dimanche 19 mai 2013
La raison du marchand est toujours la meilleure
C'est souvent les situations ordinaires qui nous font pleinement prendre conscience de la différence de mentalité, de la façon de voir et de concevoir les choses des Haïtiens par rapport à nous, les Nord-américains. L'exemple que je vous donne aujourd'hui est tout à fait réel et a d'ailleurs provoqué une montée de ma tension qui m'a fait hausser le ton, sans pour autant que je m'en fasse comprendre mieux (incidemment, c'est toujours ce qui se passe : si je monte le ton, on me dit que je parle fort, on me croit en colère — en colère moi? Ben voyons! — et on attend que l'orage verbal passe sans même chercher à comprendre ce qui a provoqué mon indignation).
C'était il y a quelques jours et cela concernait la façon de faire d'un marchand de blocs de béton. Je vous raconte l'affaire.
Ayant décidé de remplacer la clôture en grillage de type "frost" qui ceint le terrain de notre hôpital par un mur de blocs de béton (pour des raisons de sécurité), nous avons passé la commande chez l'un de nos fournisseurs habituels : 1,800 blocs au total, soit une facture d’un peu plus de $1,000 US, de quoi faire plaisir au marchand, vous n'en disconviendrez, surtout lorsque la commande est payée rubis sur l'ongle avant même qu'elle ne soit livrée! Or, une telle quantité de blocs ne peut se livrer d'un seul coup et nous avons reçu les blocs environ 200 à la fois. Jusque là, rien à dire. Mais voilà qu’hier matin, nous manquons de blocs. «Mais où est le reste?» demandé-je à mon contremaître. Eh bien il semble que le marchand, voyant que nous n’utilisions les blocs que petit à petit, ait décidé de vendre ce qui était notre lot, quitte à nous en fabriquer d’autres lorsque nous en manifesterions le besoin. Et mon contremaître d’insister : ce n’est pas la faute du marchand, mais bien la nôtre, puisque c’est nous qui n’avions pas besoin de tous ces blocs immédiatement!... Je vous laisse imaginer ma stupéfaction et mon courroux. «Mais qu’est-ce que tu me racontes là, lui dis-je, ces blocs sont à nous, nous les avons payés et la seule raison pour laquelle ils ne sont pas livrés c’est parce que le marchand prend trop de temps à le faire!» Mais c’est peine perdue : mon contremaître n’en démord pas : «se pa fot li», il manquait de blocs, des clients en voulaient, il leur a vendu les nôtres et c’est aussi simple que ça! En fin d’après-midi, nous avons reçu une centaine de blocs, à peine sortis des moules et donc, friables comme un château de sable… Explication de mon contremaître : c’est normal, ces blocs viennent tout juste d’être faits, et loué soit le marchand pour faire tant d’efforts pour nous donner satisfaction! Quand je vous dis que ma pression a monté sensiblement…
Finalement, les blocs ont continué d’être livrés à raison de quelques centaines à la fois. Je ne suis pas certain que le compte soit bon, mais mon contremaître me dit que c’est le cas, alors je m’y fie. Le devrais-je?... Si vous êtes comme moi, vous aurez certains doutes… Mais bon. L’érection du mur va bon train et nous pourrons toujours, lorsqu’il sera achevé, faire le décompte exact des blocs qu’il contient… Chose certaine, ce sera un bon mur, alors de quoi me plaindrais-je?
Reste qu’il est tout de même étonnant de voir qu’ici, ce n’est pas le client qui a raison, c’est le marchand! De quoi en faire une (petite) montée de lait, vous ne croyez pas, vous autres?
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