Puisque c’est Pâques, puisque c’est une fête traditionnelle qui comporte sa dose de traditions, je vous en parle. Traditions haïtiennes, bien entendu, car ce sont elles qui, par leur originalité, sont plus susceptibles de retenir votre attention. Entre autres, lisant par hasard l’éditorial de mon ami Frantz Duval (non, il n’est pas vraiment mon ami, mais la qualité de son écriture me fait lui trouver un côté nettement amical…), je me suis dit que son texte méritait que je vous le suggère et que j’en fasse quelques commentaires.
M. Duval parle entre autres du poisson salé (le poisson gros sel est, en effet, très bon), servi avec multiples accompagnements, le tout noyé dans l’huile, comme le précise si bien M. Duval. Rien de bien gastronomique là-dedans, mais ce n'est pas l'idée. Il s’agit simplement d’une tradition et tous s’entendent pour la respecter, si bien que le poisson, ces jours-ci, est introuvable et lorsqu’on en trouve, hors de prix. La semaine prochaine, les prix seront redevenus ce qu’ils étaient avant et la disponibilité du produit ne causera plus de problèmes. Mais autour de Pâques, c’est la folie furieuse. Incidemment, Frantz Duval avance une idée intéressante. Je vous le cite :
«Cela dit, Haïti est l'un des premiers importateurs mondiaux de hareng saur et sel. Le saviez-vous? Toute l'année, nous consommons les salaisons, sans penser à en faire une affaire locale. Ces caviars du pauvre sont une grosse affaire.»Intéressant, n'est-ce pas? Et pourquoi pas?...
Mais je reviens aux traditions, car à quoi servent-elles, sinon à faire vivre l’histoire en la prolongeant?
Lorsqu'on regarde les sociétés diverses, les plus intéressantes sur le plan sociologique sont celles où les traditions sont les mieux ancrées. Le présent est mobile et suit la mode du jour; les traditions ont leurs racines dans le passé et sont, par nature, imperméables au présent… jusqu’à un certain point à tout le moins. Et je dirai que ce qui fait la force d’une tradition, c’est précisément le fait qu’on en ignore l’origine, un peu comme si elle avait toujours existé. C’est précisément le cas de cette tradition culinaire. J’en ai cherché un peu à droite et à gauche quelques explications mais n’ai rien trouvé, ce qui ne me surprend guère. Cependant, comme le poisson est grand symbole de la chrétienté, j’ose croire qu’on a pu, à un certain moment, en faire une pratique traditionnelle pour célébrer la grande fête chrétienne de Pâques. Reste que je suis un peu étonné que la tradition ait cours seulement ici, car même dans les pays par nature mangeurs de poisson — je parle ici des pays scandinaves —, la tradition ne semble pas aussi solide, bien qu’il soit écrit, sur Wikipedia, que le smörgåsbord, plat traditionnel de fêtes variées, est aussi servi à l’occasion de Pâques. Or, ce plat offre, bien sûr et entre autres choses, du poisson, mais cela n’a pas vraiment à voir avec la tradition haïtienne. Si donc, se trouvent parmi vous quelques érudits, vous êtes les bienvenus de partager vos lumières avec votre blogueur préféré.
Cela dit, ce n’est pas tout le monde qui attend le jour de Pâques pour s’offrir poissons ou fruits de mer : le Vendredi Saint ou le samedi font tout aussi bien l’affaire, et le dimanche, on servira de la viande, de la vraie, porc, chèvre, bœuf même, apprêtée à toutes les sauces. Et on s’en fera un délice.
Les Haïtiens ne sont pas riches. Je généralise, c’est vrai, mais dans ce cas, je pense que vous me comprenez, même si certains Haïtiens sont en fait, très à l’aise financièrement. Disons simplement que le peuple n’est pas riche. Et pourtant, cela n’empêche nullement ces gens de célébrer dignement cette grande fête qu’est Pâques, fête qui, mieux que n’importe laquelle, symbolise bien l’espoir, le triomphe de la lumière sur la noirceur, de la vie sur la mort. Je pense qu’il convient de s’y arrêter, même si, comme nous, vous passerez sans doute votre tour pour le hareng saur...
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