mardi 27 septembre 2011
Un autre départ
Y’a pas à dire : les départs se suivent mais ne se ressemblent pas. Enfin pas tous. Certains pour des raisons logistiques, d'autres pour des raisons économiques, certains enfin pour des raisons sentimentales, si l'on peut dire... Ainsi, quand on quitte Haïti, c’est toujours légèrement — je parle des bagages, au cas où vous n’auriez pas deviné —, alors que lorsque nous quittons le Québec, c’est toujours à la limite voire en excédent de ce à quoi nous avons droit. C’est que pour nous, quitter Haïti n’est que provisoire, puisqu’on y revient sans trop tarder. En revanche, quitter le Québec représente un exode qui lui s’étend parfois sur une période assez longue — 9, 10 voire 11 mois. Il faut donc faire quelques provisions, objets utiles ou carrément indispensables (matériel médical, précisons-le) qui ne se trouvent pas en Haïti. Cela dit, il me faut reconnaître que, comparativement aux premières années de notre vie en ce pays, l’approvisionnement est nettement en hausse. On trouve maintenant aux Cayes — et bien davantage encore à la capitale — des produits complètement absents il y a tout juste quelques années. Mais pour certaines choses, entre autres les équipements médicaux, il faut acheter ailleurs, et pourquoi pas au Québec tant qu’à y être…
Donc, on achète, on multiplie les valises (sacs souples en fait) et on repart souvent chargés comme des mules. Mais sans s’en plaindre... (Enfin pas trop...)
Côté cœur, bien qu’il nous soit toujours un peu pénible de laisser nos pénates nordiques derrière, il nous est toujours agréable de renouer avec ceux qui nous attendent en Haïti. Et pour tout vous dire, c’est une sensation plutôt agréable que celle de retrouver ses pénates : on se sent en territoire familier, en terrain de connaissance. Haïti est un pays différent de tout ce que l’Amérique du Nord a à proposer et au début, on ne s’y sent qu’étranger. Rien de plus. Puis, peu à peu, à peu près au même rythme que le pays vous apprivoise, l’on commence à apprivoiser le pays. À s’y sentir chez soi. Allez donc expliquer la chose! Mais ça marche. Et bien qu’il nous soit toujours aussi difficile d’expliquer à nos proches la ou les raisons de notre établissement en terre haïtienne, la plupart comprennent maintenant que c’est affaire de cœur plus que de raison et respectent ce choix, tout marginal qu’il puisse être.
Mais j’aurais tort de vouloir prétendre que le présent départ nous met en joie. Cette fois, plus que d’autres, il est triste. Pour plusieurs raisons. La température, par exemple : 24° C un 26 septembre, c’est pas commun. Je parie que, bien motivé, il eût été possible de se baigner dans l’eau du lac, tiens…! Et quand il fait beau comme ça, disons que ce n’est nullement un incitatif à s’envoler vers les tropiques… Pour nous qui résidons en forêt, cette température digne des très belles journées d’été est tout simplement merveilleuse et constitue une belle invitation à se promener le nez en l’air… tout en faisant attention aux champignons! Partir? Pourquoi? Pour retrouver nos petits problèmes? Pour souffrir encore de la chaleur accablante?... Euh… pas tellement... Et vous, ça vous dit? Et puis il y a d’autres facteurs qui rendent ce départ plus difficile, plus «tiraillant», si vous me permettez le québécisme… Mais je vous les épargne. Qu’il me suffise de dire que, puisque le vin est tiré, nous allons le boire; nous laisserons l’avion nous emporter vers ces cieux qui nous sont maintenant si familiers…
Somme toute, de belles vacances, comme toujours trop courtes mais qui nous ont tout de même permis de reposer notre carcasse vieillissante (je parle de la mienne, cela va sans dire) et de découvrir un coin bien spécial de ce pays qui nous a vus naître.
Et Haïti dans tout ça? Faut attendre qu’on y soit pour s’y remettre, n’est-ce pas? Alors un peu de patience, je vous en prie…
vendredi 23 septembre 2011
Fin septembre...
