terrain lui appartenait bel et bien mais entre le dire et le prouver, il y a tout de même une différence, n’est-ce pas? D’autant plus que les limites de la propriété se perdaient dans le flou des paroles du type autant que parmi les roches volcaniques qui parsemaient le terrain. Rien de bien rassurant, vous l’admettrez (je ne parle pas des roches, bien entendu). Surtout quand on lit que pas plus de 10% des arpenteurs qui se prétendent arpenteurs le sont vraiment… Et que vaut l’arpentage, dans ces conditions? Dès lors je vous laisse imaginer la tournure que prennent les litiges qui ne manquent jamais de se produire dans les titres de propriété…

Si bien que, préférant éviter les imbroglios juridiques, nous avons simplement abandonné l’idée. Mais un peu à notre corps défendant, car l’endroit est charmant à bien des égards, je le redis. Cependant et comme le dit bien le proverbe : «Dans le doute, abstiens-toi», et donc nous estimons qu’il vaut mieux s’abstenir et continuer d'aller siroter notre rum sour sur la plage de l'hôtel...

Et si c'était une erreur monumentale?...

mercredi 22 mai 2013

Le mur

Je vous ai parlé du mur, mais sans vous en parler vraiment, alors je me permets d’y revenir. Car c’est important, un mur. Quand on veut séparer deux espaces, on érige un mur ou on creuse un fossé; ou les deux parfois. Pensez à celui de Berlin, construit en une seule nuit, dit-on, et dont l’efficacité fera la honte de l’Allemagne moderne pendant 28 ans… Un mur isole, protège, limite l’accès, cache même. Or, c’est précisément la fonction que le mur dont je vous ai parlé dans mon dernier texte doit jouer : nous protéger et limiter l’accès à la propriété de l’hôpital. Vous allez me dire qu’une simple clôture fait tout aussi bien l’affaire mais vous aurez tort, car la clôture est nettement plus facile à franchir et laisse voir ce qui se passe de l’autre côté, attisant de ce fait les convoitises. Et puis une clôture de type "frost", ça se coupe sans trop de problèmes, comme on le voit dans tous les films, et il est relativement aisé de s’y frayer un passage.

En fait, c’est exactement ce qui s’est produit récemment : quelqu’un a tout simplement créé une brèche dans la clôture, se donnant ainsi accès à notre propriété sans que personne ne le sache et sans que les gardiens puissent s'interposer. Difficile de croire à des intentions honnêtes derrière ce geste et nous en avons eu la preuve lorsque nous avons appris que l’un de nos gardiens s’était fait voler ses deux moutons. Ne riez pas, de grâce! Le type en était tout remué, non pas pour la personnalité de ces doux animaux, mais plutôt pour leur valeur marchande, hélas!

Voyant la brèche dans la clôture, je pris la décision sans plus hésiter : ce sera un mur et haut avec ça. De cette façon, la propriété sera complètement entourée et protégée des éventuels petits voleurs. En fait, je pense que cette construction ne fait pas leur affaire puisque, en cours de route, on a coupé les barres de fer qui formaient le squelette des poteaux de béton — à la scie à métaux, c’est tout de même un assez long travail  — et bien que je ne nie pas la valeur marchande du fer, j’y vois plutôt comme une protestation contre ce mur qui rend l’accès au terrain bien difficile, surtout coiffé de fil de fer barbelé coupant, (razor wire), qui n’a rien de décoratif, croyez-m’en… Mais il faut ce qu’il faut. Après ma bicyclette, disparue en octobre 2010 par la voie de l’inefficace clôture, il y a eu récemment la batterie de la génératrice, puis les moutons du gardien, sans oublier le fer d’armature… Bref, il est temps de freiner l’hémorragie. (Parlant de cette bicyclette, vous vous souvenez que je vous avais dit que je ne la reverrais sans doute jamais, eh bien j’avais tort : quelques mois plus tard, chez le marchand de vélos du coin (!), j’ai revu le cadre de cette même bicyclette. J’aurais pu le reconnaître les yeux fermés… Tout le reste avait été retiré et modifié, de sorte qu’il ne restait rien de la bicyclette originale que ce cadre rouge… Évidemment, le marchand n’était au courant de rien…)

Peut-être soulèverez-vous la question esthétique de ce mur : un ouvrage de blocs de béton gris, mesurant de plus de trois mètres de haut (sans compter le barbelé au sommet), n’est certainement pas ce qui vient à l’esprit quand on veut parler de beauté. Entendant nous : c’est carrément laid. Une laideur que, pour parodier Kant, l’on pourrait sans doute décrire comme une «universalité subjective», car j’en connais peu qui oseraient dire que ce mur est beau. Imposant, oui; massif, lourd, solide, nous sommes d'accord. Mais beau?...

