mercredi 28 novembre 2012
Ti-commerce
Quand je vous dis que rien n’est facile en ce pays…
Je prends aujourd’hui l’exemple des marchandes qu’on tente, sans grand succès, d’expulser des rues et des (rares) trottoirs qu’elles occupent — qu’elles squattent, pourrait-on dire — avec un entêtement féroce. La scène dont on parle ici se déroule à Pétion-ville, le quartier huppé — enfin, relativement — de la capitale. Mais en fait, le problème est majeur dans toutes les villes du pays : les étals des marchandes tapissent les rues et rendent la circulation automobile difficile, pour ne pas dire carrément dangereuse. Le mot d’ordre de la mairesse de Pétion-ville est pourtant non équivoque : «La chaussée aux véhicules, les trottoirs aux piétons et les marchés aux marchandes et marchands.» Mais comme toujours, il y a loin de la coupe aux lèvres, dans ce pays où l’individualité est défendue farouchement et où personne n’hésite à monter aux barricades si on les pousse un peu trop… Or, l'éviction des marchandes ne se fait pas sans heurts. Ainsi, au début du mois, une marchande de Pétion-ville a été tuée par des agents de la mairie, ce qui a entraîné quelques échauffourées que vous n’auriez pas aimées. Ni nous non plus d’ailleurs. Si bien que malgré une volonté administrative qu’on sent ferme, le problème persiste toujours et même, s’envenime.
Il faut bien avouer que les trottoirs ou le bord de la chaussée ne sont pas des endroits idéals pour monter un étalage des produits qu’on veut vendre. L’espace y est des plus réduits, le contrôle des produits est difficile, les conditions physiques sont contraignantes (vous allez où quand l’envie de pipi vous prend?) et la présence des voitures et camions rendent l’entreprise hardie, voire hautement risquée. Et pourtant, c’est là que ces dames (en majorité) veulent faire leur «ti-commerce», comme on dit en créole (ti kòmes). Car c’est là qu’elles sont habituées de le faire et c’est là qu’elles croient, à tort ou à raison, qu’elles ont le plus de chance de rapporter un peu d’argent à la maison, en fin de journée. Et les marchés publics dans tout ça? Ben les marchés, pour moi, c’est tintin, ne serait-ce que pour les conditions d’insalubrité mentionnées ici. «Viandes couvertes de mouches, produits étalés à même le sol près de tas d’immondices, les marchés de la région métropolitaine poussent un peu partout et dans les pires conditions hygiéniques notamment à Pétion-ville», affirme Haïti Press Network. Pas tellement invitant, n’est-ce pas… Plus loin, on ajoute : «Les conditions d'hygiène sont totalement inexistantes. Il n'est pas étonnant de tomber sur des vendeurs qui font leurs besoins physiologiques dans des marmites et des objets en plastique et les jettent dans l’enceinte du marché malgré parfois que certains marchés soient dotés de toilettes.» Alors ça y est? Vous voyez le tableau? Ça vous dit d’acheter vos pommes de terre ou vos tomates dans ces conditions? Moi pas tellement…
Et pourtant, pourtant, quel choix ont ces pauvres gens? Faut bien vivre, n’est-ce pas? Dans un pays où le chômage atteint des sommets inégalés, faut bien que les gens trouvent une façon quelconque de joindre un peu d’argent… C'est ainsi que certains kidnappent ou pillent, alors que d’autres installent courageusement leur petit étal de mangues ou de produits cosmétiques, c’est selon. Mais d’une façon ou d’une autre, ce n’est pas facile. Et croyez bien que je suis un peu gêné de taper sans cesse sur le même clou, mais il faut bien dire la vérité, même si elle n’a rien ici de séduisant. Comme le disait récemment le maire de Québec, M. Labeaume, présentement en visite en Haïti : « Le problème d'Haïti est que leur misère n'est plus à la mode. ».
Je n’aurais pas su mieux dire…
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