dimanche 11 novembre 2012
« Pas un cyclone »...
Je vous invite à prendre connaissance de ce court article, qui illustre bien ce que je voulais dire l’autre jour lorsque je parlais de l’impact d’un ou d’une journaliste sur la valeur d’une nouvelle. Ce qui est rapporté n’est quand même pas rien : la presse étrangère (Agence France Presse) parle de 16 morts et si l’on se fie à la version plus officielle, le décompte ne serait que 10 décès, mais tout de même, dix morts dus à la pluie, ça me paraît tout de même digne de mention, digne d’être relaté, sans doute à grands frais dans notre presse nationale si c'était chez nous, mais ici, simplement relégué au rang de fait divers.
Ce qui fait que je me suis posé la question : pourquoi? Et sans vouloir dire que j’en détiens la réponse, je partage avec vous ma petite idée, à savoir : on ne sait où jeter le blâme. On dit : «Suite à un front froid combiné à un creux de surface, de fortes pluies se sont déversées pendant des heures, dans la nuit du jeudi 8 novembre au vendredi 9 novembre, sur plusieurs départements du pays, notamment sur le Nord.» Ailleurs, on précise : «Monsieur Semelfort [le responsable du Centre national de météorologie d'Haïti] a fait remarquer qu'il ne s'agit pas d'un cyclone.» Il ne s’agit pas d’un cyclone, donc le NHC américain n’en a pas parlé, donc ça n’a pas de nom, donc ce n’est rien d’important. À peine digne de mention. Et pourtant, pas moins de dix personnes en sont mortes, sans compter les importants dommages matériels! Mais puisqu’il s’agit d’une simple dépression météorologique, on ne peut décemment demander à des journalistes professionnels de couvrir l’événement! En fait, cette question du mal qu’on nomme — qu’on nomme, j’insiste, c’est-à-dire à qui l’on donne un nom, on pourrait presque dire qu’on baptise — revêt une importance capitale quand il s’agit de comptabiliser les dommages. En d’autres mots, une simple inondation due à la pluie n’est rien en comparaison d’une autre due au passage d’une Sandy ou d’un Isaac. Car là, on a un ou une coupable! Incidemment, j’avais mentionné la chose dans un texte précédent, à savoir, ce n’est pas tant la violence d’un ouragan comme la fragilité d’Haïti qui cause le véritable problème. Évidemment, la combinaison des deux facteurs ne peut qu’entraîner des conséquences catastrophiques, et il faut prier le Ciel que ça n’arrive jamais. Mais le point important ici, c’est que le pays est immensément vulnérable, surtout la capitale, coincée entre les montagnes et la mer. Or, on dirait que les seuls incidents qui intéressent les médias, ce sont ceux annoncés, identifiés, nommés, les autres étant simplement balayés sous le tapis. Pourtant, une dizaine de morts et des centaines de sans-abris, il me semble que c’est tout de même quelque chose, vous ne croyez pas?
Mais cela démontre ce qu’une blogueuse anglophone (Amy Wilentz) soulignait : un dicton qui circule parmi les correspondants étrangers veut que un décès américain équivaudrait à 20 décès européens, à 100 décès asiatiques ou sud-américains, à 1000 décès africains, ou quelque chose d’approchant. Les morts en Haïti sont monnaie courante et comme je l’ai mentionné la semaine dernière, quand il n’y en pas assez, on en rajoute, pour faire bonne mesure et pour que «ça se vende mieux»...
Mais la réalité n’en reste pas moins tragique avec ou sans battage médiatique et ça, je pense, il ne faut pas l'oublier.
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