samedi 17 mars 2012

Il n'y a pas de saison heureuse


Une fois de plus, je pars du texte de Frantz Duval, éditorialiste au journal Le Nouvelliste - et dont j'emprunte le titre même -, pour vous signaler une situation que vous ne pouvez pas vraiment imaginer. Nous non plus d'ailleurs, car ce n'est pas la nôtre, sauf que nous l'avons constatée de nos propres yeux, alors il faut bien l'admettre... Dit simplement et c'est là la conclusion de l'article de M. Duval : «Il pleut, ne pleurons pas plus que de raison, la sécheresse n'est pas une meilleure saison.» Misère d'Haïti, de Port-au-Prince tout spécialement, où s'entassent tant bien que mal plus de 3 millions d'habitants dans une ville en grosse partie détruite et pas encore reconstruite, soumise à des intempéries excessives. Un proverbe haïtien résume assez bien le sort du peuple : «Vant vid se mizè, vant plen se traka» (Le ventre vide, c'est la misère, le ventre plein, c'est un tracas). En d'autres termes, on passe aisément en ce pays de Charybde en Scylla, de la sécheresse excessive à la pluie excessive, et les problèmes ne font que changer sans diminuer en intensité. D'où l'article de M. Duval, que je ne saurais trop vous recommander, si vous voulez une belle image de la situation qui prévaut actuellement à Port-au-Prince et que décrit d'ailleurs avec plus de détails et quelques photos cet article.

Car présentement, il pleut. Non, ce n'est pas la saison des pluies et en fait, cette fameuse saison possède des contours si flous qu'elle est vraiment difficile à cerner. En principe, le gros de la pluie est censé tomber en août-septembre, mais il peut aussi pleuvoir des cordes à peu près n'importe quand et lorsqu'il pleut sans discontinuer, ces tonnes d'eau qui s'abattent rendent la vie déjà pénible encore plus difficile, voire précaire. Car oui, on en meurt quelquefois. Pourtant, la pluie tombe depuis toujours, phénomène naturel s'il en est un, alors pourquoi serait-elle source de tracas maintenant plus qu'autrefois? Je dirais les conditions de vie, tout simplement. Elles se sont détériorées depuis le tremblement de terre, je ne vous apprends rien, et les excès de pluie qui transforment les rues et les sentiers en coulées de boue deviennent parfois meurtrières. Mais c'est surtout le désespoir qui, avec la pluie, s'installe à demeure. Ce sentiment que le Ciel s'acharne et qu'on n'y peut rien. La pluie est bénéfique, certes, mais elle est davantage source de problèmes, à commencer par les toits qui coulent et les rues transformées en bourbiers. Le soleil, c'est mieux. D'ailleurs et comme le dit un autre proverbe : «Kay koule tronpe soley men li pa tronpe lapli.» (La maison [dont le toit] coule peut tromper le soleil, mais elle ne trompe pas la pluie). La pluie révèle les défauts d'une armure bien fragile contre ces intempéries excessives... Alors on se résigne et comme toujours, on attend que ça passe... Mais si vous lisez l'article de Frantz Duval – et je vous exhorte à le faire – vous allez comprendre que cette résignation est rendue encore plus difficile à cause du changement d'heure! Je vous l'avais dit dans mon texte précédent et Duval l'exprime aussi : «Cinq heures de la nouvelle heure, rien n'a changé, sinon le rythme de la vie. On se réveille avant les aurores pour affronter le noir, la peur au ventre...» Car oui, il fait noir encore à 5 h, en fait, il fait presque noir encore même à 6 h, alors pour les avantages de la nouvelle heure, ben on repassera... Car la noirceur, source de peur, s'accroît tout comme la peur lorsque la pluie déverse ses torrents et retarde l'arrivée de la lumière...

Conditions de vie difficiles, dites-vous? C'est peu dire. Mais c'est la réalité alors rien ne sert de fermer les yeux pour ne pas la voir...

Aux Cayes, nous avons eu aussi quelques bonnes pluies au cours de la semaine; mais rien pour nous mettre à genoux, rien pour empêcher les activités quotidiennes de s'accomplir. D'où mon commentaire initial que la situation décrite par Duval ne s'applique pas à nous. En tout cas pas encore. C'est un cadeau du Ciel. Qu'il faut apprécier pleinement en attendant qu'il nous tombe sur la tête...

2 commentaires:

  1. Je t'ai écouté, Richard! J'ai lu ton article et celui de M. Duval et je ne peux m'empêcher de penser (banalement), on est bien au Québec avec nos -25 en hiver, nos routes fermées par une courte tempête, le soleil qui luit sur une nouvelle neige si blanche, recouvrant sol et arbres, l'arrivée du printemps et l'énergie qu'on sent reprendre partout, à l'extérieur, à l'intérieur...

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  2. Merci Anonyme. Commentaire très apprécié parce que très véridique...

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