Cependant, ce que vous ne savez pas, c’est la vitesse à laquelle poussent les plantes grimpantes dans ce pays. En quelques mois, le mur ne sera plus qu’un écran de verdure et malgré sa masse, en deviendra presque beau, à tout le moins reposant pour l’œil sans pour autant perdre de ses fonctions protectrices. Je vous en ferai une photo à ce moment-là…

En tout cas et quoi qu’il en soit, il n’a rien à voir avec le mur de la honte…

dimanche 19 mai 2013

La raison du marchand est toujours la meilleure


C'est souvent les situations ordinaires qui nous font pleinement prendre conscience de la différence de mentalité, de la façon de voir et de concevoir les choses des Haïtiens par rapport à nous, les Nord-américains. L'exemple que je vous donne aujourd'hui est tout à fait réel et a d'ailleurs provoqué une montée de ma tension qui m'a fait hausser le ton, sans pour autant que je m'en fasse comprendre mieux (incidemment, c'est toujours ce qui se passe : si je monte le ton, on me dit que je parle fort, on me croit en colère — en colère moi? Ben voyons! — et on attend que l'orage verbal passe sans même chercher à comprendre ce qui a provoqué mon indignation).

C'était il y a quelques jours et cela concernait la façon de faire d'un marchand de blocs de béton. Je vous raconte l'affaire.

Ayant décidé de remplacer la clôture en grillage de type "frost" qui ceint le terrain de notre hôpital par un mur de blocs de béton (pour des raisons de sécurité), nous avons passé la commande chez l'un de nos fournisseurs habituels : 1,800 blocs au total, soit une facture d’un peu plus de $1,000 US, de quoi faire plaisir au marchand, vous n'en disconviendrez, surtout lorsque la commande est payée rubis sur l'ongle avant même qu'elle ne soit livrée! Or, une telle quantité de blocs ne peut se livrer d'un seul coup et nous avons reçu les blocs environ 200 à la fois. Jusque là, rien à dire. Mais voilà qu’hier matin, nous manquons de blocs. «Mais où est le reste?» demandé-je à mon contremaître. Eh bien il semble que le marchand, voyant que nous n’utilisions les blocs que petit à petit, ait décidé de vendre ce qui était notre lot, quitte à nous en fabriquer d’autres lorsque nous en manifesterions le besoin. Et mon contremaître d’insister : ce n’est pas la faute du marchand, mais bien la nôtre, puisque c’est nous qui n’avions pas besoin de tous ces blocs immédiatement!... Je vous laisse imaginer ma stupéfaction et mon courroux. «Mais qu’est-ce que tu me racontes là, lui dis-je, ces blocs sont à nous, nous les avons payés et la seule raison pour laquelle ils ne sont pas livrés c’est parce que le marchand prend trop de temps à le faire!» Mais c’est peine perdue : mon contremaître n’en démord pas : «se pa fot li», il manquait de blocs, des clients en voulaient, il leur a vendu les nôtres et c’est aussi simple que ça! En fin d’après-midi, nous avons reçu une centaine de blocs, à peine sortis des moules et donc, friables comme un château de sable… Explication de mon contremaître : c’est normal, ces blocs viennent tout juste d’être faits, et loué soit le marchand pour faire tant d’efforts pour nous donner satisfaction! Quand je vous dis que ma pression a monté sensiblement…

Finalement, les blocs ont continué d’être livrés à raison de quelques centaines à la fois. Je ne suis pas certain que le compte soit bon, mais mon contremaître me dit que c’est le cas, alors je m’y fie. Le devrais-je?... Si vous êtes comme moi, vous aurez certains doutes… Mais bon. L’érection du mur va bon train et nous pourrons toujours, lorsqu’il sera achevé, faire le décompte exact des blocs qu’il contient… Chose certaine, ce sera un bon mur, alors de quoi me plaindrais-je?