Fin septembre... Les feuilles commencent à changer de couleur, comme si elles étaient déjà fatiguées de leur saine verdeur. Certaines, sans doute déprimées par le temps maussade, ont choisi de se laisser choir au sol, sachant très bien que c’est là que leurs semblables finiront, tôt ou tard. Alors quelle différence qu’on décroche un peu plus tôt ou un peu plus tard? Certains oiseaux, prévoyants, sont déjà partis vers le sud; ils savent que le voyage sera long et parsemé d’embûches. Rien à voir avec le nôtre qui, en quatre heures seulement, nous fera passer de ce temps frais tout à fait de saison à cette chaleur tropicale que nous connaissons si bien. Quatre heures seulement… Juste pour aller aux Îles, ces fameuses îles capables de vous virer le cœur à l’envers, il faut compter cinq heures de bateau! Tout est relatif, n’est-ce pas? Mais bon. L’essentiel est qu’on y arrive…
Le temps, parlons-en. S’il est parfois ensoleillé, il est surtout gris avec un ciel bas, «si bas qu’un canal s’est perdu» dirait Brel, et d’une fraîcheur qui laisse penser que le pire reste à venir. Pourtant, je l’avoue, j’aime cette saison. Surtout dans notre milieu forestier, cela va sans dire. J’aime l’odeur de pourriture en forêt et ces champignons tellement gros qu’on risque de «s’enfarger» dedans… Les petits habitants de la forêt, qui sentent ce qui s’en vient et en profitent pour faire leurs dernières provisions préhivernales… Les oiseaux, ceux qui restent, qui sont bien contents que la compétition s’en soit allée et qui se gavent de ces graines de tournesol qu’on leur sert gracieusement… Et les ciels d’automne, tantôt lourds, tantôt habités de petits cumulus qui somnolent paresseusement, mais toujours limpides à cause du temps frais. Une belle saison de transition, l’automne. Une saison de conclusion. Une saison terminale. La nature a accompli son cycle, a donné ce qu’elle avait à donner et se prépare tout doucement à piquer son somme annuel dans le confort douillet de son manteau blanc. Voilà l’automne sous le 48e parallèle. Rien de tout cela sous nos latitudes tropicales…
L’automne, c’est aussi, par définition presque, la saison triste, puisqu’il marque la fin de l’été, des beaux jours, de la baignade et pour plusieurs, des vacances estivales. Triste, le retour en classe; triste, le retour au travail; triste l’inévitable progression vers le froid.
Et cette tristesse est aussi nôtre pour certaines des raisons mentionnées ci-dessus (fin des vacances, retour au travail…) et pour d’autres, plus personnelles. Mais il faut ce qu’il faut, n’est-ce pas? Il faut plier bagages, vidanger la tuyauterie et fermer l’eau, ranger les meubles de parterre, les vélos et le canot. Bref, il faut fermer boutique… jusqu’à la prochaine fois...
Et le réchauffement climatique, là-dedans? Eh bien, s’il passe inaperçu sous les tropiques, j’aurais tendance à dire qu’il est perceptible sous cette latitude plus nordique. Il me semble qu’il ne fait pas si froid que jadis et juste pour vous dire, je connais une certaine personne — que la discrétion m’empêche ici de nommer — qui s’est baignée dans le golfe du Saint-Laurent ce 18 septembre dernier!... Je sais, je sais, ça ne veut rien dire. Mais j’ai comme l’impression au contraire que c’est là un indice de plus que la température est plus douce présentement qu’elle avait coutume de l’être «dans mon jeune temps»…
Mais tant que les feuilles continueront de changer de couleur, l’automne restera l’automne et bain tardif ou pas, l’hiver s’en vient, n’en doutez pas, gens du nord…
dimanche 18 septembre 2011
Le vent du large
J’ai déjà dit que les départs étaient source de stress. Cependant, je n’ai jamais mentionné dans le cadre de cet assemblage de textes qu’ils pouvaient être tristes et douloureux. Et pourtant, c'est ce qui s'est passé avec celui qui nous a fait quitter les Îles de la Madeleine. Pour des raisons que je vous ai exprimées dans mon dernier texte et qui ont trait à la magie de ces îles, bien sûr, mais aussi et surtout pour des motifs personnels que vous connaissez également.
