vendredi 29 avril 2011

Aimez-vous l'aventure?


J’ai déjà dit que les départs étaient une inévitable source de stress. Inévitable à cause de la nature même de l’activité : il faut penser à tout, à ce qu’on laisse derrière aussi bien qu’à ce dont on aura besoin devant; aux choses indispensables (passeports, tickets, argent…) et aux choses pas absolument nécessaires mais tout de même utiles et agréables (gouttes ophtalmiques, lunettes, livres, vêtements chauds…). Mais inévitable également à cause de la situation présente du pays, qui rend la circulation difficile voire aléatoire. Or, sachant cela, nous avions décidé — très sagement dois-je le souligner — de faire la portion routière de notre voyage un jour d’avance, de façon à nous laisser la marge de manœuvre susceptible de diminuer le stress. Ça y est? Vous me suivez? Je ne vais pas trop vite?

Donc, nous quittons Les Cayes vers 10h30, supputant que, si les choses se passent sans anicroche, nous serons vraisemblablement à Port-au-Prince vers les 14h30, ce qui nous laissera le temps de faire quelques courses avant d’aller relaxer à l’hôtel. Mais les impondérables, les amis, les impondérables…

Un premier barrage nous ralentit. Pas longtemps : une petite demi-heure et nous pouvons passer à nouveau, la police ayant dispersé les manifestants et les voitures qui bloquent la route. Un second barrage nous interrompt, mais encore une fois, la police intervient rapidement et nous pouvons poursuivre notre route… jusqu’à ce barrage qui n’en est pas encore un. Mais l’activité fébrile qui se passe devant ne laisse aucun doute quant à l’objectif visé : barrer la route et embêter les automobilistes, lesquels d’ailleurs, font maintenant demi-tour massivement. Ce que nous faisons nous aussi. Notre chauffeur, prudent par nature et par expérience, préfère s’éloigner. Nous attendons. Mais voilà que des manifestants, foulard sur la tête, viennent bloquer la route précisément à notre niveau, nous ordonnant même de mettre notre voiture en travers de la route de façon à la bloquer. Poliment, je demande au gars de nous laisser aller, insistant que nous n’avons rien à voir là-dedans. Rien à faire : on me fait la réponse la plus injurieuse qui soit en Haïti et que je ne répèterai pas ici de peur de passer pour vulgaire. Disons simplement que l’expression a son pendant en anglais et tout sera dit. Bref, nous frappons un mur d’agressivité et d’incompréhension. D’autres malfrats arrivent, la tension monte d’un cran et l’un d’eux exige les clés de la voiture. Je m’y oppose; on sort les pistolets — pas des joujoux, je vous jure. Pas le choix de les laisser prendre les clés de la voiture et tant pis pour le reste…

Nous voici donc bloqués au beau milieu de nulle part, sans voiture et sans moyen d’y remédier, avec des gens qui courent s’abriter de tous les côtés. Où aller? Jusqu’au moment où une dame, de l’autre côté de la route, nous fait signe de la rejoindre. Ce que nous faisons. Nous nous trouvons chez elle dans une sécurité relative, mais guère plus avancés… Je crains toujours le pillage de nos effets personnels et avec ce que l’on trimbale avec nous (ordinateur, appareil photo, passeports, cartes de crédit et argent liquide) nous avons de quoi contenter les plus exigeants… Mais il semble que ce ne soit pas le but de l’activité. En effet, moins d’une demi-heure plus tard, les forces de l’ordre ont fait fuir les manifestants et ont rouvert la route. Tout le monde repart. Mais pas nous, qui sommes sans clé…! Cependant Onès, notre dévoué chauffeur, a pris des dispositions pour possiblement récupérer nos clés. Possiblement. Alors on attend. Une heure passe, puis une autre. Il est maintenant près de 17h et il faut commencer sérieusement à un plan B… Mais lequel? Arrive alors une grosse remorque de la MINUSTAH qui, visiblement, vient pour remorquer notre véhicule. C’est le temps de poser quelques questions. Que je pose. Le chef de la police me dit qu’ils doivent remorquer notre voiture au commissariat de la ville voisine, sinon on va le brûler aussitôt que le jour sera tombé. Cela me paraît une raison tout à fait acceptable et donc, j’opine. Le chef de la police m’offre même d’aller attendre au commissariat, si l’on veut, histoire d’accroître un peu notre sentiment de sécurité. Là encore, je trouve l’idée bonne. J’opine encore. Or, lorsque je rejoins le chef de la police, il est en conversation avec deux types qui nous posent un tas de questions, ce qui rend ma douce amie un peu nerveuse. À tort, nous pourrons le constater. L’un des deux gars est tout simplement dans la même situation que nous (on lui a aussi pris ses clés de voiture) et il attend tout simplement qu’un ami vienne lui en porter un double. Sauf que dans son cas, l’ami ne tardera pas trop et comme il nous offre gentiment et généreusement de nous conduire à notre hôtel à Port-au-Prince, nous montons avec lui. Vers 19 h, nous sommes à l’hôtel, la bière est bonne et le steak succulent.

Onès, pendant ce temps, a poursuivi ses négociations avec un intermédiaire qui connaît l’un des types qui a pris les clés. Qu’il finira par récupérer, à force de patience et de persévérance!

Tout est bien qui finit bien, donc et personne ne s’en plaint!

Mais quant à savoir si on aimé l'expérience, eh bien c'est franchement non!

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