Reste qu’il est tout de même étonnant de voir qu’ici, ce n’est pas le client qui a raison, c’est le marchand! De quoi en faire une (petite) montée de lait, vous ne croyez pas, vous autres?

mardi 14 mai 2013

Réflexion politique


Vous m’excuserez, mais la politique personnellement je trouve ça drôle. Pas au point de se rouler de rire par terre (ROFL pour les habitués de ces nouveaux acronymes), mais certainement drôle dans le sens d’une chose absurde, illogique, puérile et de là souvent, infantile. Vous croyez que je parle de la politique haïtienne? Oui, c’est vrai. Mais en partie seulement car la politique haïtienne n’a rien à envier à celle des États-Unis, du Canada ou de la France, trois pays dont je vois presque quotidiennement les inconsistances politiques soulignées parfois assez vertement par des chroniqueurs ou de simples lecteurs ou lectrices (moins quand même) qui se prennent pour Salomon ou le pape.

Ainsi, aujourd’hui au pays, c’est le deuxième anniversaire de l’accession au pouvoir du président Martelly. Il n’en faut pas plus pour que des gens prennent la rue d’assaut, qui pour protester contre l’inefficacité du président et de son équipe, qui pour en louanger les accomplissements. Heureusement, rien n’a dégénéré — pas cette fois, Dieu merci — et les gens, la gorge sèche d’avoir trop bien exprimé leur point de vue, s’en sont allés se rafraîchir au bistro du coin. Façon de parler, bien sûr…

En France, si j’en crois ce que j’en lis sous forme de commentaires venus de mes amis français, l’insatisfaction du peuple face au gouvernement Hollande croît à vue d’œil. Et dire qu’on avait tellement hâte de se débarrasser de l'insupportable Sarkozy…! Aux États-Unis, c’est la compétence d’Obama qui est mise en doute, surtout par les purs et durs du rêve américain, lesquels croient toujours au père Noël, semble-t-il, surtout s'il est armé jusqu'aux dents…! Au Québec, même son de cloche par rapport au gouvernement Marois : il déçoit, accumulant bourde sur bourde. Quant au gouvernement de M. Harper, premier ministre du Canada, personne ne semble apprécier sa raideur ni son mépris du peuple, particulièrement du peuple québécois, il va sans dire… Bref, plusieurs pays, même tableau. Alors dites-moi : qu’est-ce qui cloche? Sont-ce les dirigeants eux-mêmes? Les programmes politiques? Les moyens pris pour financer le parti? Eh bien il y a un peu de tout ça, bien entendu, mais il y a aussi tout simplement la hargne populaire et le penchant naturel de rendre «quelqu'un» responsable de tout ce qui ne va pas. Je pense qu'on peut appeler cela le «syndrome du bouc émissaire». Or, ce bouc étant ici une figure publique, il n’en devient que plus facile de lui jeter le blâme, et parfois assez violemment. En fait, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais les hommes et les femmes politiques n’ont pas droit au respect du peuple. On les appelle par leur nom de famille, sans aucune marque de déférence et on les injurie même ouvertement sans vergogne. Or, la question bien naïve que je me pose : ces figures politiques le méritent-elles? Dans tous les cas, ce sont des gens qui ont travaillé très fort pour se faire élire, qui ont affirmé des valeurs auxquelles la population a cru et qui veulent, en théorie du moins, faire du bon travail. Or, tout à coup, ils retournent leur manteau et deviennent d’odieux personnages, voire de vils voleurs? Sans discontinuer? Il me semble que c’est tout de même curieux qu’à chaque fois qu’un gouvernement change, le même scénario se reproduise…

J’y vois une évidence : gouverner n’est pas facile. Quel que soit le pays, quel que soit le peuple, quelle que soit la situation économique, gouverner, c’est-à-dire tenir le gouvernail dans la bonne direction, n’est pas chose facile. Comme le disait mon ami La Fontaine, «Est bien fou du cerveau qui prétend contenter tout le monde et son père». Et pourtant, c’est ce à quoi s’appliquent les leaders politiques, sans succès, il va sans dire…

Pour ma part, on me trouvera bien naïf ou bien cynique, mais je ne crois pas qu’aucun homme, aucune femme politique ne pourra jamais changer quoi que ce soit au cours des choses. Pour moi, le seul maître réel devant lequel tous se courbent, c’est l’argent.