Le but de ce voyage aux Îles, je vous le redis au cas où vous l’auriez oublié, c’était d’abord de renouer avec ma vieille amie et, en second lieu, d’arpenter ces îles dont on dit tant de belles choses. Toutes méritées, soit dit en passant : les îles sont pittoresques, la mer y est omniprésente et les maisons plantées ici et là, au gré de la fantaisie des habitants semble-t-il, accrochent autant de notes colorées dans cet univers paisible. Les habitants, je le redis, ont été à la mesure de leur réputation : hospitaliers, simples et accueillants. La chose s’est trouvée confirmée au Café de la Grave où la propriétaire, la jeune et jolie Sonia, est venue nous saluer et jaser avec nous comme si nous étions déjà de vieux habitués…
Mais le clou de ce bref séjour fut sans contredit les retrouvailles avec ma très chère amie. Vous croyez que quarante ans, c’est long? Eh bien vous vous trompez! Évanouis, les quarante ans d’absence! On se retrouve comme si on s’était quittés la semaine d’avant et le passé se dissipe comme la brume matinale lorsque le soleil monte à l’horizon. Tout se passe au présent (hormis quelques photos qui nous rappellent incontestablement, qu’on le veuille ou non, que le temps a passé) et la famille qui nous accueille nous fait passer des moments inoubliables. Des retrouvailles merveilleuses donc, qui ont donné le ton à cette visite et qui nous ont permis, d’une façon un peu privilégiée, d’apprécier d’autant mieux ce que les Îles ont à offrir. Bref, nous avons été conquis!
J’aurais tort de vouloir tout vous dire : les quelques jours passés sur ces îles perdues au beau milieu de nulle part ont été tout sauf ordinaires et j’aurais trop à faire de vouloir vous en relater les détails. Imaginez-les plutôt. Imaginez la mer, quelquefois d’un calme pictural, quelquefois survoltée; imaginez le décor, tantôt presque désertique, tantôt couvert de conifères; imaginez ces gens, toujours souriants, toujours prêts à commenter la température, le jardin du voisin ou la qualité des fruits de mer… Imaginez et vous saurez tout. De toute façon, aussi bien vous le dire, les Îles se prêtent merveilleusement aux arabesques imaginaires…
Mais le temps passe et arrive le moment de quitter ces lieux magiques, ces gens merveilleux et ma si bonne amie. Ai-je besoin de vous dire qu’on s’en sent triste? On dit que les bonnes choses ont une fin et cette petite, mais ô combien dense partie de nos vacances en pays nordique n’échappe pas à cette pénible règle. Force nous fut donc de rembarquer, nous contentant de voir une dernière fois, depuis le haut pont du navire, les côtes des îles s’estomper dans le vent du large…
Mais franchement les amis, que c’était beau, que c'était bon...
jeudi 15 septembre 2011
D'une île à une autre
Toutes les îles du monde, peu importe leur latitude, leur superficie ou leur relief, partagent une caractéristique géographique commune : elles sont toutes entourées d’eau. Il s’agit d’ailleurs de la définition traditionnelle d’une île, comme nous l’apprenions à la petite école : une terre entourée d’eau. Mais pour le reste, les îles peuvent être aussi distinctes qu’on puisse l’imaginer.
Vous le savez tous et toutes, maintenant : nous vivons sur une île, une grande île que se partagent deux pays. Une île tropicale. Pour nous, donc, rien de plus différent que de visiter une autre île, qui n’a rien de tropical et dont les dimensions restent très modestes et qui, pourtant, étonne par sa grande beauté et la cordialité de ses habitants. Cette île, ou plutôt ces îles, puisqu’il s’agit à proprement parler d’un archipel, sont situées en plein dans le golfe du Saint-Laurent, en haute mer donc, et assez loin du continent (cinq heures de ferry, tout de même...). Pour ceux ou celles qui n’auraient pas encore deviné, je parle, bien sûr des Îles de la Madeleine.
