jeudi 24 juin 2010

La vie est dure sans toit


Lu sur Cyberpresse : «Sean Penn redoute des violences en Haïti». Évidemment, quand c'est Sean Penn, on écoute et on cite ses paroles empreintes de sagesse et de réalisme, même si ça fait déjà plus d'un mois. Et moi alors? Depuis le temps que je vous dis que ça va péter un jour ou l'autre, n'ai-je pas droit à un petit peu de crédibilité? Bien sûr, je ne suis pas Sean Penn, que j'aime beaucoup, soit dit en passant. C'est un acteur très doué, qui joue dans une grande variété de rôles, et des rôles pas toujours évidents (cf Mystic River, Milk, The Assassination of Richard Nixon, 21 Grams, pour n'en nommer que quelques-uns). Ce qui en fait sans doute un grand acteur. Mais cela lui donne-t-il l'autorité nécessaire pour déclarer que la violence risque d'éclater en Haïti? Bien sûr que non. Néanmoins, il n'a pas besoin d'autorité pour dire cela : il n'a qu'à observer un tant soit peu comment les gens vivent pour se rendre compte que ça ne peut pas continuer comme ça. Même un troupeau de moutons deviendrait enragé. Or, les Haïtiens et les Haïtiennes sont tout sauf des moutons; comment dans ces conditions ne pas conclure qu'ils vont assurément exprimer leur colère et leur dégoût? Pas besoin d'être Sean Penn pour déduire cela; on a juste à se poser la question : «Et si c'était moi, est-ce que j'accepterais sans mot dire (ou sans maudire, si vous préférez)?» Et je peux répondre pour vous tous et toutes : NON. Personne n'accepterait ce que les gens de Port-au-Prince sont contraints de vivre. Et c'est pour cela que je vous dis, en accord avec Sean Penn, oui, mais depuis plus longtemps que lui, que ça va finir par déborder -- je parle de l'amertume, de la rancœur et de la souffrance.

Pourtant, ce que le peuple veut n'est pas excessif : juste un toit pour s'abriter, aussi bien des éléments que des éventuels malfrats. À cet égard et bien qu'on n'y dise pas grand-chose, je vous recommande cet article, paru dans la Voix de l'Est lundi dernier (et disponible via Cyberpresse, bien entendu). Intéressant comme témoignage. Et je confirme que les données sont véridiques. Construire ici n'est pas affaire de luxe, mais la satisfaction de besoins qu'on pourrait situer à la base de la pyramide de Maslow (Niveau 1 : besoins physiologiques; niveau 2 : besoin de sécurité). Qu'on me permette ici de rappeler l’œuvre (et le mot n'est pas trop fort, croyez-moi) de l'ami Raymond qui, sans tambour ni trompette, continue son petit train de maisons modestes. Il en est maintenant à presque 75 et ça se poursuit allégrement, même en son absence. En termes concrets, ça veut dire 75 familles qui ne sont plus dans le chemin, comme on dit. Qui ont un toit sur la tête et des murs pour les protéger. Qui en sont, à juste titre, fiers. Et tout ça pour $1,500 US. Qui dit mieux? Et pendant ce temps, les spécialistes de tout acabit et les politiciens en mal de publicité ergotent sur les milliards de dollars qui soulageront bientôt la misère haïtienne... Bientôt. Ouais...

Mais qu'on me permette de revenir sur l'article de cyberpresse, signé Bernard Demers. Ce qu'il dit est on ne peut plus vrai. Le cas qu'il rapporte est plutôt exceptionnel, dans le sens exceptionnellement chanceux. Rares, en effet, sont les employeurs qui vont offrir une telle aide à leurs employés, et rares sont les postes qui paient si bien. Or, si les ambitions domiciliaires des Haïtiens restent bien modestes, il faut tout de même acheter le terrain, et c'est là que ça fait vraiment mal. Les terrains ici sont hors de prix. Pour une parcelle de 10 sur 20 mètres, on peut s'attendre à payer entre $5,000 et $7,000 US. Il y a beaucoup plus petit, entre des fosses d'aisance à ciel ouvert, et qui ne s'en vendent pas moins $3-4,000. Si bien que pour celui ou celle qui n'a pas eu la chance d'hériter d'un petit coin de terre, c'est la ruine avant même de pouvoir commencer la construction! Non, non, je n'exagère rien. Je parle d'expérience et je vous relate une situation bien réelle. Alors s'il se trouve parmi vous de bons samaritains au porte-monnaie bien gras qui voudraient faire «quelque chose», ne cherchez pas plus loin : envoyez-moi votre contribution et je me ferai un plaisir de l'acheminer à la personne que vous choisirez d'aider. Je puis même vous aider à choisir qui sera l'heureuse ou l'heureux élu...

Alors je lance cette bouteille à la mer, en souhaitant qu'elle s'échoue rapidement sur un rivage serein, porteur d'espoir et de lumière... Je vous le dis encore : sans toit, la vie est dure, dure, dure...

Oh! J'oubliais : et la Saint-Jean dans tout ça? Ben tu parles...

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