Point, à la ligne…

samedi 11 mai 2013

Célébrer les mères


Si vous m’avez suivi un tant soit peu dans ces lieux d’écriture, vous savez que je ne m’attache pas particulièrement aux fêtes officielles qui parsèment l’année. Certes, elles peuvent être dignes de mention, mais mis à part Noël ou Pâques, elles ne méritent, la plupart du temps, qu’une mention (puisqu’elles en sont dignes) et peut-être une mention honorable si elles s’accompagnent d’un congé férié.

La fête des mères est d’une autre espèce. Pour plusieurs raisons. La première c’est que du pape au plus tordu des malfrats, nous avons tous eu — ou avons encore si on a de la chance — une mère. Connue et appréciée ou — si on n’a pas de chance — inconnue. Mais nous sommes nés d’une mère qui, pendant neuf mois environ, nous a portés comme on porte une charge lourde et encombrante, qui nous a accouchés, qui nous a torchés et qui a fait ce qu’elle a pu pour nous. Certaines ont fait beaucoup pour le «fruit de leurs entrailles», comme on le dit dans la prière que vous connaissez sans doute (une drôle d’expression, du reste, qui fait un peu merdique, mais bon, la religion se le permet hardiment, comme toujours et avouez que l'image est juste), d’autres moins, mais une mère reste, à la différence du père, le passage obligé pour quiconque vient au monde.

La mienne a fait sa part. Plus que sa part, c’est clair et j’en témoigne. Décédée à 78 ans d'un cancer et d’une usure dont nous, ses trois fils, portons une bonne part, elle fut indéniablement une bonne mère. Pas parfaite, bien sûr — tous connaissaient son côté mère-poule un peu excessif — mais qui voudrait d’une mère parfaite, je vous le demande? Si bien qu’elle a donné ce qu’elle avait, sans retenue, sans compter, sans rien attendre en retour. Et si ce n’est pas de l’amour, ça les amis, dites-moi ce que c’est!... En fait, je ne suis pas sûr que l’amour d’une mère ne soit pas la forme la plus élevée de l’amour : totalement altruiste, totalement tourné vers le «fruit de ses entrailles», puisque vous aimez l’expression.

Donc la fête a toutes ses raisons d’être, car il convient de s’arrêter non pas au fait d’être mère — puisque toute fille peut le devenir en moins de temps qu’il ne m’en faut pour l’écrire —, comme au fait que toutes les mères du monde partagent cet amour inconditionnel pour leur rejeton et qu’il est bon de s’en souvenir. Aujourd’hui, presque huit ans après son décès (elle nous a quittés le 13 octobre 2005), elle reste toujours ma mère et je pense que cette fête est une bonne occasion d’y penser et de se remémorer ce que fut sa vie avec ses nous, ses enfants. D'ailleurs en a-t-elle eu une autre?

C’est pour cette raison que j’ai fort apprécié le très touchant texte de Stéphane Laporte (merci Diane!).  Il y est question de tasses fines «pour la visite». Et bien entendu, cela m’a rappelé que chez nous aussi, il y avait de la vaisselle pour les grandes occasions, la fierté de maman…

Mais trêve de nostalgie : je veux juste en profiter pour souhaiter à toutes les mamans que nous connaissons (et  du coup à celles que nous ne connaissons pas également, bien sûr) une journée de fête des mères où vous pourrez vous faire gâter un peu. Un jour sur 365, il me semble que ce n’est certainement pas exagéré…

Et puis les plus jeunes, ceux et celles dont la mère est encore vivante, profitez-en donc pour lui dire que vous l’aimez, tiens… C’est sans doute le cadeau qu’elle appréciera le plus!...

mardi 7 mai 2013

Haïti par la main



Lorsque je me fais dire, et par mon jeune frère de surcroît, que je me relâche, c’est qu’il faut que je m’y mette sans plus tarder, n'est-ce pas! Je parle de nos rendez-vous en ces lieux d'écriture, au cas où vous n'auriez pas suivi. Alors me revoici. Le plus drôle, c’est que j’avais déjà amorcé un texte qui ferait écho à celui d'hier de Chantal Guy qui, vous le savez si vous retenez ce que vous lisez sur ce site, nous offre de bons textes sur le pays : «Haïti, l'île magique», «Danser avec les lwa» (elle voulait dire 'loa'), voire quelques conseils pratiques tout à fait... pratiques!