Quel bon vent nous a amenés ici? Le vent des retrouvailles, d’abord, et celui de la curiosité ensuite. Retrouvailles avec cette chère vieille amie dont les pénates, les mânes même ont pris racine en ces lieux mythiques. Quoi de plus naturel que de la visiter dans le milieu auquel elle appartient? A-t-on besoin d’autre justification? Les retrouvailles seules valaient largement le voyage. Mais l’île s’est fait charmante, presque autant que ma douce amie, et nous a conquis par sa géographie particulière et surtout, surtout par la chaleur de ses habitants. Ici, tout le monde parle à tout le monde et les touristes, encore nombreux malgré la saison presque terminée, se fondent à la masse et ne sont jamais laissés pour compte. Et pour cause : leur apport financier n’est certes pas à négliger et ils sont les moteurs de cette industrie dont j’ai parlé la dernière fois : l’industrie touristique. Mais il n'y a pas que l'apport financier : ici, on aime les gens et on l'exprime ouvertement, chaleureusement. Si bien que les touristes aiment «les Îles», comme tout le monde les désigne sans possible confusion avec d’autres îles… Les touristes aiment les Îles, y affluent surtout en haute saison (la saison estivale, vous l’avez compris) et souvent, s’y échouent, comme un bateau sur un haut-fond. Plusieurs sont venus, ont vu et, contrairement à César, ont été vaincu par le charme indéfinissable de ce milieu maritime. Alors ils s’y sont installés à demeure, certains pour contempler inlassablement les couchers de soleil, d’autres pour y gagner leur pitance, mais tous avec ce même sentiment d’avoir trouvé un éden qui, s’il n’est pas celui d’Adam et Ève, présente l’avantage de ne pas cacher de pommiers équivoques… En fait, les seuls pommiers des Îles sont justement situés sur la propriété du compagnon de mon amie, et de ces pommes, il tire deux cidres pas piqués des vers, ce qui est vraiment moins compliqué que la connaissance du bien et du mal, nous serons d'accord...
Toujours est-il que, séduits par les Îles, heureux d’avoir retrouvé ma vieille amie, nous ne pouvons que remercier le ciel qui, comme pour se faire apprécier davantage, a même poussé la clémence jusqu’à nous offrir du temps radieux et doux, doux, doux, tout à fait au diapason de notre humeur...
Sans doute les îles, quelles qu’elles soient, ont-elles toutes une âme à laquelle nous sommes plus ou moins sensibles et réceptifs, mais pour nous, celle d’Haïti et celle des Îles de la Madeleine nous parlent au cœur et nous font nous sentir bien. Juste bien. C’est quand même énorme, vous ne trouvez pas vous autres?
jeudi 8 septembre 2011
Du tourisme déguisé?
Vous le savez maintenant, ce sont souvent mes lectures qui m’inspirent et m’incitent à partager avec vous mes commentaires. L’article ici en est une bonne illustration, ne serait-ce que par son titre. Sa traduction française laisse un peu à désirer, mais est suffisamment proche de l’idée originale pour qu’on comprenne de quoi il retourne : les touristes affluent maintenant en Haïti, même s’ils sont d’un autre genre. Mais sont-ils vraiment d’un autre genre?
En fait, je pense que non. Le tourisme, tout le monde le sait, est d’abord une industrie, une source économique souvent extrêmement rentable, ne serait-ce que parce que les touristes dépensent des sous qu’ils n’ont pas gagnés là où ils vont. L’apport économique n’est donc pas négligeable et Haïti peut en bénéficier autant que n’importe quelle autre contrée dite touristique. Plus même. Cependant, les touristes sont, par définition, exigeants et c’est là le hic : les infrastructures haïtiennes ne sont pas à la hauteur des attentes des touristes moyens. Il y a bien quelques endroits ici et là qui offrent un produit touristique de qualité (hébergement et nourriture convenables, entre autres), mais ils ne sont pas légions. Dès lors, venir en Haïti en touriste implique un certain goût pour l’aventure et pour l’imprévu. Pourtant, le pays a beaucoup à offrir, tant sur le plan géographique (plages, montagnes, mer…) que sur le plan historique ou social. Haïti, selon l’expression consacrée «vaut le détour». Sans le moindre doute. Mais voilà : sans encadrement, venir en visite au pays est difficile, justement à cause de l’absence d’encadrement. Or, ce que font les organisations humanitaires, c’est précisément de fournir cet encadrement, cette logistique de base qui rend le séjour possible : c’est ainsi que sous prétexte de venir «aider» Haïti, on s’offre de petites vacances en pays exotique.
