dimanche 29 janvier 2012
Le carnaval s'en vient
Je vous avais dit que je vous reviendrais sur le thème des orphelinats. Mais ce ne sera pas aujourd'hui. Comme vous, c'est dimanche, pas le temps de revenir sur un sujet aussi raide et exigeant, tant pour moi qui l'écris que pour vous qui le lisez. En fait et pour tout vous dire, rien qu'à voir le nombre de visiteurs d'une page, on peut aisément déduire de l'intérêt général et de l'aridité du sujet. Donc pas d'orphelinat aujourd'hui.
Aujourd'hui, eh bien c'est dimanche, nous commençons tout juste à nous remettre du départ de notre chère visite de janvier et déjà, il faut se préparer psychologiquement et logistiquement à l'arrivée de la prochaine. Mais c'est une préparation légère puisque cette affaire est personnelle et modeste. On ne peut pas en dire autant de la préparation du carnaval national qui aura lieu cette année les 19-20-21 février prochain. Déjà, je puis vous le dire, ce sera tout un événement. Une grosse affaire. C'est que, pour la première fois dans l'histoire des célébrations de cette fête qu'est le Mardi Gras – la plus importante en Haïti, et ce n'est pas moi qui le dis – l'événement se tiendra ici, aux Cayes, au lieu de Port-au-Prince. Par édit présidentiel, rien que ça. Jusque là, rien à redire, puisqu'il s'agit d'un événement festif qui se déroule dans la joie. Sauf que, après avoir parlé avec des officiels et des responsables de la Croix Rouge cette semaine, on s'aperçoit vite que toute célébration susceptible d'attirer 200,000 personnes supplémentaires (!) en ville risque fort d'engendrer quelques petits problèmes... Circulation, approvisionnements, logistique, évacuation des blessés en cas d'accidents ou d'échauffourées, gestion des foules, bref vous voyez ce que je veux dire... Rien de bien méchant là-dedans – c'est la fête, après tout – mais même une manifestation de joie publique comme celle du carnaval peut mal tourner quand les gens se font piétiner... Donc, on ne sait pas trop comment les choses vont s'articuler, mais on sait que ce sera difficile et le mot est faible sans doute. Or, l'événement, je le répète, est grandiose par nature, et trois jours et trois nuits non-stop, ben ça fait un gros party, disons... En tout cas et comme toujours, on verra.
Il n'empêche qu'il est difficile de ne pas être impressionné par cette volonté populaire de célébrer, surtout lorsque la fête est entérinée par le président lui-même. Comme si la célébration allait vraiment donner le coup d'envoi qu'on attend, celui qui lancera la machine économique à faire de l'argent. «Ayiti dekole, Okay devan» (Haïti décolle, Les Cayes en tête), c'est le thème du carnaval qu'on veut énergique et porteur d'espoir. Mais ici, en ville, personne n'est dupe. Le carnaval emplira certaines poches, oui, mais pas celles qu'on souhaiterait. Seuls ceux ou celles qui auront su se placer les pieds récolteront la manne festive... Mais ce n'est pas là la raison d'être de l'événement, n'est-ce pas? Alors pourquoi s'en plaindrait-on? L'ambition du gouvernement, c'est de faire du carnaval d'Haïti un événement international, comme celui de Rio ou de Québec, qui justement, bat son plein au moment où j'écris ces lignes... Autres latitudes, certes, mais même euphorie carnavalesque, mêmes excès d'alcool et même défoulement collectif. Non, je ne suis pas cynique, mais vous avez compris que je ne suis pas friand de ces manifestations populaires, fussent-elles une simple expression de joie collective. Nous nous contenterons donc d'observer de loin ce qui se passe, tout en souhaitant que les choses restent dans les limites du raisonnable. Et ici, ces limites sont souvent élastiques, alors...
Mais l'effervescence des préparatifs est belle à voir : on met la ville propre, on déplace les étals des marchands, on remplit les trous, on élague les arbres le long des routes qu'empruntera le cortège des chars, bref, on se prépare, et tout ça dans la joie et l'excitation qui accompagnent les fêtes à venir. Et pour nous mettre en appétit, chaque dimanche soir, on nous parade quelques camions à la sono totalement débridée qui annoncent à coup sûr la tempête sonore à venir. Mais c'est mieux qu'un ouragan, hein? En tout cas, c'est ce qu'on se dit... Et puis, il faut bien que je le mentionne, le carnaval nous donne deux jours de congé en prime et qui s'en plaindrait, je vous le demande?
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