Le texte de madame Guy s’attarde cette fois le forfait Haïti que Transat Tours propose maintenant depuis quelques mois. Je vous ai dit que j’en restais personnellement plutôt sceptique. L’intention m’en paraît noble, c’est vrai, mais je vous ai dit aussi qu’il y avait loin de la coupe aux lèvres… Je n’ai pas changé d’idée. Mme Guy conclut qu’il faut se hâter de réserver sa place, car ce forfait deviendra bientôt la formule des gens branchés. «Mon verdict : avec seulement 30 places par mois, réservez vos billets rapidement. Ce forfait a toutes les chances de devenir très "tendance"». Je n’en suis pas si sûr… Certes, il s’en trouvera toujours pour faire des choses différentes juste pour pouvoir s’en vanter après mais je ne souhaite pas que cette «tendance» devienne la marque d’un voyage en Haïti, style : «J’ai vu Haïti et ouf! j’en suis revenu vivant!» Haïti vaut mieux que ça. Et pourtant, Transat offre en sortant de l’avion, un étourdissant cocktail touristique haïtien qui, comme le souligne Mme Guy, risque de donner un peu la nausée : «Après un programme aussi décoiffant en seulement deux jours, on n'est pas fâché d'aller se reposer sur la plage.» Je ne dis pas que la capitale n’est pas intéressante, mais je maintiens que ses problèmes dépassent largement ses attractions et pour un ou une touriste peu ou pas préparé, elle peut représenter une source de stress nocif bien plus qu’une source d’émerveillements. Il me semble qu’il y a mieux à faire… Tout comme il y a mieux, beaucoup mieux que la côte des Arcadins, là où les plages (privées) sont minuscules et la mer, souvent sale, sans doute à cause de la proximité de la capitale ce qui est sans doute précisément en fait la raison pour laquelle on y emmène les touristes : parce que c'est proche (et non parce que c'est sale, ne pas se méprendre). En outre, j’ajoute, pour appuyer mon point, que les photos qui accompagnent l’article sont toutes prises à Jacmel, capitale du sud-est et fleuron glorieux de tout le pays. D’ailleurs, Mme Guy nous a déjà vanté les avantages de cette jolie petite ville. Alors dites-moi : pourquoi ne pas aiguiller les touristes vers Jacmel plutôt que la côte des Arcadins? Il me semble que cela serait plus approprié. Jacmel n’offre pas de longues plages de sable comme celles que nous avons dans notre coin de pays, mais ses décors sont très pittoresques, la ville est animée et délurée, on y trouve de forts jolies choses artisanales à bon prix et les bons hôtels ne manquent pas. Et je ne parle pas de Bassin bleu, une excursion qui, à elle seule, vaut vraiment le détour, comme dirait Michelin…

Cela dit, il est bon qu’une journaliste aguerrie qui, en plus, est déjà familière avec le pays, fasse les éloges d'Haïti. Je pense que la chose a nettement plus de poids que si elle provient d’un hurluberlu de ma trempe… Mais il faudra plus. Il faudra que le bouche à oreille se fasse et sans retenue, sans bémol. Il faudra que ceux et celles qui auront voyagé au pays se fassent ensuite les porte-parole du tourisme haïtien. Il faudra du temps. Et de l’argent, bien sûr. Et de la sécurité. Et des voitures de location à des tarifs abordables. Sinon, c’est le tourisme en boîtes de conserve assuré. Et Haïti mérite tellement mieux…!

Tout de même et juste pour voir : offrez-vous donc ce forfait avec Transat et dites-m'en donc des nouvelles!

mercredi 1 mai 2013

Des histoires qu'on n'aime pas entendre


Drôle de sujet pour commencer le mois...