Certains diront que cette forme de tourisme déguisé est malsaine et trompeuse, puisque l’aide humanitaire est censée avoir des motivations beaucoup plus élevées, idéalistes ou… humanitaires quoi! Mais de vous à moi, ce n’est pas toujours le cas. Quand on lit — et je l’ai moi-même écrit — que l’aide humanitaire piétine en Haïti, c’est un constat vérifiable. Ce piétinement est loin de l’efficacité, de l’efficience et de la rentabilité. Les organisations humanitaires — religieuses ou laïques, peu importe ici —, s’appuient toutes sur de grands principes éthiques, notamment l’assistance au prochain, en l’occurrence Haïti-qui-souffre. Mais vous le savez : de la coupe aux lèvres, il y a toujours un bon bout de chemin et il arrive souvent que des intentions louables tombent à plat, érodées par des difficultés quotidiennes sous-estimées. Mais les volontaires affluent tout demême. Viennent aider. Veulent aider. Mais en profitent du même coup pour aller se reposer à la plage ou à l’hôtel quatre étoiles avec piscine limpide et acheter quelques souvenirs comme tout bon touriste qui se respecte. Se donner bonne conscience? Peut-être. Mais peut-être pas. Je pense pour ma part (et je m’appuie sur ma propre expérience) que les volontaires ne cherchent pas nécessairement à se déculpabiliser — après tout, de quoi seraient-ils coupables? — mais veulent plutôt profiter d’une occasion, en l’occurrence l’aide humanitaire, pour s’initier au pays. Voir si c’est vrai ce qu’on en dit : que le pays est merveilleux et ses gens, fascinants. C’est une très bonne chose. Haïti mérite plus que des envois d’argent, de médicaments ou de denrées périssables (!); il faut oser y venir, oser se frotter à son peuple, oser sourire et partager; il faut faire l’effort d’ouvrir l’huître de la misère pour découvrir la perle qu’elle cache, cette fameuse perle des Antilles dont les livres parlent…
Alors si le tourisme doit passer par le moule humanitaire pour s’enclencher, qu’il en soit ainsi. L’important est qu’il se développe. Car mieux que n’importe quelle aide humanitaire, s’il est une industrie capable de relever le pays, c’est bien le tourisme, et je ne suis pas le seul à le croire…
Alors, vous venez quand?
lundi 5 septembre 2011
Les uns et les autres
On nous demande parfois comment se passent nos relations avec les Haïtiens. La réponse est toujours la même : plutôt bien, compte tenu des énormes et irréductibles différences culturelles et sociales. D’abord, ne l’oublions pas, nous sommes blancs dans un pays noir. Difficile de passer inaperçus, vous l’avez compris. Difficile de passer pour des autochtones, bien que parfois et malgré notre teint pâle, le doute fleurit dans certains esprits... Mais règle générale, les Haïtiens ne sont nullement racistes et j’entends par là, portés à nous juger en s’appuyant sur des clichés en rapport avec la couleur de notre peau, entre autres. Nous avons toujours l’impression d’être accueillis avec une ardoise propre sur laquelle seront inscrits, par la suite, les traits personnels que nous exprimerons. En d’autres termes, si l’on est «corrects», tout se passera bien et dans le cas contraire, nous serons laissés pour compte tout simplement. Or, pour nous et en règle générale, nous sommes perçus comme «corrects» et donc nos rapports sont essentiellement cordiaux.
