«Otite séromuqueuse». Voilà, vous savez tout de la suite de mon texte précédent. La remontée a commencé, la perception auditive s’améliore, les bourdonnements s’estompent, bref, ma chère compagne se remet petit à petit. Merci de votre compassion.
Mais ce n’est pas de maladie dont je veux vous parler aujourd’hui. En fait, et bien que j’aie déjà rédigé une partie de texte sur un autre thème, c’est en lisant Foglia et sa série accidents que je me suis décidé à réagir là-dessus. Rarement le cher homme donne-t-il dans le pathos comme ça. Mais depuis le premier de ces textes, il nous plonge dans le sordide et le macabre et franchement, j’avoue ne pas en comprendre trop la visée. Car oui, un accident de voiture dans lequel des personnes meurent est toujours une chose horrible, terrible, accablante et tellement, tellement inutile et injuste. Mais cela, nous le savons tous et toutes, alors avons-nous besoin de ces narrations d’un goût pour le moins douteux? Remarquez que je ne dis pas qu’il faut s’enfoncer dans le cocon de l’inconscience, fermer les yeux et se laisser bercer par cette mélopée si bien connue : «ça n’arrive qu’aux autres». Non. Je ne dis pas cela. Mais il me semble que s’abreuver de ces horribles accidents aux issues encore plus horribles ne fait pas avancer la cause d’une conscience plus aiguisée du danger. Car un accident, ne l'oublions pas, reste toujours un accident, n’en déplaise à M. Foglia. Un accident, par définition, c’est le contraire d’une intention et bien que l’effet puisse parfois être le même, la cause fait toute la différence. Or, même les jeunes qui sont saouls ou gelés comme des balles n’ont pas, a priori à tout le moins, l’intention de tuer quelqu’un en montant dans leur voiture à 3 h du matin et en roulant à 180 km. Inconscience, arrogance même, nous sommes d’accord. Mais intention? Non. Et disant cela, je ne veux pas qu’on croit que je me fais l’avocat du diable ou le défenseur des jeunes défoncés qui tuent au moyen d’une voiture. Ils sont responsables et leur responsabilité va bien au-delà de ce qu’une cour de justice peut déterminer en termes de limite de cette responsabilité. Pas question de les déresponsabiliser donc, pas question de minimiser les conséquences de leurs mauvais choix. Mais on ne doit pas pour autant perdre de vue que l’accident est, par définition, ce qu’on n’a pas prévu, voire ce qui n’était pas prévisible. En fait, selon le dictionnaire, un accident est «un événement fortuit ou imprévu qui interrompt le cours attendu des choses.» J'aime assez. Un accident de la route, c’est ça. Peu importe les circonstances extérieures, l’accident n’est pas volontaire, il est… accidentel.
Et parlant de circonstances extérieures, laissez-moi vous dire que nos routes haïtiennes n’en manquent pas : trous, bosses, roches tombées du versant de la montagne, branches cassées, obstacles de tout genre, chèvres, bœufs, ânes ou chevaux, sans oublier les poules ni l’obstacle le plus stressant : l’humain, pour qui la route nationale n’est qu’une extension de la place publique. Ajoutez à cela les autres véhicules qui roulent sans phares, sans avertisseur, sans rétroviseurs, voire sans freins et vous saurez à peu près tout. Dire que la route ici est un danger est vraiment peu dire : c’est un jeu de roulette russe. Pourtant, même à la roulette russe, les chances de ne pas mourir sont nettement supérieures à celle de tomber sur la balle fatidique… Remarquez d’ailleurs que le mot fatidique trouve ici tout son sens : c’est le destin qui frappe. C’est le destin qui tue. Si bien que, conscient de cette fatalité qui ne nous appartient pas, je pense qu’il faut se résigner à admettre que, peu importe les mesures que l’on pourra prendre pour les prévenir ou les éviter, il y aura toujours des accidents.
Et l’inconscience, l’ignorance, le je-m’en-foutisme? Eh bien là, je suis d’accord : il faut punir et assez sévèrement pour que la leçon porte ses fruits. Mais on ne punit pas l’accident. On ne punit pas ses causes ou ses agents: on en souffre seulement...
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