dimanche 17 mars 2013
Le bercail
De toutes les étapes d’un voyage quelconque dont Haïti constitue une partie, la plus éprouvante, pour nous en tout cas, reste sans conteste la portion routière de Port-au-Prince aux Cayes — ou le contraire, bien sûr. En principe, le trajet prend trois heures jusqu’à l’entrée de la capitale et une heure de plus pour se rendre à l’aéroport, puisqu’il faut traverser la ville d’un bout à l’autre. Or, Port-au-Prince, toute capitale qu’elle soit, ne compte aucune autoroute, ni même un boulevard digne de ce nom, si bien que la traversée de la ville se fait souvent au pas, voire au pas de tortue. Mais règle générale, une heure suffit pour accomplir cette pénible traversée. Sauf ce vendredi de notre arrivée au pays, où, allez donc savoir pourquoi, le bouchon de circulation était hermétiquement clos, si bien qu'il nous faudra pas moins de deux heures pour atteindre la banlieue, dont une heure et demie passée dans l’immobilité absolue, l’air climatisé à fond dans la voiture tout juste suffisant pour nous empêcher d’étouffer. Une heure et demie les amis, je ne sais pas pour vous, mais pour moi c’est un peu long, tout enthousiaste que je fus de retrouver le pays. Pourquoi? Sans raison particulière. Sans doute parce que vendredi, la circulation est encore plus dense, mais à la vérité, le goulot que crée l'arrivée au carrefour — ainsi appelé à juste titre — forme un inévitable bouchon que seul le temps finit par vaincre. Mais bon, tout finit par finir et une fois sur la nationale, nous avons fini par arriver sans autre tracas.
C’est fou ce qu’un retour à la maison peut signifier, même après un court séjour comme celui que nous avons fait hors pays. La maison, comme nous nous y attendions, était propre comme un sou neuf — Éraise y voit de tout son grand cœur — et des bouquets de fleurs ici et là égayaient l’intérieur. Deux minutes pour rebrancher l’ordinateur et voici un air de jazz qui nous berce confortablement. Ne reste qu’à déboucher une Prestige bien fraîche et nous voilà refaits. Ou presque : une portion de lasagne aussi appétissante que si elle venait d’être faite remplit le petit trou gastrique que la journée a creusé. Une bonne nuit de sommeil effacera toute la fatigue du voyage et le lendemain, nous voilà frais et dispos pour retrouver nos employés du samedi et leur joie, visible et non feinte, de nous revoir. C’est beau, c’est chaud, c’est rassurant. Évidemment, les consignes que j’avais laissées n’ont pas toutes été respectées; évidemment, le travail planifié n’a pas été complété; évidemment, tout le monde a un peu — pas mal — profité de notre absence pour fonctionner au ralenti. C’est de bonne guerre et je ne m’en offusque nullement. Ou plutôt, si, un peu tout de même, mais pour la forme seulement, car tout le monde sait que nous sommes simplement contents de rentrer au bercail et très peu portés aux réprimandes. Cela viendra plus tard.
Car l’un des effets positifs de l’absence, c’est de revoir notre milieu de vie, envers lequel nous sommes souvent assez critiques, avec des yeux neufs et un cœur ouvert. C’est de sentir que dans ce pays où nous sommes toujours, par la force des choses, condamnés à n’être que des étrangers, nous sommes pourtant chez nous et contents d’y être. De quoi faire réfléchir. Car ce n’est pas donné d’avance. Comme quoi il ne faut jamais attendre d’avoir perdu ce que l’on avait pour en comprendre la valeur...
Je ne vous en dis pas plus long, car je sais que vous me comprenez…
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