Cette cordialité s’étend tout particulièrement aux relations que nous entretenons avec les employés de notre petit hôpital. Au fil des ans, les employés ont appris à nous connaître et à apprécier notre direction rationnelle mais permissive, efficiente mais personnalisée. Nous connaissons nos quelque 90 employés individuellement et sommes en mesure de comprendre leurs situations. Comme plusieurs me le disent encore : «Ou papa nou». Tu es notre papa. Et ce n’est sans doute pas si loin de la vérité : la relation avec les employés ressemble en effet souvent à une relation familiale où l’autorité, représentée et assumée par le chef de famille, reste néanmoins discutable et négociable. Juste pour vous dire, encore la semaine dernière, une infirmière venait me voir pour justifier sa vision des choses et après l’avoir écoutée s’exprimer librement, j’ai effectivement reconsidéré la question et lui ai donné raison. D’autres me fournissent parfois des explications tout à fait farfelues auxquelles je ne peux malheureusement pas acquiescer. Alors, c’est non. Mais l’idée du non, c’est qu’il doit rester admissible par celui ou celle qui en fait l’objet. Car il y a plusieurs façons de dire non, je ne vous apprends rien ici…
Alors, quelle est la règle? Je dirais qu’il y en a deux. La première, c’est d’accepter que si l’on est chef, on doit assumer la charge qui l’accompagne. Un proverbe haïtien le dit bien d’ailleurs : «Responsab se chaj». Être responsable, c’est une charge. C’est incidemment un point que je rappelle souvent à nos employés : la charge n’est pas toujours plaisante, mais elle est incontournable. On ne peut pas la prendre un jour et la refuser le lendemain. La seconde, c’est tout simplement la vieille règle d’or éthique qui dit qu’on ne doit pas faire à autrui ce qu’on ne veut pas qu’autrui nous fasse (ou son pendant à la forme affirmative : on fait à autrui ce qu’on voudrait qu’autrui nous fasse— sado-masos, s’abstenir!). Cependant et malgré tout le gros bon sens de cette règle, elle n’est pas toujours applicable en situation d’autorité et il arrive parfois qu’on doive prendre des décisions dont on n’aimerait pas vraiment faire les frais (un congédiement par exemple). Ce n’est jamais une source de joie, mais s’il le faut, il le faut et on ne recule pas. Et les relations humaines, en bout de ligne, ne s’en portent pas plus mal, bien au contraire.
Somme toute, une bonne relation s’appuie sur l’estime mutuelle, le respect partagé et l’honnêteté, qualités qui sont courantes chez le peuple haïtien. Et nous? Ben nous, on se sent tout à fait à l’aise là-dedans...
Cette cordialité s’étend tout particulièrement aux relations que nous entretenons avec les employés de notre petit hôpital. Au fil des ans, les employés ont appris à nous connaître et à apprécier notre direction rationnelle mais permissive, efficiente mais personnalisée. Nous connaissons nos quelque 90 employés individuellement et sommes en mesure de comprendre leurs situations. Comme plusieurs me le disent encore : «Ou papa nou». Tu es notre papa. Et ce n’est sans doute pas si loin de la vérité : la relation avec les employés ressemble en effet souvent à une relation familiale où l’autorité, représentée et assumée par le chef de famille, reste néanmoins discutable et négociable. Juste pour vous dire, encore la semaine dernière, une infirmière venait me voir pour justifier sa vision des choses et après l’avoir écoutée s’exprimer librement, j’ai effectivement reconsidéré la question et lui ai donné raison. D’autres me fournissent parfois des explications tout à fait farfelues auxquelles je ne peux malheureusement pas acquiescer. Alors, c’est non. Mais l’idée du non, c’est qu’il doit rester admissible par celui ou celle qui en fait l’objet. Car il y a plusieurs façons de dire non, je ne vous apprends rien ici…
Alors, quelle est la règle? Je dirais qu’il y en a deux. La première, c’est d’accepter que si l’on est chef, on doit assumer la charge qui l’accompagne. Un proverbe haïtien le dit bien d’ailleurs : «Responsab se chaj». Être responsable, c’est une charge. C’est incidemment un point que je rappelle souvent à nos employés : la charge n’est pas toujours plaisante, mais elle est incontournable. On ne peut pas la prendre un jour et la refuser le lendemain. La seconde, c’est tout simplement la vieille règle d’or éthique qui dit qu’on ne doit pas faire à autrui ce qu’on ne veut pas qu’autrui nous fasse (ou son pendant à la forme affirmative : on fait à autrui ce qu’on voudrait qu’autrui nous fasse— sado-masos, s’abstenir!). Cependant et malgré tout le gros bon sens de cette règle, elle n’est pas toujours applicable en situation d’autorité et il arrive parfois qu’on doive prendre des décisions dont on n’aimerait pas vraiment faire les frais (un congédiement par exemple). Ce n’est jamais une source de joie, mais s’il le faut, il le faut et on ne recule pas. Et les relations humaines, en bout de ligne, ne s’en portent pas plus mal, bien au contraire.
