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Car, bien évidemment, la question se pose : comment peut-on financer une telle activité — trois jours de bamboche, rien de moins — alors que les finances de l’État ne sont guère reluisantes et que plusieurs services de l’État souffrent encore d'arriérées de salaires majeurs? Comment? Rien de plus simple : on puise dans les coffres et on dégage un petit 65 millions de gourdes (soit 1,5 millions US environ), comme ça. Je ne sais pas pour vous, mais moi, ça me fait tiquer. Et puis entre vous et moi, dites-moi donc quel pays organise deux carnavals à quelques mois d’intervalle, paralysant le pays en obligeant toutes les institutions à fermer boutique pour la période? On affirme que l’activité vise à encourager le tourisme. Je veux bien, mais quelle preuve a-t-on que l'effet désiré se produira? Et d'ailleurs, est-ce vraiment la bonne période? La fin de juillet est chaude, humide, propice aux cyclones, en fait, pas vraiment idéale pour les touristes — les nordiques en tout cas, ce qui explique d’ailleurs pourquoi les voyagistes vendent cette période à rabais. Mais qui sait? Peut-être que la fête contribuera à une relance économique sans précédent dont les touristes auront été les catalyseurs. Peut-être aussi que la fin du monde va se produire le 21 décembre 2012… En un mot, la relance touristique via le carnaval des fleurs, je n'y crois pas. Non. La vraie raison, tout le monde le sait, c'est vraiment pour le président de faire plaisir aux gens de Port-au-Prince, voire de les distraire, sans doute pour qu'ils oublient tout ce qui va mal dans le pays...En tout cas, ça se prépare au Champ-de-Mars...
Certains, non sans ironie, avancent que le président Martelly étant, par définition pourrait-on dire, un homme de spectacle, tout carnaval est bon pour lui. «Il fait ce qu’il sait faire», m’a dit un homme sage et cynique (l’un n’empêchant pas l’autre)… Il n’empêche que de l’avis de plusieurs, notamment dans la presse écrite, Martelly joue ici un jeu dangereux qui pourrait fort bien se retourner contre lui. Surtout si les millions nécessaires à la fête ont été prélevés à même des fonds restreints… Mais bon. Quel homme politique, a fortiori un président, ne fait que des bons coups? Lequel ne subira pas la critique populaire, fondée ou non? Même les meilleurs y passent.
Reste que ce carnaval ne fait pas l’unanimité. D’abord il ne repose sur aucune tradition; ensuite, il coûte cher; certains trouvent que ça ne fait pas très sérieux; d’autres craignent des dérapages sociaux; on dit aussi que la fête risque de porter ombrage au retentissant succès du carnaval du Mardi Gras des Cayes. Bref, ce n’est pas l’éclosion de joie universelle qu’on a vue en février dernier. Qu’en sortira-t-il? Bondye konnen, comme on dit…
Espérons juste que les festivités n’entraveront pas notre voyage vers la capitale, prévu pour à peu près la même époque, validant ainsi ce que je vous ai mentionné dans un texte où je me plaignais de la poisse qui nous poursuit, semble-t-il, quand arrive le moment du départ. Comme si le sort était contre nous… J'espère vraiment que ce n'est pas le cas...