En fait, c'est que j’avais décidé de ne pas commenter la chose. Ma compagne était d’ailleurs tout à fait d’accord avec moi, pour à peu près les mêmes raisons, entre autres question de retenue et de respect. Mais bon. Arrive ce qui arrive et je n’ai pas toujours que des belles histoires à vous raconter… Or, celle-ci n’a rien de reluisant, je vous le dis tout de suite, car on n'est jamais content d'apprendre qu'un étranger, un Canadien de surcroît, s’est fait assassiner à Port-au-Prince...

J’ai appris la nouvelle d’une source digne de foi jeudi dernier, mais sans détails. Le lendemain vendredi, paraissait cet entrefilet sur Haiti Libre qui nous donne quelques petits détails supplémentaires, mais dans lequel on sent une volonté de rapetisser le drame, de ne pas en faire tout un plat, histoire de ne pas trop inquiéter les étrangers sans doute… Je vous le cite textuellement :
«Un Religieux canadien abattu à la sortie d’une banque
«Jeudi matin, un religieux de la congrégation des marianistes de Québec, Richard Joyal, 62 ans, originaire du Manitoba a été tué par balle et dévalisé par deux inconnus non identifiés circulant à bord d’une moto, après avoir effectué un retrait de 1,000 dollars américains dans une succursale de la Banque Scotia, à Port-au-Prince.»
Je n'ai pas eu d'autres détails, sauf que d’après ce que j’ai compris, le frère (puisque c'en est un) aurait refusé de remettre son sac à main, ce qui aurait entraîné la réponse furieuse et létale de l’un des bandits : trois balles, tirées presque à bout portant. Largement de quoi mourir, vous serez d'accord... La chose est bien triste, même si elle est hélas! de plus en plus fréquente, surtout dans la capitale. Et pendant ce temps, on essaie de vendre le tourisme, en affirmant haut et fort que le pays n'a jamais été aussi sûr qu'il ne l'est présentement...

Pourtant, ce n'est pas tout à fait vrai. Et l’événement ne fait que confirmer ce que nous savons déjà, à savoir que la capitale est, en fait, de moins en moins sûre et que tout peut arriver sans qu’on n’y puisse rien. La police et le ministère de la justice se congratulent mutuellement en présentant des chiffres qui montrent une diminution de la criminalité, certes, mais ce ne sont que des chiffres… Allez donc demander à la famille de ce pauvre gars ce qu’ils en pensent, des chiffres… Toujours sur Haiti Libre, on annonce aujourd’hui que «lundi [dernier], Frantz Lerebours, Porte parole de la Police Nationale d’Haïti (PNH) a annoncé qu’un suspect, Dorval Jean Idor alias "Gwo mal" avait été arrêté samedi à Delmas en lien avec l’assassinat d'un Religieux canadien abattu à la sortie d’une banque la semaine dernière.» Est-ce le bon agresseur? L'histoire nous le dira peut-être, mais peut-être pas... De toute façon et de vous à moi, qu'est-ce que ça change?

Il faut comprendre que dans un pays comme Haïti, où les cartes de crédit sont peu reconnues et celles de débit, inexistantes, la seule façon pratique d’acheter, c’est l’argent sonnant. Le cash. Tout le monde assume donc, non sans raison je le répète, que les nantis ont les poches pleines, et les blancs sont automatiquement associés aux nantis. Moi qui n’ai jamais un sou vaillant sur moi, vous devriez voir la tête des enfants qui mendient lorsque, de façon très ostentatoire, je tourne mes poches à l’envers… Bouche bée, oui!... Mais cette association automatique blanc = argent nous est souvent néfaste, voire dangereuse, au point où l’on y pense à deux fois avant de se présenter à la banque… Et pourtant, il faut bien y passer quelquefois! Heureusement, ce qui se passe couramment à Port-au-Prince reste exceptionnel ici aux Cayes et c’est avec cette idée qu’on poursuit nos activités habituelles sans s'inquiéter davantage. Et puis, disons-le : un peu de fatalisme n’est pas nuisible. Style, ce qui doit arriver arrivera. Style, advienne que pourra. La peur, dans ce pays, n’est pas de mise. Sinon on n’y vient pas. Sinon, on s’abstient.

Et avouez qu’il serait bien dommage de s’abstenir de venir en Haïti sous prétexte que c’est dangereux…!