Somme toute, une bonne relation s’appuie sur l’estime mutuelle, le respect partagé et l’honnêteté, qualités qui sont courantes chez le peuple haïtien. Et nous? Ben nous, on se sent tout à fait à l’aise là-dedans...
jeudi 1 septembre 2011
Voler vers d'autres cieux
Voyant l’image ci-dessus, vous vous dites sans doute que cela introduit un voyage… ou bien c’est une autre critique de la compagnie Air Transat, dont je vous ai brièvement parlé dans mon dernier texte. En fait, vous avez raison dans les deux cas. Car hier, c’était nous qui prenions place dans ce magnifique Airbus pour quitter notre «Haïti chérie» vers nos cieux nordiques. Or cette fois, tout le monde a vraisemblablement pu monter à bord (sauf peut-être un cas...) et ce fut donc un vol sans histoire avec départ pratiquement à l’heure et arrivée pratiquement à l’heure, donc digne de mention! Rien à voir avec le cauchemar qu’ont dû vivre les 120 passagers laissés pour compte la semaine dernière! Mais faut dire, à la défense d'Air Transat, que les circonstances commandaient une action radicale et en bout de ligne, pas tellement rentable pour la compagnie qui a dû revenir chercher les laissés pour compte le jour suivant. Mais tout ça, c’est aussi Haïti. Rien ne marche jamais comme prévu, mais tout finit toujours par marcher…
Mais j’en reviens à l’histoire de notre vol. Un vol sans histoire, je le redis. Donc, qu’en dire? Simplement qu’il y a des jours, et il y en a d’autres. Des jours où la guigne semble s’acharner, dès le moment où l’on met les pieds à l’aéroport, et d’autres, comme ce fut le cas hier, où tout marche rondement. Faut comprendre que pour quitter Haïti, seuls deux moyens sont possibles : la voie des airs ou celle beaucoup plus lente et quelquefois assez aléatoire de la mer. C’est incidemment ce qui a rendu la réponse internationale au tremblement de terre de janvier 2010 si difficile : une seule piste importante dans le pays et on ne savait même pas si elle était carossable… Ceci permet de comprendre que le trafic aérien à Port-au-Prince est tout de même impressionnant par rapport à l’importance du pays et à son tourisme. Mais le gens voyagent par avion, par la force des choses, et les nombreux vols vers les USA n’en sont que l’évidente démonstration. Or, justement depuis le tremblement de terre, l'aéroport a été considérablement endommagé et les fissures des murs extérieurs ne laissent aucun doute sur l'état pour le moins douteux de l'édifice. On a donc installé temporairement les départs dans une zone beaucoup trop petite, mais bon, on se disait que c'était temporaire et que la situation allait sans doute s'améliorer dans les mois à venir... Mais déjà 18 mois se sont écoulés et pour les départs, nous en sommes toujours à la case... départ! Le bordel, les amis, je vous dis pas! Mais en dépit de tout, l'on finit par passer les contrôles pour aboutir dans l'avion.
Donc, pour en revenir à Air Transat, c’est vraiment maintenant notre choix de prédilection, tant en raison de ses tarifs raisonnables que de la qualité de son service. Évidemment, si nous avions le choix, nous ferions sans doute comme Michaëlle Jean l’a fait pendant son mandat et dont l’article ici fait ses gorges chaudes! Quoi! Elle non plus ne se gêne pas pour dilapider les fonds publics? Eh bien j’ai juste envie de vous dire ce que Jésus a dit au peuple lui demandant s’il était d’accord pour lapider une femme adultère : «Que celui qui n’a jamais péché lui lance la première pierre.» Car dites-moi : à la place de Mme Jean, qu’auriez-vous fait? Économiser ce que d’autres dépensent sans vergogne? L’assiette gouvernementale, quoi qu’on en dise, est copieusement garnie et ceux, celles qui y sont conviés peuvent s’en servir de généreuses portions sans qu’il n’y paraisse. Ou si peu... Voyons… y a-t-il là quelque chose de nouveau?...
Voyage sans histoire donc et qui nous a rapidement transportés au pays de la froidure, laquelle n’a pas encore réussi à balayer les derniers vestiges de la saison chaude. En d’autres termes, il fait beau, le temps est doux et l’humeur est d’accord.
Pour commencer septembre et pour débuter des vacances, peut-on demander mieux?
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