vendredi 1 juin 2012
Interlude boréal
Mai s’en est allé; vive juin. Sous nos latitudes tropicales habituelles, c’est la chaleur qui commence. Mais au pays du frette, c’est à peine un soupir d’été, suivi d’un rappel de la saison froide qui semble ne pas vouloir céder sa place, acquise de longue date. En deux mots comme en mille, on se les gèle et je parle des oreilles, bien sûr. Température extérieure ce matin : 5° C. Rien pour nous rappeler les tropiques… Mais les oiseaux semblent s’en balancer comme de leur première graine de tournesol, et s’en empiffrent goulûment — je parle des graines de tournesol, vous l’avez compris — sans s’en plaindre. Roselins, mésanges, sitelles, geais, chardonnerets… sont tous au rendez-vous, se côtoient sans heurts, chacun attendant son tour pour accéder à un perchoir. Seuls les colibris, ces petits Napoléon, gèrent l’espace alors même que leur pitance — de l’eau sucrée — est sans rapport. Mais ceux-là ne tolèrent pas grand-chose dans leur environnement immédiat et n’ont peur de rien ni de personne, leur vitesse et leur agilité leur permettant de narguer n’importe quoi, y compris les écureuils…
Nourrir les oiseaux, les regarder piailler à qui mieux mieux, de temps en temps, en voir se frapper dans la fenêtre et s’assommer proprement, quand il n’en meurt pas, voilà un passe-temps propre aux vacances en milieu forestier. Le reste peut attendre.
Les moustiques, par exemple. Ils sont là, présentement. Et pas rien qu’un peu. Sauf qu’ici, leur saison étant limitée, ils mettent les bouchées doubles, si l’on peut dire, et comme ce sont nous qui font office de nourriture, eh bien disons que la guerre est déclarée. L’ami des bêtes (que je suis) n’inclut pas les moustiques et je sais que Schweitzer lui-même, chaud partisan de la «Révérence pour la vie» n’hésitait pas à les écrabouiller lorsqu’ils passaient à sa portée. Donc, rassuré par la position du grand homme, je me sens tout à fait à l’aise de les tuer sans remords. Certes, vous me direz que Schweitzer composait avec des moustiques porteurs de malaria alors que par ici, ils sont complètement inoffensifs, mais leur piqûre est déplaisante au point où ils en méritent la mort. Voilà, c’est dit.
Ceci m’amène à une petite différence que je partage avec vous. Simplement dit, j’ai l’impression que les moustiques nordiques ne sont qu’un maillon moins évolué de la chaîne des moustiques, les plus réussis étant ceux que l’on rencontre en Haïti ou sous les tropiques en général. Je m’explique : (1) les moustiques tropicaux sont très rapides, très difficiles à tuer, capables d’esquiver la main meurtrière sans suer; ceux d’ici sont lents et patauds, faciles à atteindre et du coup, faciles à tuer. Pensez-y : j'en ai même tué un d'un coup de tête latéral... (2) Les moustiques tropicaux sont silencieux ou presque, au point où ils peuvent piquer sans qu’on les sente venir; les moustiques nordiques sont au contraire très bruyants, au point où la présence d’un seul dans une chambre fermée suffit à empêcher le sommeil, ce qui signifie souvent la mort de l’intrus, ne serait-ce que pour le faire taire. (3) La piqûre des moustiques tropicaux est indolore — celle des anophèles, entre autres —, ce qui leur permet de piquer à répétition sans éveiller leur victime; nos maringouins piquent sans délicatesse, de sorte que l’instant où ils piquent est souvent l’instant où ils meurent d’une bonne claque bien appliquée. Dans le meilleur des cas, ils éveillent le dormeur et les autres perdent leur chance de piquer sans se faire repérer. Conclusion : les chances de survie des moustiques tropicaux me paraissent bien meilleures que celles de leurs cousins nordiques. Les mouches noires sont une tout autre affaire, cependant…
Mais petites bêtes ou non, rien ne peut nous empêcher de goûter le silence de notre forêt boréale et de profiter de la sérénité qui accompagne ces lieux
Ah! oui, j'oubliais de vous dire : ceci est mon 300e texte. Je vous dis juste comme ça au cas où vous n'auriez rien à lire ce soir...
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