jeudi 5 juillet 2012
Pourquoi des visiteurs?
Vous savez maintenant comme j’aime partager avec vous ce qui compose notre univers, cet univers haïtien dans lequel il ne se passe présentement pas grand-chose — Dieu merci. Il fait chaud, certes, mais les nouveaux climatiseurs de nos bureaux fonctionnent à merveille de sorte que l’environnement de travail est des plus agréables. Le pays va et va même passablement mieux, à bien des égards, même si l’on se doute bien que ça ne va pas durer… Mais présentement, je le répète, tout marche à peu près bien alors rien à dire de ce côté.
Si bien que ce n’est pas de l’état général du pays dont je veux vous parler aujourd’hui, mais plutôt d’une question que m’a posée un correspondant à qui j’ai spontanément offert, comme je l’ai offert à la plupart d’entre vous, amis lecteurs et charmantes lectrices, de venir faire un tour au pays des Haïtiens. Sa question — pourquoi faites-vous ça? — m’a fait réfléchir. Pourquoi en effet vouloir attirer en ces lieux souvent tordus des gens que nous aimons et estimons? Pourquoi ce besoin de partager avec vous, gens du nord, ce que nous vivons en ce pays? Nous ne sommes pas Haïtiens, n’avons aucun mandat pour promouvoir le pays sur la scène internationale, ni pour y encourager le tourisme. Nous ne recherchons ni la gloire, ni la reconnaissance sociale, ni un pouvoir quelconque, alors pourquoi? Pour dire franchement, je ne sais pas. Et pourtant, il me semble que c’est important de maintenir cette offre.
Je me souviens, la première fois que nous avons débarqué au pays (en octobre 1998), nous étions parfaitement naïfs et ignorants des pratiques haïtiennes. Je savais qu’on y parlait le français et avais donc assumé — fort improprement au reste — que le français serait adéquat pour communiquer avec la population locale, quitte à apprendre le créole plus tard. Je savais qu’il y faisait chaud en octobre, mais je n’avais aucune idée qu’il put faire SI chaud. Bref, ce fut un choc, et pas seulement climatique ou linguistique, mais global, au point où après un mois au pays, nous doutions encore de pouvoir jamais nous y adapter. Évidemment, les choses se sont tassées… Mais cela explique peut-être, en partie du moins, pourquoi je tiens tant à montrer le pays à ceux et celles qui nous sont chers : parce que je veux faire pour d’autres ce que j’aurais apprécié que l’on fasse pour nous. Haïti vaut le détour, je l’ai dit à qui voulait l’entendre sur tous les tons, mais prendre ce détour seul, sans soutien et sans support logistique, en fait un détour compliqué ou financièrement onéreux ou les deux. D’où l’idée d’inviter nos proches et de tenter de les convaincre que le séjour vaut le déplacement. Pour certains, notre enthousiasme a finalement brisé les barrières qui les retenaient au Québec et ils sont venus. Et ils ont vu. Et ils ont vaincu leurs craintes et leurs appréhensions. Et pour une ou des raisons inconnues, cela me remplit d’une grande joie.
Mais ceux et celles qui sont venus savent également que je ne suis pas du type à me fendre en quatre ou à dérouler le tapis rouge pour plaire. Je pense que lorsque l’on se retrouve dans un milieu sécuritaire et confortable — et c’est précisément le cas à l’Institut Brenda Strafford — c'est suffisant et l'on se sent alors à l’aise de découvrir ce qu’offre le pays sans se faire prendre par la main. Or je le redis : ça me paraît important. Il me semble que plusieurs auraient intérêt à comprendre que ce pays n’est pas qu’un pays de souffrance, de misère et d’imbroglios politiques. Oui, il y a ça, c’est vrai, mais il n’y a pas QUE ça. Et pouvoir contribuer ne serait-ce que minimalement à changer l’image que les étrangers ont d'Haïti vaut certainement la peine qu’on s’y attarde. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, ça me paraît tout à fait valable.
Et puis, entre nous, c’est tellement agréable, de la belle visite!...
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