Cependant et tout comme pour mon texte précédent, l’exception justifie la règle. Ainsi aujourd’hui, je vous parle travail. Sans trop vous embêter, en tout cas je le souhaite.
C’est que, à l’occasion du passage d’une courageuse volontaire (merci Marilyn!), nous avons décidé de commencer la tâche fastidieuse et digne des plus traditionnels moines copistes de construire une banque de données informatisée à partir de nos dossiers médicaux. Rien de bien ambitieux, juste les données nominales, c’est-à-dire nom, prénom, date de naissance et similaire. Vous voyez le genre. L’idée est tout simplement de pouvoir retrouver plus facilement un dossier à partir des données compilées sur un ordinateur. Et bien que l’opération soit d’un ennui à couper le souffle — et pour couper le souffle, faut vraiment que ce soit ennuyeux, hein! —, elle s’accomplit sans problèmes majeurs, les nouvelles versions d’excel permettant une saisie phénoménale de données. Mais c’est justement là le problème : on parle ici d’environ 300 000 dossiers! Or, notre jeune préposée à la transcription de ces données (formée par notre volontaire québécoise) n’est pas tout à fait rapide, environ une centaine d’entrées par semaine constituant sa moyenne (à temps partiel, bien sûr). Alors faites le calcul : cela nous donne 5 000 entrées par an, soit un projet qui devrait être complété dans 60 ans, si Dieu le veut! Et l’on aura beau doubler, tripler, voire quadrupler le rythme de travail, le nombre d’années requis pour venir à bout de la tâche restera toujours majeur! Quand je vous parlais d’un travail de Bénédictin, vous me suivez maintenant!
Mais l’ennui mis à part, l’inscription des noms et prénoms est quelquefois bien amusante. Pourquoi? Tout simplement à cause de la formidable créativité dont font montre les parents haïtiens quand il s’agit de nommer leur rejeton. Les noms ne sont pas choisis à partir d’un répertoire fermé, mais sont créés de toute pièce, selon l’humeur du jour, le saint du jour ou l’intensité de la présence divine. Je vous en donne quelques-uns, juste pour le plaisir : Bitoven (oui, oui, il s’agit bien de Beethoven), Chabouloune, Citromise, Closette, Danchylove, Darlounsear, Dordengy, Hermanorah, Linsincou, Lovemica, Pelitoine, Picina, Saradgine, Stravensky… sans oublier les prénoms incluant Dieu, genre: Dieubénit, Dieubon, Dieucelhomme, Dieufait, Dieufaveur, Dieufort, Dieunord, Dieuquila, Dieusoit, Dieuveilhomme, Graceadieu et bien d’autres encore du même acabit. Qui plus est, ces prénoms sont souvent associés à des noms de famille tout aussi fantaisistes, venus on ne sait d’où. Pourtant, jamais il ne viendrait à l’idée de qui que ce soit de tourner le nom ou le prénom du voisin en dérision. Les noms sont l’identification de la personne et pas question donc de s’en moquer. Et d’ailleurs, pourquoi le ferait-on? On ne se moque pas d’une fleur qui se nomme chrysanthème ou myosotis, ni d’un oiseau qu’on appelle coulicou ou sizerin, alors pourquoi se moquerait-on des noms des gens? Et pourtant, j’ai souvenir que les noms de certains écoliers faisaient l’objet de quolibets pas toujours charitables, du temps où je passais le plus clair de mon temps sur les bancs d’école…
En tout cas, tout ça pour vous dire que les données s’empilent et bientôt, dans pas même un demi-siècle, nous aurons une banque de données assez représentative de notre «patientèle» (création lexicologique sur le modèle de clientèle, vous l’avez deviné).
Parlant de patience, vous savez maintenant que c’est une vertu typiquement haïtienne, n'est-ce pas…
Bien contente de recevoir tes nouvelles pages de blogues par Facebook. Qu'ils sont sympatiques et que je les aime ces Haitiens!
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